Mesdames et messieurs, vivants et morts, vous allez assister à un match de critiques sur le même film : le romantique et sanglant Zombie Honeymoon. Freddy K a aiguisé ses griffes ici, j'ai affûté son œil perçant, et par la force de leurs mots vous offrent ce duo de bafouilles à déguster bien évidemment froid.


Quatre années les séparent, et il y a peu de chance que l’un ait influencé l’autre, mais il est intéressant de comparer comment Zombie Honeymoon (2004) de David Gebroe et Zombie Lover (2008) des frères Deagol s’intéressent au même thème, l’amour quand la personne aimée est devenue un mort vivant.


Zombie Lover évoquait un amour malsain, où le plus monstrueux était celui encore vivant. Une belle réussite à faire frissonner dans le dos.


Zombie Honeymoon lui est antérieur, et ce qu’il raconte n’est rien d’autre que l’amour fou et vivace d’un jeune couple marié, plein d’espoirs et de projets, mais aussi des quelques doutes qui vont avec, mis à mal par la contamination de Danny en zombie. Leur lune de miel vire au cauchemar, mais Denise tient bon, bien que fortement ébranlée par la progression rapide de l’état de son mari dont l’humanité le quitte peu à peu, de plus en plus dicté par de nouvelles faims.


Figurant habituellement fondu dans la masse dans les films où il en est la menace, le zombie retrouve ici une individualité marquée, dont le film montre les étapes. Il montre la souffrance qu’il crée sous un autre angle, celui du proche confronté à ce qui apparaît comme une maladie grave incrusté dans la vie d’un couple qui n’attendait rien de tel.


Zombie Honeymoon apparaît donc comme une drame sentimental, le mal est différent, mais les réactions s’y apparentent. Denise va se confronter à plusieurs stades, trouvant en elle un courage inattendu, désirant honorer sa promesse. Mais « jusqu’à la mort vous sépare » perd évidemment de sa force quand la mort devient à ce point réelle.


Bien souvent filmé à l’épaule, sur le vif, avec une photographie neutre, Zombie Honeymoon propose une réalisation proche de ces films indépendants, qui racontent émois et désarrois. Avec le risque hélas atteint d'être parfois un peu plat visuellement. Mais rarement un film indépendant avait osé un tel sujet où la la mort est ici matérialisée, s’autorisant quelques percées de sangs et de tripes. Un afflux de vie qui quitte celle des victimes pour nourrir la faim morbide de Danny. Le gore est rare, mais présent.


Son couple phare est très bien incarné, par deux acteurs qui vont passer par des émotions fortes et contradictoires, de l’euphorie de cette lune de miel au désarroi de cette nouvelle situation. Graham Sibley est assez impressionnant, notamment dans les premières phases de la contamination, quand il devient flou, trouble, et même enfantin, réagissant comme un enfant devant ses pulsions ou l’aide de Denise. Sa personnalité humaine s’effacera au fur et à mesure que sa transformation s’achève, pour un zombie de cinéma aux intentions de plus en plus floues, avec cette question en toile de fonds : à partir de quand sera-t-il trop tard pour lui, pour elle, pour eux ? Mais c’est bien Tracy Coogan qui est la plus impressionnante, de cette jeune femme pleine de vie à cette mère courage, de l’amante à l’accompagnante de fin de vie. Elle passe par différents états, d’une confusion parfois sublime et mise en valeur par l’actrice.


Malheureusement, tous les rares personnages secondaires peinent à exister à côté de ce socle, ce couple à l’union de plus en plus précaire. En dehors du personnage du flic, acceptable, ce sont des caricatures, qui ont le plus souvent trop de temps de présence alors que la finalité sera pour l’essentiel d’entre eux d’être croqués par Danny. Le jeu peu discret de ces comédiens rattache le film à un certain esprit de la série B, peu subtil, alors que cette relation principale arrive pourtant à créer la nuance recherchée.


Il faut préciser que Zombie Honeymoon est un projet indépendant, le bébé de David Gebroe, qui en est le producteur, le scénariste et le réalisateur. Le film lui est personnel, car il a transposé certaines idées de son vécu personnel, et du drame de l’amour tragique de sa sœur. De l’aveu même de cette personne dans les bonus du DVD, il n’aurait pas été des plus tendres avec son équipe pour que son film se fasse. Le tournage a été éprouvant, concentré sur peu de jours, sur des journées de 18h, dans des conditions particulières. La maison de cette lune de miel, cadre central du film et cercueil de cette relation, était ainsi utilisée alors que ses occupants vivaient dedans.


Mais c’est peut-être aussi ce tournage fauché et tendu qui donne au film sa justesse, sa sensibilité malade, son regard aussi sur une relation qui devient bien malgré elle de plus en plus toxique. Ces petits éclats de gore ou de personnages caricaturaux le desservent tout de fois, en répondant à un cahier des charges de film d’horreur de série B qui ne semble pas à sa place ici. C’est regrettable, car ce Zombie Honeymoon explore d’autres pistes que le tout-venant du film de zombies, en plaçant un formidable couple au centre, et en laissant le spectateur découvrir impuissant sa fascinante décomposition.

SimplySmackkk
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le 11 mars 2022

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