Lorsque beauté et mélancolie s’embrassent

« Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c’est la loi.
Le jour décroît ; la nuit augmente, souviens-toi ! » Charles Baudelaire, Les fleurs du mal


Youth c’est l’allégorie du temps qui passe, ce temps qui nous est si cher et qui nous file entre les doigts. C’est un film sur une vieillesse pleine de vie, sur les regrets parsemés de remords, sur la solitude partagée, sur les sourires dérobés autour d’une conversation, sur la peur envahissante de l’oubli, sur l’appréhension de ce tant redouté clap de fin qui ponctue nos passages sur terre.


Quel meilleur endroit que ce bel hôtel suisse plongé au milieu des montagnes pour s’adonner au souvenir, à la contemplation, à l’échange ? Qui de mieux que Harvey Keitel et Michael Caine pour interpréter les rôles de ces vieillards si jeunes pour mourir, trop vieux pour espérer. Leur présence alimentée par les dialogues simples et poignants de Sorrentino nous berce, nous enchante.


Avec cette comédie sombre ou nos sens en prennent plein la vue, Paolo Sorrentino nous présente avec génie les différentes étapes de la vie qui se côtoient sans jamais se toucher, les rêves brisés pour certains, germant pour d’autres.


Ce film nous pousse au questionnement : Quel rôle jouons-nous sur terre, sinon celui de perpétuer cet éternel jeu de chaises tournantes, qui nous voue à l’oubli ? Notre existence, aussi éphémère qu’elle soit, nous empêche-t-elle de pleinement profiter de chaque instant ? Le paradoxe entre la jeunesse et vieillesse qui saupoudre l'oeuvre, atteint son paroxysme lors de cette fameuse scène magnifiquement incarnée par la Miss Monde, se baignant nue face à nos deux vieillards. Celle-ci, au-delà du fantasme inatteignable, prouve que malgré les apparences, elle n’est jamais bien loin, montrant que le corps ne serait finalement qu’une enveloppe cachant ce qu’il se passe réellement dans les esprits.


La brillante interprétation de Paul Dano vient compléter ces opposés qui se côtoient, prouvant que l’on peut avoir la vie devant soi et s’adonner à des doutes existentiels qui nous rongent et nous construisent. N’est-ce pas le doute qui nous permet d’avancer ? N’est-il pas naturel de questionner un monde ou l’on ne prend plus le temps d’observer, ou l’on ne prend plus le temps de s’ennuyer ?


Toutes ces questions nous imprègnent d’une nostalgie pleine de vie et d’une mélancolie pleine d’espoir, faisant de Youth un film à part.


La vie ne dure qu’un instant, il ne tient qu’à nous d’y mordre à plein dents.

Créée

le 27 mars 2019

Critique lue 570 fois

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TomusDeBelo

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