Zootopie 2
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Zootopie 2

Long-métrage d'animation de Jared Bush et Byron Howard (2025)

Où les pattes mènent, la vérité traîne

La ville respirante de Zootopie s’éveille encore, mais d’un autre souffle, une vibration assourdie qui flotte dans un crépuscule perpétuel. La lumière n’y éclaire plus : elle palpite. Le film s’ouvre sur des frémissements visuels, une symphonie de ruissellements et de reflets qui semblent hésiter entre la promesse du jour et la lassitude de la nuit. On entend, sous la rumeur des artères urbaines, le murmure des existences animales qui n’ont plus rien d’allégorique tant elles portent la densité des désirs, des peurs et des renoncements. Zootopie 2 naît ainsi dans une sorte de chant rauque, un poème qui réapprend sa propre langue avant de se risquer à dire le monde.


Dans ce nouveau chapitre, Jared Bush et Byron Howard choisissent une voie plus feutrée que celle de leur précédent film. Là où Zootopie frappait par la précision de sa fable politique et l’audace de son montage, la suite s’oriente vers une mise en scène élargie qui privilégie l’ampleur, les panoramas urbains, la luxuriance d’un monde jamais figé. Les scènes d’ensemble, bourdonnantes de détails, accueillent autant les clins d’œil que les micro-récits, au risque parfois de dissoudre la netteté argumentative dans un flux visuel d’une générosité incontestable. Mais cette profusion témoigne aussi d’une confiance renouvelée dans la capacité du cinéma d’animation à raconter autant par la forme que par le discours.


La direction artistique se déploie avec une richesse remarquable. Les quartiers de la cité — humides, glacés, foisonnants ou souterrains — deviennent des variations chromatiques dont le film tire un rythme interne. La profondeur de champ y est travaillée comme un organe vivant, le cadre dessine des corridors sensibles où oreilles, mufles et silhouettes acquièrent une présence charnelle singulière. L’animation se fait matière. La musique glisse dans ces interstices, se densifie par moments, puis se retire pour laisser le champ au simple bruissement d’un souffle ou au claquement d’une course. Le mixage, plus subtil que démonstratif, offre une topographie sonore qui approfondit l’émotion plutôt qu’elle ne la souligne.


L’intrigue, qui reprend la veine de l’enquête, se tourne vers un récit plus labyrinthique, presque teinté de polar urbain. Le passé jette ses ombres sur des institutions vacillantes, et c’est là que le film retrouve une partie de sa force. Judy et Nick, toujours impeccablement incarnés par Ginnifer Goodwin et Jason Bateman, forment un duo plus nuancé, un tandem dont la complicité s’exprime par les silences autant que par les réparties. La fougue de la lapine s’est affinée, la roublardise du renard s’est apaisée. Ce glissement n’amoindrit pas leur énergie dramatique : il l’oriente vers une maturité nouvelle, un questionnement sur ce que signifie agir ensemble quand les enjeux personnels et collectifs se fissurent.


C’est justement dans cette maturité que se loge une tension. En arrondissant les angles, le film perd un peu de la virulence politique qui marquait le premier opus. Certaines scènes semblent effleurer des zones de conflit prometteuses avant de chercher des résolutions plus conciliantes, comme si l’œuvre hésitait entre la charge allégorique et la douceur d’un divertissement familial. Pourtant, cette tendance ne prive pas Zootopie 2 de sa substance morale : elle lui donne une tonalité plus intime, presque méditative. Le récit ne renonce pas à interroger la peur, l’autorité ou la responsabilité, il le fait simplement sans les frictions étincelantes qui avaient forgé la réputation de son aîné.


Le montage, volontairement moins incisif, construit une fluidité qui sert admirablement les séquences d’action. Les poursuites et infiltrations privilégient la lisibilité des trajectoires, alternant plans larges respirants et resserrements brusques qui soulignent l’urgence physique. Certains seconds rôles sont esquissés trop rapidement, d’autres brillent par des surgissements comiques ou dramatiques qui rappellent combien l’univers de Zootopie sait accueillir la diversité sans l’ostentation. Le film embrasse parfois la digression mais ces pas de côté participent à son identité, à ce mélange d’exubérance et de retenue qui en fait un objet singulier.


Zootopie 2 apparaît ainsi comme une pièce charnière. Il ne cherche pas à rivaliser frontalement avec la férocité du premier film : il préfère étendre le territoire sensible de la saga, approfondir les ramifications d’une cité où la coexistence demeure un chantier permanent. Cette orientation pourra sembler trop douce à ceux qui attendaient une nouvelle morsure satirique, mais elle offre un autre type de densité. Le film gagne en tendresse ce qu’il perd parfois en radicalité, et cette tendresse — ample, texturée, presque mélancolique — constitue sa ligne de force la plus durable.


Il reste alors l’impression d’un monde qui continue de vibrer une fois l’écran noir venu, une ville en veilleuse, traversée d’élans et de cicatrices. Zootopie 2 ne clame pas sa vérité : il l’infuse. Il avance avec une beauté plastique indéniable, une sincérité constante et une sensibilité qui, sans fracas, inscrit le film dans une continuité à la fois humble et ambitieuse. Un geste de cinéma qui choisit l’écoute plutôt que l’éclat, et qui, par cette voie, affirme sa propre nécessité.

Créée

le 26 nov. 2025

Critique lue 375 fois

Kelemvor

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