Quand un jeu débarque sur Playstation Vita c'est forcément un petit évènement et même un jeu de niche peut y gagner une exposition qu'il n'aurait pas forcément eue sur un autre support. Ainsi, en pénurie de jeux à fournir à mes portables, je me suis décidé à commander ce DanganRonpa au principe plutôt attirant. Était-ce un bon choix de ma part ? Nous allons le voir dans la suite...

Pour résumer, DanganRonpa est un point&click japonais assez dirigiste mais plutôt original qui consiste en une série d'enquêtes liées à une trame de fond mettant en scène quinze étudiants exceptionnels (sauf vous qui n'avez d'exceptionnel que votre "chance") enfermés dans un simulacre d'école glauque de laquelle on ne peut sortir qu'en assassinant un de ses camarades sans se faire gauler au procès (si l'on y arrive, tous les autres meurent). Au sommet de cet établissement, un nounours biface jouera son rôle de despote sanglant, arbitrant les procès des élèves et punissant mortellement le fautif au cours d'une exécution spectaculaire. Ce personnage sera d'ailleurs le vecteur principal de l'autre tonalité du jeu : le burlesque qui, couplée à l'autre aspect sanglant du titre, accouche d'un certain humour noir assez plaisant.

Vous l'aurez compris, DanganRonpa se fonde sur une intrigue à huis clos plutôt originale et angoissante (surtout dans les premiers chapitres, ensuite l'habitude vient jouer son rôle modérateur). Ainsi, malgré la tête à claques et le côté caricatural de certains, les personnages qui survivent un tant soit peu de temps arrivent à imposer leur personnalité, ce qui fait qu'on finit par s'attacher à eux, même aux plus exaspérants. Il faut dire aussi que le jeu est principalement composé de dialogues en écrans plus ou moins fixes (modulo les différentes postures parfois exagérées à la japonaise des protagonistes) en vue à la première personne.
Outre les procès qui pourraient rendre le jeu rébarbatif du fait de la répétition du schéma "introduction-vie scolaire-enquête-procès-conclusion", le fil rouge du jeu qui est la découverte des secrets de l'école et la tentative de s'échapper d'elle sans tuer ses compagnons offre au joueur une perspective à long terme qui lui donne envie de continuer l'aventure. A cette intention, le jeu est plutôt bien équilibré, délivrant au fur et à mesure des indices (allant de pair avec l'ouverture progressive du terrain de jeu) sans jamais en donner trop au risque de dévoiler trop prématurément la fin.

Mais une des raisons qui peut aussi expliquer cette difficulté (ou ce déni comme celui des personnages ?) à prévoir la fin est le fort caractère irréaliste de cette dernière qui part un peu dans le "grand n'importe quoi" japonais, i.e. qui prend des proportions incroyables voire ridicules. Cette fin (ouverte) ne pourra pas plaire à tout le monde : d'un côté on pourra apprécier le charme de l'intrigue japonaise débridée, de l'autre on pourra s'exaspérer de ces grands retournements de situation "abusés". Pour ma part, je demeure assez partagé là où un Deadly Premonition remportait mon adhésion par la portée plus allégorique de sa fin (qui est trop grossière et simpliste dans DanganRonpa). De même, ce style nippon se retrouve dans les enquêtes avec cette manière de présenter des évidences comme des découvertes majeures que l'on doit répéter deux fois pour être sûr que le joueur ne les oublie pas : certes on ménage sa mémoire par rapport à des point&click occidentaux où il faut carrément prendre des notes pour résoudre les enquêtes, mais on perd aussi du temps à tourner autour du pot pour pas grand chose (certaines enquêtes ou questions étant rendues ultra-évidentes par les indices données à certains points).
Une dernière petite chose irritante (mais qui ne minore que très peu mon appréciation du jeu) dans le déroulement est l'impression de toujours avoir un autre personnage qui a les clés de l'enquête et qui nous donne la parole dans les procès. Mais pourquoi bon sang s'embêter si un autre a déjà la solution ? Ainsi, vous verrez souvent des phrases du genre "Alors Makoto [nom du héros], tu sais la preuve qui montre que X a fait ceci...*Choisis la preuve qui montre...*".

En termes plus concret maintenant, le gameplay du jeu est essentiellement, je l'ai déjà dit, à la première personne. Globalement, chacun des chapitres commence par une introduction durant laquelle le déroulement sera essentiellement narratif (donc textuel avec de temps en temps des animations stylisées). Cette première partie mettra en avant le grand thème du chapitre avec les deux ou trois personnages centraux de ce dernier.
Ensuite, une phase libre s'ouvrira. Cette dernière nous permettra de discuter avec les étudiants de notre choix pour mieux les connaître (les révélations demeurent mineures à mon sens) et gagner des skills qui nous rendront plus performants durant les procès. Tous les connaître demandera d'utiliser le "school mode" après avoir fini le jeu, ceux-ci mourant plus ou moins rapidement. Cette phase nous permettra également d'explorer l'école pour y trouver des monocoins (de l'argent) pour acheter des cadeaux à donner aux autres élèves ou à revisionner/réécouter des vidéos/sons du jeu. Cette phase demeure assez limitée (d'autant plus que le jeu est ultralinéaire sans embranchements, les options dans ce mode sont donc limitées et n'ont aucune conséquence sur la suite) mais plaisante.
En troisième lieu, une phase d'enquête prendra place après la découverte du corps de la nouvelle victime. Cette dernière, très guidée ne demandera qu'à cliquer (au bouton ou au doigt) sur les zones cliquables (que l'on peut mettre en évidence par un simple clic) jusque ce que l'on vous autorise à sortir de la pièce (quand vous avez tout vu). Cette phase permettra de collecter des "balles de vérité" (i.e. des indices) que l'on pourra utiliser au procès pour argumenter. Hormis l'enquête numéro un (où dès les premières secondes on connaît le coupable et les modalités du crime), la solution n'est pas aussi évidente que cela (même quand l'identité du coupable est facile à deviner, la découverte des modalités reste une quête intéressante).
Enfin, la phase de procès commence une fois tous les indices récoltés (pas de panique, le jeu s'arrête quand vous avez vraiment tout, il n'y a pas d'indices "optionnels"). Cette partie consiste en une série de "mini-jeux" qui symbolisent les étapes du débat pour déterminer les circonstances, les modalités et le coupable du crime. De façon exhaustive, on a : le débat où il faudra contrer les affirmations fausses et y opposer un indice récolté ou même une autre affirmation du débat (le tout est stylisé en une gâchette de laquelle on tirera une "balle de vérité" sur les dires des autres) ; le pendu du jeu classique éponyme où l'on devra compléter un mot incomplet qui est un argument du procès ; le "moment de vérité" un mini jeu de rythme où il faudra repousser les objections d'un adversaire récalcitrant avant de l'achever par une "balle de vérité" primordiale ; la reconstitution où il faudra compléter les cases d'une BD pour récapituler le déroulement du crime.
Une fois tout ceci fini, le joueur sera noté et gagnera de la monnaie en conséquence. Ces phases comptent bien sûr parmi les plus intéressantes du jeu par leur rythme, leur mise en scène et leurs révélations. Elles peuvent conduire au game-over si notre jauge de crédibilité tombe trop bas (elle diminue au fur et mesure des erreurs) mais, pas de panique, on pourra reprendre là où l'on s'est arrêté. Ainsi, vous ne pouvez jamais vraiment perdre dans Danganronpa qui n'a même pas de "mauvaise" fin (enfin si, mais même là on est redirigé vers le moment du choix qui nous reconduit forcément vers le bon choix).

Au final, Danganronpa s'avère être un Point&Click ultra-dirigiste mais assez original qui pallie la répétitivité de son principe par de nombreuses mécaniques de gameplay et par un fil rouge bien rythmé et plein de mystère. Fort de son casting plutôt réussi et de son ambiance à la fois glauque et burlesque, le titre de Spike Chunsoft rate à mon sens un peu le coche du fait de sa fin qui tente maladroitement de prendre un aspect allégorique (le tout demeure un peu trop simpliste et lourd dans ses répétitions), ce qui ne compense pas son côté trop énorme. A ce titre, j'aurais préféré une fin qui aurait pris une direction un peu plus réaliste, soft ou ambiguë. Voilà donc une bonne expérience sur Vita, mais ça s'arrête là.
Foulcher
6
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le 9 mars 2014

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