Yves Saint Laurent ou Saint Laurent ?
2014 fût l’année d’Yves Saint Laurent. Deux biopics ont été annoncés quasiment en même temps pour raconter l’histoire du créateur de mode, décédé en 2008.
Dans le premier film sorti le 8 janvier, le réalisateur Jalil Lespert a mis en scène Pierre Niney dans le rôle du créateur, et Guillaume Gallienne dans le rôle de Pierre Bergé, le bras droit d’YSL.
Le deuxième, sorti en septembre 2014, a été mené par Bertrand Bonello avec pour acteur principal Gaspard Ulliel.
Si je n’ai pas compris pourquoi deux films sur le même thème sont sortis la même année, je me suis amusée à comparer les deux.
Le film Yves Saint Laurent avec Pierre Niney est un biopic traditionnel et assez complet. On découvre l’adolescence et les débuts du créateur chez Dior en 1956, sa rencontre déterminante avec Pierre Bergé, homme et amant qui aura un rôle déterminant dans son ascension, les débuts de la marque Yves Saint Laurent, le succès, les joies puis la descente aux enfers du créateur, rongé par les drogues et l’alcool. Le film est construit d’une manière très simple mais le rythme est fluide et entraînant. On suit de manière logique le parcours d’YSL, ses voyages en Algérie, ses amitiés, ses amours et ses aventures sexuelles. Les moments fars de son histoire, comme la robe Mondrian ou son shooting photo nu, sont relatés de manière simple et impactante. Les robes et créations sont mises en avant lors des défilés. Le film a eu le soutien de Pierre Bergé lui-même, ce qui a permis au film d’exhiber les vrais croquis, les tissus, les robes et même les lieux d’origine. Le jeu de Pierre Niney est touchant et troublant. Si l’acteur ne ressemble pas énormément à YSL, sa voix et sa gestuelle sont parfaites.
Le point original de ce film est l’importance portée à Pierre Bergé. Le film est un véritable hommage à l’homme de l’ombre, à celui qui dirigeait l’usine de mode et soutenait YSL pendant ses périodes de doute et de névroses. Comme un héros, il a fait perdurer le succès de son protégé, malgré ses caprices et ses déprimes.
Le film de Bertrand Bonello, quant à lui, se focalise sur une période plus précise de la vie de Saint Laurent, de 1965 à 1976. Le film est beaucoup plus confus. Les années se succèdent dans le désordre, avec des allers-retours entre le passé et le présent. Certains passages du long-métrage sont proches du documentaire, avec des images d’archives et les différentes créations qui défilent à l’écran, de manière chronologique. Pourtant, lors du défilé final -le seul défilé du film- les robes sont montrées de manière distraite, en gros plan et en mouvement, ne permettant pas d’admirer les œuvres entièrement. Le film se traîne pendant 2h30 sans que l’on puisse entrer véritablement dans l’intrigue, perdu dans ce scénario flou et incohérent.
Gaspard Ulliel joue correctement mais d’une manière trop scolaire. Heureusement que les personnages féminins comme Loulou de la Falaise, jouée par Léa Seydoux, aigayent le film.
Si j’ai été déçue et ennuyée, l’aspect documentaire sur les ateliers de couture m’a intéressée. Pierre Bergé ne tient pas une place aussi importante que dans le film de Jalil Lespert, mais les couturières sont mises en avant, ainsi que la difficulté de travailler pour un homme exigent et malade. La relation entre les personnages d’Ulliel et Louis Garrel est aussi intéressante, ils s’aiment et se désirent, mais on n’arrive pas vraiment à la comprendre. Qui était cet amant, et pourquoi l’amour entre YSl et Bergé n’est pas raconté ?
Pour moi, le film Yves Saint Laurent est bien meilleur. Sa construction simple et traditionnelle nous permet de nous évader aux côtés du créateur, du début à la fin, d’être ému et de nous attacher au personnage. Même si le film n’est pas une copie conforme de la vie réelle d’YSL, il nous permet d’avoir une idée de ce qu’il a vécu, de son talent et de son succès. Et surtout, de l’homme qui l’a accompagné, Pierre Bergé.