Depuis sa première apparition dans les pages du magazine Spirou en 2009, la série Zombillenium est devenue l’une des plus importantes du catalogue Dupuis, ravissant les jeunes têtes mais aussi les plus vieux grâce à ses différents niveaux de lecture. Ce parc d’attractions rempli de créatures horrifiques est le cadre d’histoires bien menées, où le monstre n’est pas forcément celui qu’on croit


La série est crée par Arthur de Pins, ce dernier s’était fait connaître chez Fluide glacial avec sa série Péchés mignons, série coquinement drôle. Ayant travaillé dans l’animation, son style rond a gagné en allonge dans Zombillenium, mais conserve une certaine esthétique animée, offrant l’illusion de cases découpées dans un métrage d’animation.


L’univers est porteur, le trait est transposable et l’expérience d’Arthur de Pins étant déjà faite, la série a droit à un film en 2017, co-réalisé par de Pins et Alexis Ducord.


Les grandes lignes sont conservées, Zombillenium est toujours ce parc d’attraction perdu dans le Nord, entouré de champs plats et de villes à l’architecture héritée du XIXe siècle ouvrier. Mais ce que les familles s’y rendant pour occuper leurs journées ne savent pas, c’est que les zombies, vampires et autres petits monstres ne sont pas pour de faux, mais sont bien réels. Francis, vampire et directeur, doit mener ce parc vers un meilleur équilibre financier, les conséquences seraient terribles pour ces créatures sinon.


Dans la bande-dessinée, c’est Aurélien qui était obligé de travailler pour le parc, transformé en un monstre suite à un terrible accident et ce afin de préserver le secret de l’endroit. Son œil extérieur permettait au lecteur de découvrir avec lui le fonctionnement de Zombillenium et des personnes le composant, dont on retrouve ici quelques personnages tels que le directeur Francis, la stagiaire sorcière Gretchen ou le représentant syndical Sirius.


Pourtant, au lieu de reprendre ce personnage, et quitte à refaire l’histoire déjà vue, l’adaptation utilise un autre personnage d’abord extérieur puis intégré malgré lui à cette petite équipe. C’est Hector, contrôleur des normes, un personnage assez antipathique, père en difficulté d’une petite fille placée en pension. L’évolution de sa personnalité doit guider le film pendant sa durée, pour en faire un rôle-titre plus « cool » et sympathique, mais c’est fait de façon assez gauche, vers une progression tellement forcée qu’elle enlève toute surprise.


Heureusement, le film profite d’un ajout bien plus appréciable, celui de Steven l’adorable vampire qui concentre toutes les attentions des visiteurs, mais il a les dents longues. Cette amusante copie d’Edward de Twilight crée un antagoniste de poids. Vaniteux et manipulateur, ce faux adolescent était la star du parc avant que Hector ne fasse monter la cote d’amour des zombies et du train fantôme.


Cette rivalité est intéressante, car elle est au service des sujets de fonds de la série de papier, qui derrière les atouts des parcs d’attraction et des monstres, aborde des thématiques sociales autour du travail. Les rivalités entre catégories de travailleurs, ici vampires et zombies, entraînent des traitements différents, et aussi des mécontentements. Manager une telle équipe n’est pas si facile, surtout quand le licenciement implique la mort définitive. La question du poids et des possibilités du syndicalisme est ainsi une autre conséquence. Et, bien sur, faire tenir un tel parc implique des fonds, et aussi des sacrifices nécessaires.


Tout ceci est assez bien vu, et se révèle appréciable, au milieu d’une production animée dont les thèmes habituels relèvent le plus souvent de l’intime, tels que la confiance en soi, l’accomplissement de ses rêves et autres bons sentiments parfois indigestes. Zombillenium est à sa façon social, mais sans sacrifier à certaines conventions.


Visuellement, le long-métrage s’accorde à merveille avec l’univers de la bande-dessinée, celui-ci prenant enfin vie. Le traitement rappellera le cell-shading (ou ombrage de celluloid) avec ses détourages visibles et ses aplats de couleur. Quel dommage par contre que la grisaille du Nord contamine tout le film, faisant un peu triste mine avec ce nuancier de couleurs un peu réduit. Réalisé par le studio réunionnais Pipangai, Zombillenium n’a pas à rougir, techniquement.


Pourtant, le métrage souffre de certains passages à la mise en scène qui auraient du être un peu plus pêchues. Le concert pendant le film se révèle assez plat, malgré la musique de Skip the Use, Matt Bastard étant impliqué dans le projet, donnant de la voix et du son. En 2013 le clip de Nameless World s’intégrait même dans l’univers de la série. Assez curieusement, c’est la reprise instrumentale des Corons qui représente la meilleure intégration de la musique au film, pour une scène assez forte. C’est l’un des quelques moments où le film arrive à créer un certain frisson, ses quelques moments qui se veulent plus émouvants autour d’Hector fonctionnant assez mal. Il manque au film un meilleur écrin, avec une mise en scène plus poussée, et c’est dommage, la technique étant au point.


Cette relecture de Zombillenium en conserve certains de ses meilleurs traits, tels que ses sujets sociaux et bien sûr cet environnement fascinant, mais on peut regretter que le personnage d’Aurélien soit remplacé par un autre peut-être plus taillé pour un film, avec un espace d’évolution plus large mais dont la personnalité est artificielle. Cette virée au parc manque d’intensité, se foire dans les émotions qu’elle veut créer, mais garde un certain attrait, à défaut d’un véritable charme. Son cadre original offrant encore quelques surprises qui récompenseront le spectateur.

SimplySmackkk
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le 8 juil. 2020

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