Déroutant à plus d'un titre, You won't be alone est un long métrage d'épouvante qui ne vous effraiera jamais. Au pire, il vaut fera parfois grimacer si vous êtes sensible à la chaire sanguinolente. Pourtant, cette première réalisation imparfaite place immédiatement Goran Stolevski sur la liste des réalisateurs que je suivrais à l'avenir. Moins sombre mais moins captivant malgré un véritable sens de la révélation, ce conte est à l'image du peu connu Hagazussa : A heathen's curse que je découvrais il y a deux ans, ou encore, si on remonte plus loin, de The Witch de Robert Eggers, deux films de sorcières qui m'ont autant surpris que séduit par leur traitement visuellement soyeux et par leur ambiance sombre et contemplative.
Encore une fois, il est ici question de sorcellerie pour un film de folk horror ingénieux et surprenant prenant place à une époque de croyances révolues et dans une nature superbement exploitée.
Dans les peaux de Nevana, une "mangeuse de loup", jeune sorcière métamorphe au destin lié à celui de ça "créatrice", on navigue entre sa découverte du monde et celle de ses pouvoirs. Une dualité perpétuelle pour cette jeune fille mutique qui ne sait rien de l'extérieur et qui va devoir s'y faire une place. Ainsi alors qu'elle navigue de corps en corps, découvrant successivement les conditions de vie des hommes et des femmes qu'elle singe, nous spectateurs nous familiarisons avec ses capacités surnaturelles qui viennent expliquer certaines des précédentes scènes. Et même si l'ennui n'est jamais loin, si on ne frémit jamais, ce puzzle fantastique a quelque chose de subtilement savoureux qui nous rattrape à chaque pièce dévoilée.
Mais malheureusement, You won't be alone n'est pas exempt de défauts et certains ont littéralement desservis le film. Cette voix-off d'abord qui m'est très rapidement apparue comme insupportable (en VF - soit disant qu'en VO, elle se fond mieux dans les images) et le propos féministe que j'ai trouvé amené sans aucune subtilité même s'il finit par se diluer dans l'évolution de notre héroïne au travers de ses découvertes successives et de son apprentissage.
Deux points qui ont véritablement joués contre le visionnage de ce film que je trouvais d'abord à peine passable malgré son originalité et son traitement habile de la sorcellerie et du mystère.
Mais c'est aussi cette manière singulière de traiter l'inaccessible à la raison humaine qui va agir comme un poison lent.
Car jour après jour, difficile de me sortir Nevana et ses différentes incarnations (Noomi Rapace, Sara Klimoska) de la tête, difficile d'oublier son ambivalence, ses actes, sa douleur. Même imparfait, You won't be alone reste marquant et perturbant.
Le film de Goran Stolevski fait partie de ces œuvres qui ne vous emportent pas pleinement sur le moment mais qui sèment quelque chose en vous sans que vous ne le remarquiez, quelque chose qui grandit et vous assure que vous avez eu devant vos yeux une œuvre inhabituelle qui valait le coup d'être vue.
Peut-être est-ce ça, de nos jours, la sorcellerie ?