le 8 avr. 2025
Les naufragés des caraïbes
"Les enfants sont à la fois un symbole d’origine et d’avenir. Ils portent en eux l’espoir qu’on leur transmet. On en compte des milliers dans Zion, qui brosse le portrait de citoyens guadeloupéens en...
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Découvrir ce premier long métrage de Nelson Foix, m'a particulièrement interpellé tant il m'a évoqué un film sud africain, qui malgré un Oscar du meilleur film étranger remporté l'année de sa sortie en 2006 et une tournée des festivals à travers le monde qui s'en est suivi, reste peu connu et peu commenté en dépit de ses immenses qualités. Ce film c'est "Mon nom est Tsotsi" de Gavin Hood.
J'ignore si Nelson Foix connait ce film et il n'est donc nullement question de lui faire le moindre procès de plagiat, mais les parallèles et même les points communs entre les deux œuvres ne peuvent être ignorés.
Les prémices du récit pour commencer; un jeune garçon délinquant, issu d'un quartier populaire, multipliant les actes répréhensibles et ne semblant attacher aucune importance au respect des règles et des lois, se retrouve malgré lui à devoir assumer la charge d'un bébé. Cette soudaine responsabilité, d'abord incrédule, puis maladroite, puis révélant chez ce jeune homme des sentiments qu'une histoire douloureuse semblait lui interdire et enfin comme un symbole du passage à l'âge de raison, à l'âge adulte, faire ses choix avec la conscience désormais entière que les conséquences de ceux-ci ne le concernent plus que lui uniquement, mais aussi un être innocent, sans défense.
Les deux films ont aussi en commun le contexte social dans lequel vivent ces garçons. Un contexte de violence qui trouve ses origines dans la misère, un sous texte politique fort, avec d'un côté l'héritage encore rémanent de l'Apartheid sur les populations noires d'Afrique du sud, notamment économique et dont on peut dire que les effets de cette politique désormais révolue se font encore ressentir et continuent de créer une forme de ségrégation par l'argent. De l'autre la situation, là aussi économique, très dure pour les antillais, face au coût de la vie, le chômage systémique, l'incurie de l'état perçu comme déconnecté des besoins de la population. Les deux tensions conduisant à des émeutes auxquelles la seule réponse apportée par les autorités est la répression brutale et aveugle.
Les guerres de gangs, pour le contrôle des marchés noirs, sont aussi au cœur des deux récits.
Devant toutes ces similitudes, je ne serais pas étonné que "Mon nom est Tsotsi" ait été une source d'inspiration pour le primo cinéaste guadeloupéen, mais il serait très malhonnête de ma part de ne pas faire mention de ses différences.
Deux en particulier me paraissent importantes et suffisent à mon sens à balayer tout soupçon de plagiat. La caractérisation et l'évolution des deux personnages principaux et le choix de chacun qui mèneront aux conclusions diamétralement opposées qu'ils prendront.
Tsotsi, le chef de gang du bidonville de Soweto, se retrouve avec ce bébé sur les bras suite à un acte délictuel, dès lors il devra conjuguer à la fois avec l'enfant et les nombreuses implications pratiques que cela sous tend, le nourrir, le protéger, le cacher aux yeux de ceux qui pourraient s'en servir pour exiger une rançon avec le risque non négligeable aux vues des violences admises et courantes dans son monde que l'enfant n'y survive pas et avec la police à ses trousses. Tsotsi par son histoire marquée par la violence qu'il a subi ou celle qu'il a fait subir, est montré comme insensible, presque sociopathe et le contact prolongé avec l'enfant qui va d'abord réveiller en lui le retour du refoulé avant d'agir comme une catharsis et une pierre fondatrice de sa résilience.
Chris, lui le petit malfrat de la cité, bien plus immature que ne l'est Tsotsi et il faut le dire, plus épargné par la vie, même si elle n'est pas rose, se retrouve avec ce bébé à charges, de façon presque hasardeuse et s'il tente bien de prévenir les flics, ses rapports tendus avec l'institution vont le contraindre à assumer seul ou presque l'enfant en attendant d'identifier sa mère. Chris se voit du coup entravé par ses liens avec le milieu, il fait foirer des opérations dont il avait la charge, se retrouve à devoir jongler entre deux chefs rivaux dans une guerre de territoire aussi sanglante qu'implacable et pris entre deux feux, dans une situation qui dépasse de beaucoup ses habitudes, ses talents de petit voyou, plongé dans le grand bassin où nagent les requins les plus agressifs, il endosse la fonction de bouclier humain envers cet enfant que les malfrats autour de lui n'hésiteront pas à utiliser comme moyen de pression.
L'un poussé par la réalité de l'impossibilité de fuir plus avant ira se rendre aux autorités pour restituer l'enfant à sa famille légitime, l'autre quand la mère sera identifiée fera un autre choix, un choix qui soulignera son parcours intime dans la prise de responsabilités que ses activités illégales l'empêchaient d'atteindre.
"Zion" est donc un film qui ne démérite pas en termes de thématiques, je n'ai pas parlé du rapport au père, qui bien que très court dans le narratif dit énormément de choses et constitue même le sel du personnage de Chris, je vous laisse le soin de le découvrir par vous même.
On retrouve les petites scories communes aux premiers films, l'envie parfois trop flagrante de faire démonstration dans sa mise en scène, avec une photographie parfois tapageuse et des éléments de réalisation comme l'utilisation du ralenti pas toujours à propos, mais qui ont la politesse de ne jamais dénaturer le fond du film.
L'acteur principal est très convainquant que l'on parle de son jeu ou de sa présence, j'ai notamment été plus que séduit par son regard, mariant intensité, émotivité, profondeur d'âme et un certain charme quelque part entre l'ado tempêtueux et le "thug" au grand cœur.
A travers cette critique, je vous invite donc à découvrir deux films parents, deux films sur la charge d'âme innocente et fragile dans un contexte difficile par des personnes non préparées à cette éventualité et qui devront faire le chemin intérieur du héros en quête de son absolu. "Zion" donc et "Mon nom est Tsotsi".
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il y a 1 jour
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le 8 avr. 2025
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