Il y'a deux ans Paolo Sorrentino que je ne connaissais pas du tout présentait un film qui a clairement marqué le festival de Cannes, La Grande Bellezza, tellement bien reçu qu'il fallait forcement que je me fasse une opinion sur l'oeuvre. Un soir j'ai donc profité de sa diffusion sur Canal + pour le découvrir, et au final il m'a profondément ennuyé, long, d'un vide abyssale, rien d'intéressant, seule la réalisation et la bande son montraient vraiment quelque chose, mais ça ne suffit pas.
J'avais donc laissé ce monsieur Sorrentino de coté même si un jour de devais assouvir l'envie de voir son This Must Be the Place, quand arriva Youth, au départ ça n'avait rien d'une grosse attente même si le casting et le synopsis rendaient la chose intéressante. Puis à quelques jours de sa vision au cinéma, l'excitation est montée petit à petit, et je ne voulais pas le rater sur grand écran, donc j'y suis allé en pensant trouver au moins un bon film, et j'en suis ressorti avec une bonne et jolie claque.


Sorrentino, d'après ce que j'ai lu, tient à cœur le sujet de la vieillesse, cette chose qu'on ne peut contrôler, qui arrive coûte que coûte, en quelque sorte la fin d'une vie, ou du moins le début de la fin, et malignement il intitule son film Youth (Jeunesse). Car le troisième âge est le plus douloureux, on sent la fin arriver, et à ce moment, on ne pense plus qu'à une chose, notre jeunesse, ce qui aurait pu se passer si on nous donner une deuxième chance. Pourtant le personnage de Fred le dit lui même, il aurait donné 20 ans de sa vie à l'époque pour coucher avec une certaine Gilda Black, l'ironie du sort non ?
C'est au pied des Alpes, dans un hôtel luxueux que Mick et Fred, deux vieux amis, se retrouvent, l'un réalisateur qui avec son équipe s'efforce de trouver une fin à un scénario apparemment grandiose, l'autre, compositeur et chef d'orchestre ayant prit sa retraite. Se remémorant le passé, pensant sans cesse à l'avenir forcément funeste, ils croisent sans cesse des jeunes tout aussi tourmenté, mais par bien d'autres choses, comme ce jeune acteur travaillant sur un personnage compliqué qui n'est reconnu dans le monde que pour un simple rôle de robot.


Film rempli de questions, d'émotions, de sentiments, d'amour également, d'humour aussi, ou encore de folie, c'est un régal de passer 2 heures devant ce drame si fort et inventif. Car oui, le film renferme énormément de scènes mystiques et originales, je repense encore à la scène du cauchemar qui m'a fait halluciner, jamais un cauchemar n'aura été filmé de la sorte, un délire total.
Dès l'opening le film m'a emporté, cette chanson en ouverture si géniale, comme tout le reste de la bande son d'ailleurs, certains morceaux étaient si fun que je ne voulais pas qu'ils s'arrêtent. De toute façon, qu'il y est de la musique ou pas, le film est captivant au plus haut point, un questionnement sur la vie qui ne s'arrête jamais, même lors de ce dernier plan furtif qui remet la vie en question. Le tout filmé avec une telle précision, bon sang ces cadres, cette réalisation d'un esthétisme si pur, portée par une photographie divine, la mise en scène est également prodigieuse. De plus les décors sont forcément beaux, vu l'endroit, quelques arrières plans qui font un peu faux par moments malheureusement mais ce n'est pas vraiment important.


Dans ce grand hôtel où on a l’impression qu'aucune âme ne vit, que seuls les corps abandonnés sont présents, là où les inquiétudes, les questions et autres préoccupations prennent place. Cet endroit reculé de tout faisant quelque part office de purgatoire, ces grandes vitres, ces piscines d'un turquoise et d'une transparence quasi angélique. L'endroit rêvé pour se reposer et ne plus penser à rien, et pourtant, c'est là qu'on pense le plus, qu'on réfléchi le plus, et qu'on attend un signe.
Pour son deuxième film Américain si je ne dis pas de bêtise, Paolo Sorrentino nous régale, enfin du moins, il me régale d'une aventure intérieure fascinante, plaisante, enivrante et d'une beauté si simple, si vivante. Rien que d'en parler j'ai envie de le revoir, alors que je ne l'ai vu qu'hier soir, mais voilà, un film comme ça, c'est si bon qu'on aurait envie de le revoir chaque jour. Bon j'abuse sans doute un peu mais c'est pour dire qu'il m'a marqué.


Coté casting, ce qui m'a à la base le plus attiré, nous retrouvons un Michael Caine d'une force et d'une sincérité si juste, un Harvey Keitel comme jamais, une Rachel Weisz épatante, une Jane Fonda transformée en une sorte de Jessica Lange désagréable et cynique, ainsi que mon petit préféré, un de mes acteurs favoris qui ne cesse de m'épater, le tellement génial Paul Dano qui offre une générosité évidente à son jeu.


En bref, Sorrentino livre ici un des meilleurs films de l'année, incontestablement à mes yeux, que ce soit au niveau technique ou celui du scénario, tout est maîtrisé d'une main de maître, j'ai l’impression cependant d'oublier des choses dans cette critique. Mais bon, que valent les mots quand on peut tout simplement poser son derrière sur un fauteuil de cinéma pour y admirer ce joyaux.


PS: L'affiche est sublime, et pas juste parce qu'on y voit un cul divin...

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le 24 sept. 2015

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-MC

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