Ce jeu aurait dû s'appeler Thief: No Other Game Can Be Better Than Me

Ah, Thief: The Dark Project. Quand j'y pense, et quand j'y joue, je me dis que personne ne pourra jamais faire mieux, que Looking Glass était très certainement le meilleur studio de jeux-vidéo et que c'est une véritable honte qu'un studio comme celui-ci ait dû fermer. Pour jouer dans les meilleures conditions, je vous invite à télécharger le programme TFix qui permet de jouer sans encombres sur les systèmes modernes. Je vous invite également à ne pas installer de mods graphiques car ceux-ci dénaturent le jeu. Lorsque j'ai écrit cette critique, la version la plus facile à trouver était Thief: The Dark Project. Maintenant il s'agit de Thief Gold, qui ajoute trois missions supplémentaires et change quelques trucs.


Tout d'abord, le titre était une petite révolution à sa sortie. Un FPS où le but n'était pas de trucider des types à la chaîne (même si c'est fendard) mais d'éviter la confrontation le plus possible. Garrett est fragile et est une brêle avec une épée, mais fort heureusement il est très agile et a un don particulier pour se planquer. C'était aussi le premier jeu (et l'un des seuls sortis à ce jour) ayant un système d'ombre, de lumière et de son comme caractéristique principale de gameplay. Le jeu possède un indicateur de visibilité (gemme de visibilité) en bas de l'écran qui indique au joueur le niveau de visibilité de Garrett. Plus celle-ci est sombre et plus vous êtes camouflé. Cette gemme possède 16 teintes ainsi qu'un petit indicateur supplémentaire avec 3 états : noir, jaune et rouge. Lorsque la gemme et l'indicateur d'état sont complètement noirs vous êtes littéralement invisible, tandis que si elle est un peu éclairée et jaune, vous avez des chances d'être repéré à distance et vous allez être clairement repéré si un garde passe juste à côté de vous. Si elle est complètement éclairée et rouge vous êtes complètement visible et avez intérêt à sortir de la lumière et changer de planque fissa sous peine de vous prendre une lame dans le ventre. Il est également important de savoir que si vous déployez vos armes (sauf la matraque), vous êtes plus visible !


Le jeu possède une technologie de propagation du son absolument remarquable et tout simplement inégalée depuis. Je rappelle que ce jeu est sorti en 1998 ! Il est possible de placer précisément l'origine de chaque bruit, de chaque sifflement de garde, de chaque bruit de pas sans même avoir à se mettre à découvert pour avoir un visuel. Là où tous les autres jeux ont du son qui fuite à travers les murs et plafonds, Thief: The Dark Project a une gestion du son extrêmement réaliste et vraiment bluffante. Chaque surface fait un bruit différent, plus ou moins fort : les tapis et l'herbe sont presques inaudibles tandis que des surfaces comme le gravier, le métal ou le carrelage font un boucan d'enfer et annoncent votre position à tout garde qui passe dans le coin pour peu que vous marchiez trop vite ou que vous courriez comme un dératé.


En plus de servir le gameplay absolument sans faille de ce petit bijou, ces trois éléments font de Thief: The Dark Project le jeu le plus immersif auquel j'ai pu jouer.


La dimension sonore est impressionnante, et je suis extrêmement surpris que les talents du génial Eric Brosius soient si peu utilisés dans des productions plus récentes. Les sons sont criants de vérité et happent littéralement le joueur dans le monde inquiétant de Thief: The Dark Project. Machines, râles de prisonniers, sons mystérieux ou fêtes dans des tavernes ; tout y est. Le voice-acting n'est pas en reste, et celui-ci est tout bonnement excellent. La VF est aussi de très bonne facture, ce qui est assez rare pour être souligné. Même si les graphismes ne sont pas top, et n'étaient pas top même à l'époque, force est de constater que l'ensemble est harmonieux, cohérent et dégage une espèce de chaleur propre aux jeux de cette époque, comme avec Half-Life par exemple. C'était l'époque où, ahem, les jeux avaient encore des couleurs. Je déconseille d'ailleurs fortement de jouer avec des mods HD qui dénaturent totalement la direction artistique et qui sont très, très moches. Les graphismes datés font partie intégrante du charme.


Le scénario du jeu est plutôt basique mais extrêmement bien écrit, avec un retournement de situation assez brutal et spectaculaire. Mais là où Thief: The Dark Project est extraordinaire, c'est clairement sur le background et l'univers du jeu, extrêmement complet. La Cité est mystérieuse, envoûtante, malsaine et étrangement attirante. On se croirait presque dans un film noir transposé dans un monde vaguement médiéval et gothique-steampunk qui sent la vieille pierre, l'huile et la rouille. Elle regorge de secrets, de complots et d'endroits pas très recommandables, et je trouve que cet aspect de la Cité a pris assez cher avec Thief 2: The Metal Age où l'on nous montre une Cité plus moderne et moins sombre, et donc moins mystérieuse. Chaque mission est entrecoupée de briefings au style vraiment intéressant et narrés par l'ineffable Garrett et sa voix suave, qui donne des informations sur la mission à venir. Les factions introduites sont extrêmement intéressantes et les personnages sont excellents, surtout notre anti-héros cynique et classe Garrett. Même les gardes lambda ont une personnalité propre et écouter leurs conversations révèle à la fois des informations sur la mission en cours mais aussi sur le monde en général et leur vie quotidienne. Ces gardes sont pour la plupart des employés tentant de gagner leur vie et on se prend vite d'affection pour eux, contrairement à un jeu comme Dishonored où les gardes sont en grande partie de véritables pourritures qu'on prend plaisir à tuer. Les dialogues sont truculents et tous très bien écrits. Une autre force du jeu est aussi ce sentiment d'impunité complète lorsqu'on joue, on se sent vraiment comme étant le roi des voleurs.


Niveau gameplay, ce jeu est une vraie petite pépite. Mélangeant habilement les missions de cambriolage audacieux et les missions d'exploration dans des lieux hostiles comme des catacombes hantées, il est extrêmement difficile de s'ennuyer ou même de décrocher de Thief: The Dark Project. Garrett possède tout un attirail pour palier à son manque de force et pour contourner les obstacles :



  • La matraque est l'outil principal du voleur et servira à vous
    débarrasser des gardes et serviteurs un peu trop encombrants ;

  • Votre arc est votre second outil. En plus de servir d'arme à distance
    ainsi que de potentielle distraction, certaines flèches peuvent vous
    faciliter grandement la vie : flèches à eau pour éteindre les torches
    et créer des zones d'ombre, flèches en mousse pour atténuer le son
    émis par vos petits pieds-pieds, flèches à corde pour créer des
    chemins alternatifs, etc ;

  • En cas de dernier recours, vous avez toujours votre épée à
    disposition, mais celle-ci vous rend plus visible et vous ralentit ;

  • De sympathiques passe-partouts pour crocheter des serrures quand on
    ne trouve pas la clé.


Et plein d'autres encore, ce qui rend le gameplay de ce jeu particulièrement intéressant et encourageant l'expérimentation !


L'IA de Thief: The Dark Project est d'excellente facture, et bien que datée et parfois facilement exploitable lorsque l'on connaît les rouages, elle est coriace, maline et ne laisse que peu de chances au joueur maladroit. Le jeu propose une pléthore de créatures différentes avec lesquelles le joueur devra adopter des stratégies différentes ; gardes normaux, archers, nobles, serviteurs, morts-vivants, burricks ou encore des mages élémentalistes. Les morts-vivants ont dérouté beaucoup de joueurs, moi le premier, mais je trouve que le jeu n'aurait pas été aussi bien foutu sans eux et leur présence menaçante. Les morts-vivants et le côté surréaliste du jeu sont parmi les facteurs principaux qui me font préférer, mais vraiment de loin, Thief: The Dark Project à Thief 2: The Metal Age. C'est simple, la première fois que j'ai joué à ce jeu j'étais absolument happé par l'atmosphère angoissante et épaisse — qui fait très vite oublier les graphismes vieillots — et tétanisé par l'intelligence de l'IA ainsi que par la nature particulièrement exigeante du jeu. Lorsque j'ai fini Lord Bafford's Manor et enquillé sur Break From Cragscleft Prison, j'ai tout de suite su que ce jeu était un grand jeu.


Une des autres forces de Thief: The Dark Project c'est son level design véritablement puissant. Les missions sont très vastes, non-linéaires, proposent une multitude de chemins à explorer, de choses à voler, de trucs à découvrir. Vous allez nager, sauter, vous balancer sur des cordes, vous dissimuler, vous déplacer furtivement, vous évader... si vous aimez les endroits abandonnés et lugubres, ou alors des bâtisses médiévales cossues avec tout de même un sentiment d'angoisse, vous allez adorer Thief: The Dark Project. Les outils du joueur, comme les flèches à eau et les flèches à corde, rendent ce level design exemplaire encore plus intéressant, surtout dans le cas des flèches à corde. Celles-ci, introduites dans la mission Down In The Bonehoard, font office de grappins et se plantent dans les surfaces boisées, mais aussi dans des surfaces plus molles comme la végétation, la terre ou bien encore le tapis. Au lieu de ne marcher qu'à quelques endroits prédéfinis et artificiels, ces flèches à corde peuvent ouvrir des chemins véritablement naturels et organiques, ce qui fait des missions de vrais bacs à sable où il est possible de découvrir des méthodes alternatives et intelligentes pour contourner ses problèmes et obstacles sans qu'un développeur ne soit derrière votre dos pour vous guider.


Le jeu propose également trois modes de difficulté : Normal, Difficile et Expert. Plus le mode de difficulté est élevé, plus les objectifs nécessaires pour mener votre mission à bien sont nombreux et exigeants : voler plus d'objets, voler plus de butin, ne tuer aucun innocent en Difficile ou ne tuer absolument personne en Expert, revenir à son point de départ, etc. Les gardes sont également parfois plus nombreux, il y a moins d'argent à dépenser au marché noir en début de partie et l'équipement à trouver est réduit. Certaines missions sont également complètement changées selon le mode de difficulté, je pense notamment à Down In The Bonehoard. Les cartes fournies par les contacts de Garrett sont pour la plupart approximatives et ne donnent qu'une vague idée de ce que l'on va rencontrer, ce qui pousse le joueur à faire lui-même sa reconnaissance et à explorer soigneusement et minutieusement les environs.


Vous l'aurez compris, Thief: The Dark Project est un jeu intelligent et exigeant pour des gens intelligents et exigeants. Looking Glass compte sur vous en permanence pour découvrir par vous même les subtilités de ce véritable chef d'œuvre, à la fois du jeu d'infiltration mais du jeu vidéo tout court. Un jeu exemplaire, une pièce maîtresse malheureusement trop méconnue mais dont on chante les louanges à juste titre.

skacky
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le 7 déc. 2011

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skacky

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