Et ils se jetteront dessus comme un tas de gros sur des Twix.
Qu'ils soient intentionnels ou non, j'aime voir dans certaines citations des doubles discours. Il faut avouer que cette phrase, qui m'a fait bien rire sur le coup, me paraît en fait après réflexion d'une ambivalence suffisante pour résumer le gros problème de ce film.
World War Z, vous le savez sans doute, c'est d'abord un bouquin vachement fun de Max Brooks, que j'ai tenu à dévorer avant d'aller voir le film, à la suite du Manuel de survie en territoire zombie (excusez, impossible de me souvenir du titre exact). Deux livres que j'avais adoré, en tant que grand fan du genre Z, puisque tous deux mêlaient habilement le second degré du thème et une certaine rigueur dans l'invention, l'auteur se souciant à chaque ligne de faire acte d'un réalisme bluffant : fonctionnement de la maladie, analyse du combat homme/zombie, explication de l'impuissance de l'armée à combattre cette "invasion", psychologie des personnages, déroulement de la guerre et subséquemment du joyeux bordel géopolitique que ça pose. Bien sûr, il fallait passer outre le style qui n'avait rien de littéraire (le narrateur est journaliste, après tout), mais c'était quand même vachement bien foutu et franchement bien articulé.
Aussi, quand j'ai été voir ce film dont la bande-annonce promettait tant, je m'attendais à retrouver dans l'histoire les enjeux du livre, avec toute la dimension globalisante que ca implique. Alors, oui, les effets spéciaux sont beaux, les goules franchement agressives et plutôt moches, les acteurs pas mauvais (hormis Brad Pitt qui m'agace de bout en bout, paradoxalement), le tout rythmé avec deux-trois punchlines sympa sorties bien évidemment de la bouche d'un militaire. Si t'as jamais lu Max Brooks, ca peut être fun. Mais moi je l'ai lu. Alors bordel, OÙ EST PASSE LE LIVRE ?
Car le problème est bien là : le bouquin n'est jamais repris dans le film, hormis le passage à Jérusalem. Là où le livre est suite de témoignages divers, le film se contente de suivre l'itinéraire d'un Brad Pitt sauvant le monde. Là où Brooks pensait de façon globalisante, à aucun moment il n'est présenté d'enjeux mondiaux, ni la situation dans d'autres pays que les USA ou Israël. On ne voit pas non plus les fameux combats de Yonkers ou Hope, on passe complètement au dessus de la Chine, du Japon, de l'Afrique du Sud, de la Russie (omniprésents dans le bouquin), on passe complètement au-dessus des récits des survivants et de la bataille primitive que se livrent les hommes entre eux, et je passe maints autres manques qui font perdre au terme "adaptation cinématographique" tout son sens. J'espère seulement que la suite -si elle se fait- sera plus fournie, parce que là c'est vraiment du Dawn of the Dead en puissance, sauf qu'ils meurent pas à la fin.
Pour autant, faut-il blâmer le réalisateur lui-même, puisque toute la seconde moitié du film lui a été imposée par la Paramount ? Il fallait du grand public, de l'audience, du chiffre, du -12 et pas du -16, du Brad Pitt en héros, du Pepsi et un happy-ending. Il fallait des spectateurs, et tant pis pour les vrais amateurs du genre. Il fallait, en somme, que nous nous jetions dessus comme un tas de gros sur des Twix.
"Et on fait quoi de l'histoire alors ? Du but de l'auteur ? Et de l'apocalypse totale ? En fait, on fait quoi de World War Z ? "
Ben, pour cette fois, on s'en passera.