En voilà un objet rarissime. Et réussi qui plus est. En effet, un film venu des Antilles, c’est chose qui arrive une fois par an, et encore. Alors un long-métrage maîtrisé, satisfaisant et plein de promesses en provenance de ces départements d’outre-mer, c’est une fois par décennie. Il est d’ailleurs difficile de trouver un exemple probant. Et on ne parle pas ici de films tournés là-bas mais véritablement de productions vraiment confectionnées de A à Z sous les tropiques comme c’est le cas de « Zion ».
Nelson Foix choisit de plonger son personnage principal (incandescent et magnétique Sloan Descombes) dans une affaire de trafiquants de manière fluide et qui nous met directement dans le bain. Mais l’intrigue de polar est souvent prétexte à une cartographie sociale et politique de la Guadeloupe, devenu un territoire sous haute tension. À travers les pérégrinations et mésaventures de son jeune homme désœuvré et du bébé qui lui a été confié (et qui ajoute un caractère sensible à cette histoire), il nous parle de son île et nous la montre sous ses atours les moins connus (et glorieux).
Le versant qui nous plonge dans une sorte de films de gangsters est captivant quoique relativement classique. Une histoire de colis (et probablement de drogues) propice à une guerre de territoire et de gangs au milieu de laquelle va se trouver le personnage principal pour l’appât du gain. C’est rythmé mais dans la seconde partie de « Zion », on déplore tout de même un côté redondant à ses courses-poursuites, nocturnes la plupart du temps, bien que l’aspect labyrinthique de la ville et ses quartiers interlopes soient bien montrés.
Du côté de la dissection de la Guadeloupe en elle-même, c’est super intéressant et « Zion » casse un peu tout ce que quelqu’un de la France métropolitaine peut s’imaginer des Antilles et de côté balnéaire. L'île crie famine (façon de parler) à cause des prix et souffre à cause de la délinquance et d’une jeunesse sans avenir. On sent le cri du cœur d’un territoire insulaire colonisé puis abandonné. Les anciennes et jeunes générations semblent s’affronter et ne plus se comprendre et les émeutes deviennent monnaie courante. Un triste constat et une sonnette d’alarme que ce long-métrage dépeint avec brio.
On prend un grand plaisir avec « Zion » qui s’avère aussi maîtrisé que surprenant. On se doute bien que le côté rare et exotique du contexte joue forcément en faveur du film et de notre appréciation mais il n’en reste pas moins que c’est un polar nerveux, bien écrit, bien joué et sans baisse de tension. En outre, Nelson Foix nous gratifie d’une mise en scène stylisée qui transpire l’envie de cinéma. Une réalisation bien supérieure aux deux tiers de la production française en termes de qualités visuelles. On est donc face à un long-métrage hautement recommandable et une jolie surprise.
Plus de critiques cinéma sur ma page Facebook Ciné Ma Passion.