Delivroo présente Monster Energy's Death Stranding feat. Uber Eats

Hideo Kojima est de retour. Il était temps. J'ai failli attendre. Enfin libéré des influences néfastes d'une compagnie ayant renié ses nombreuses promesses envers elle le créateur de Snatcher nous livre un titre doté d'une distribution cinq étoiles. Au scénario ? Kojima Scripting Solutions. Game design ? Kojima Design Service**s. Production ? **Kojima Productions. Programmation ? Une équipe d'intellectuels triés par le volet par un homme que vous connaissez peut-être sous le nom melliflu d'Hideo Kojima. Catering ? Kojima Food Trucks une subdivision axée mobiles financée avec amour par Uber Eats afin que l'homme puisse nourrir sa page Instagram chaque jour de la semaine de nouvelles images succulentes. Réseaux sociaux ? HideoTube une start-up réalisée avec la complicité de Google pour promouvoir une pluralité d'avis à lunettes sur les machines de l'internet ainsi que sur l'internet des machines. Sélection musicale ? Quelques groupes faiblards aux sonorités indies dont Hideo promet qu'il les aime pour d'autres raisons que pour celle très trendy d'avoir l'air cool auprès des kids. (Leur modicité aide aussi mais il ne faut pas l'admettre en public.) Montage du trailer diffusé à travers le monde pour faire la promotion du projet ? Hodeï « Plemiere Puro » Kajimo et son équipe de motion designers professionnels. Les plus éveillés d'entre-vous auront peut-être reconnu au passage sous ce pseudonyme facétieux l'un des plus prestigieux créateurs de jeux vidéo de l'histoire du Japon. Character design ? Bon, d'accord, Yoji Shinkawa. Dire que le titre était bien parti pour être parfait.


Plantons le décor. United States of America. Le futur proche. Un syndrome mystérieux digne d'un mauvais roman de science-fiction a transformé le quotidien du peuple américain en un combat constant contre la mort. La pluie rend plus vieux. Décéder est devenu explosif. Cratère après cratères les détonations d'un peuple meurtri écrèment une humanité en fin de course. Certains humains sont cependant immortels pour des raisons de gameplay. Une plage mentale relie l'inconscient des vivants au monde des morts. C'est une métaphore. Sauf, bien entendu, quand ce ne l'est pas. Au milieu de tout ceci des ennemis invisibles tentent d'égayer le quotidien de livreurs censés soutenir sur leurs frêles épaules une société constituée de neets vivant chacun chez eux dans des abris préfabriqués de fortune. J'ai déjà oublié le nom de ces entités meurtrières. C'est mauvais signe. Ma mémoire faillirait-elle enfin ? Serait-ce une conséquence de mon exposition continue au Réseau Chiral ? Dur à dire. Armé d'un bébé bocal censé vous aider sentir la présence de ces obstacles conceptuels il vous incombe – en tant que Samuel Miguel Porter Bridges Lionheart Stranding a.k.a. le fameux randonneur immortel – de faire le tour d'un monde divisé afin de rétablir les communications d'une société fragmentée. Comment ? Par un acte simple, humain, peut-être même fondamental. Celui de rétablir le WiFi d'esseulés afin qu'ils puissent imprimer par eux-même ces produit essentiels dont les plans voguent d'une station à l'autre. Société en kit. Luxe à la demande. Portrait d'une époque Après l'Histoire.


Tout ceci est bien entendu très profond. Les twists itou. Sérieux. Le fait que la présidente des États-Unis vous somme de reprendre plaisir à la vie en la sauvant bien qu'elle soit votre ex-femme est vraiment très très fin. Ses blagues sur Princesse Peach sont phénoménales. On dirait du Molière. Ce n'est pas du tout un ramassis de vagues notions haut perchées censées justifier un gameplay répétitif, lénifiant au possible, dont la variété de pacotille exige que vous vous fendiez de quarante heures de livraisons coupées par des cinématiques où des acteurs de second rang – un rang plus haut que l'habituel – font semblant avec toute la force disponible dans leurs petits corps motion captured que les dialogues maladroits du fameux génie japonais sont, en fait, scintillants. Quelle connivence que celle de Machin de The Walking Dead et Léo Saindoux ! Leur sympathie l'un pour l'autre dégouline à travers l'écran d'une mimique forcée à l'autre tandis que s'énumèrent les scènes d'expositions vous amenant chaque instant plus proche d'une compréhension totale de leurs motivations. Sourires forcés en forme de grimaces. Soupirs mutins entre soupiraux. Silence qu'on plisse. Tout y passe. C'est bien là l'arsenal complet de l'art théâtral. Les diagrammes étaient une chouette touche, ceci dit, et aident fort bien à comprendre les rapports passés sous silence de ces personnages dont on espérerait qu'ils le soient un brin plus.


Après des années passées à apprendre votre négoce au conservatoire en compagnie de dramaturges de haut niveau vous pouvez donc comprendre de manière nuancée que livrer sera votre sacerdoce. C'est souvent le cas dans ce type de professions. Résigné vous comprenez qu'une Amérique de poche sera votre scène. Il vous incombe de tituber sous le poids de votre cargaison d'une côte à l'autre tout en faisant attention aux divers facteurs susceptibles d'affecter vos performances. Vos chaussures, bien sur, mais aussi l'hydratation – sponsorisée par Monster Energy – seront vos principales préoccupations. Par la suite il faudra aussi faire attention aux échelles, véhicules et autres kits de rappel nécessaires à vous permettre de livrer à bon port les pizzas du futur. Faites bien attention à les garder horizontales. Même si toutes les livraisons sont gratuites on ne voudrait pas fâcher le client. S'il n'est pas satisfait il risque de vous interdire de réparer son routeur afin de sauver le monde d'une forme d'apathie parfaitement compréhensible quand on tient compte des conditions de vie – luxueuses mais soporifiques – d'une humanité livrée à elle-même dans des petits cubes souterrains dont les fans de Minecraft ne daigneraient pas faire leur logis.


Se battre contre les éléments constituera une bonne portion de votre quotidien. L'élément aqueux – ce n'est pas sale – ronge vos objets. Il semblerait que dans le futur l'eau accélère le passage du temps. Ce qui explique l'état futuriste de cet univers étrange. Seule solution face à ce dilemme ? Divers sprays dotés d'une solution susceptible d'inverser l'effet délétère du fameux fluide. L'état des colis compte pour beaucoup dans les User Reviews dont le protagoniste tire son statut sur les réseaux sociaux. Certaines livraisons exigent une célérité rendue possible par divers adjuvants dont des jambes mécaniques et des sortes d'hoverboards foireux. D'autres, au contraire, exigent que tout leur parvienne sans le moindre dommage. Cette sorte de combat constant presque philosophique vécu par les livreurs d'aujourd'hui est ainsi transposé dans l'univers presque fantastique du dernier titre de Kojima. Qui n'a pas acheté un produit en ligne avant de le voir être brisé jusque chez vous par les services postaux locaux ? C'est cette petite touche d'humanité qui rend le fameux créateur si proche de son public. Il vit le même quotidien que le notre malgré sa vie de jet-setter. Un homme du peuple, Hideo ? Et comment ! Ce n'est pas du tout le genre d'homme prêt à distribuer divers rôles importants aux réalisateurs autrefois rencontrés au détour d'un press tour afin d'en tirer des conseils susceptibles de l'aider dans sa prochaine carrière de directeur de courts-métrages. Pas du tout. Ôtez-vous cette idée de la tête. Tout le monde n'est pas cynique.


La principale idée du jeu – peut-être même la plus valide – reste celle d'un univers en ligne partagé par instances. Chaque région propose sa propre version du même monde. Vous pouvez vivre dedans. Glaner ses trésors. Poser des messages au sol. Uriner presque partout pour voir éclore les champignons holographiques. C'est tout un trip. Au fur et à mesure que les participants meublent celle-ci la tâche qui vous est confiée par Kojima dans sa grande mansuétude s'allège. Les chargeurs sortis du sol viennent contribuer à garder vos jambes robotiques en état. Divers abris dotés de garages vous permettent d'emprunter les motocyclettes d'autres versions de vous-même ayant daigné les placer au pif. Parfois les paresseux du monde entier finissent par contribuer les matières premières nécessaires au 3D Printing de l'une ou l'autre route afin que vous puissiez cesser de buter près de trente secondes sur les petits cailloux microscopiques posés à la main par les level designers du fameux visionnaire. C'est un concept fort, parfois touchant, qui même s'il est somme toute inspiré des messages de Dark Souls, et des efforts constructivistes du fameux simulateur de travail que se trouve être Minecraft, me semble constituer une petite contribution au renouveau de la discipline. C'est tout du moins une synthèse studieuse dotée d'une vision la différenciant de ses sources. Vous pouvez mettre ça sur la boite. Faudra écrire petit.


Malgré ces systèmes le principal problème du titre – celui dont les critiques évitent de causer – consiste en sa pénibilité. Beaucoup de jeux modernes dont la valeur est vantée de manière kilométrique se sentent obligés de rallonger leur propos par le biais d'une boucle de gameplay bâtie autour des problèmes encourus en chemin. Ce que vous possédez dans ce triste monde est friable, poussif ou même temporaire. Tout. Chaque mission commence par une corvée d'empaquetage. Prenez vos pitons, vos échelles, vos chaussures de rechange. Peut-être même votre masque à oxygène au cas où il est nécessaire de gravir une montagne. Quelques armes, aussi, mais soyez assurés qu'elles ne soient pas létales. Pour rappel : ce monde voit ses cadavres exploser. C'est très profond. Les grenades hématiques, bien entendu, au cas où les ennemis invisibles arrivent à vous garder au sol assez longtemps pour invoquer un démon digne de Dark Souls. Un solex ? Okay. Rajoutez ça sur la pile. Faudra penser à garder la batterie chargée en faisant le plein toutes les dix minutes. Ce qui sera pénalisé dans la colonne célérité de votre bilan de fin de mission. Pensez à tout, donc, et vous aurez le privilège de souffrir.


Je n'aurais pas survécu à la longueur phénoménale de ce titre sans ma mix-tape Eighties Sound. (Un mélange punchy de KajaGooGoo, Morris Day, Prince, Hall & Oates, Duran Duran et Yellow Magic Orchestra.) Un contraste violent face au type de musique sélectionné pour habiller l'action molle de ce monde au bord de sa propre disparition. Elle sonne comme un litée de chats en train de se noyer dans un puits distant tandis qu'un chanteur folk pas très doué cherche à accorder sa guitare sans se rendre compte qu'il est devenu sourd sous l'impulsion d'une sorte de malédiction druidique tombée sur son dos la nuit passée. C'est très douloureux. À peine moins que le fait de devoir subir Joan Baez durant Metal Gear Solid V. (#FunFact : c'était bien entendu de cet acte de terrorisme musical dont il était question dans la mention Phantom Pain.) Surtout que là où le titre précédent de l'inventeur du Tactical Espionage Action proposait une liberté extrême dans les actes posés pour se divertir... celui-ci se résume a réfléchir en termes d'itinéraires. Une activité pas déplaisante – elle faisait partie du panache du jeu susmentionné – mais dont l'effet s'estompe quand elle représente l'intégralité du titre.


Death Stranding contient certes des scènes d'action. Elles sont comme tout le reste placée au milieu de votre activité principale afin de vous ralentir davantage. Vous devrez triompher au prix de la perte éventuelle des paquets à livrer des obstacles ainsi dressés sur votre chemin. Je vous l'avais bien dit : c'est très profond. Transformer la base de tout third-person shooter en une pénible corvée est certes intelligent, peut-être même intellectuel, mais ce n'est pas ludique. Surtout qu'au mieux vous vous acquittez de ces figures imposées en incarnant un gars portant un barda d'une centaine de kilos. Une tare de plus à faire porter au personnage. Je sais qu'il n'est pas censé être une forme de Légende Vivante de la Soldatesque comme l'était Big Boss mais vu qu'il se résume malgré tout à une exploration sempiternelle de l'archétype symbolisé par Snake Plissken la comparaison reste valide. Même son t-shirt sans manches est similaire à celui de Kurt Russell. C'est dire si l'hommage est poussé. Par ailleurs, autant l'admettre, tout soldat porte sur son dos un poids conséquent durant ses combats. Je pense qu'on appelle encore ça le barda. Mais est-ce soudain ce type de réalisme improbable que l'on est censé suivre dans un jeu vidéo ? Quelle sera la prochaine étape ? Un Super Mario où il se brise les chevilles dès qu'il tombe de trop haut ? Un Grand Theft Auto où une bonne portion des voitures proposées ont leur réservoir presque vide ? Max Payne mais les flingues s'enrayent ? Deux Ex mais vos greffons s'infectent ? Un Metroid réaliste où la colonne vertébrale de Samus se brise quand elle se met en boule ? DAYS GONE ?! Faudrait savoir ce qu'on veut. C'est censé être un jeu.


Je comprends cependant ce qu'est censé être Death Stranding. Une sorte de réflexion sur le fait que rester en vie est un combat de tous les instants face aux éléments tandis qu'une société est la somme de ces luttes menées à large échelle par des individus courageux malgré leurs problèmes personnels. C'est un beau message. Il est bien livré. Mais il m'a rempli du profond sentiment qu'un fumiste tentait de sembler futé tandis qu'il me volait mon temps. Une sensation que je n'avais jamais eue en jouant à un titre Hideo Kojima... mais que j'avais déjà rencontrée chez Fumisto Ueda.


Note Officielle : 13/10.
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le 24 avr. 2020

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