Dishonored 2
7.7
Dishonored 2

Jeu de Arkane Studios et Bethesda Softworks (2016PlayStation 4)

[en cours de ré-écriture]


Indice chez vous (vidéos explicatives sur les Immersive Sim et le 1er Dishonored notamment) : celle de Mark Brown : https://youtu.be/kbyTOAlhRHk et celle de Game Next Door : https://youtu.be/xIA5zCVUToc



Dishonored 2 c'est quoi



C'est 9 niveaux sous forme de petites zones semi-ouvertes (accès à débloquer, impasses, raccourcis...), on démarre à un point A, on va remplir l'objectif en B en choisissant le trajet et la méthode de progression, et on termine la mission (en B, ou, généralement en retournant en A).


On est donc libre d'explorer dans les limites données, et libre d'utiliser les compétences du personnage, notre matériel, ou l'environnement à notre avantage. Loin d'être illimitée, la liste est relativement grande et permet de varier les situations. Mais ces variations vont surtout dépendre des propres contraintes ou objectifs que se donne le joueur (utiliser tel ou tel pouvoir, tuer ou non, ne pas se faire repérer par les gardes, finir les niveaux à 100%, etc). On est donc loin du gameplay émergent façon Deus Ex que je m'attendais à voir, où les joueurs peuvent trouver de nouvelles façons de jouer par l'expérimentation. Et loin de la structure organique avec progression libre d'un Prey, même si je reconnais apprécier la structure en Niveaux comme ici.


Donc Dishonored, c'est une fausse "Immersive Sim" (pour reprendre le terme bien connu, expliqué dans une vidéo de Mark Brown par exemple), ou, pour voir le verre à moitié plein, un jeu d'action/infiltration arcade (qui est parfois vendu comme une simulation "bac-à-sable") et agrémentée d'une technique et d'une patte graphique flatteuses. Personnellement, je privilégie le game design à la technique : j'ai revendu le jeu sans faire les 2 derniers niveaux (je l'ai regretté, et racheté, pour faire 2 niveaux avant de m'en lasser de nouveau). Explication.



La liste des options de jeu



J'ai voulu jouer sans tuer personne, et sans me faire repérer. En gras les options permettant cette approche du jeu. Certains éléments létaux peuvent aussi être utilisés pour attirer l'attention des gardes.


L'équipement : arbalète, carreaux (classiques, incendiaires, anesthésiants, hurlants, tranchants), pistolet, grenade (normale et collante), mines (paralysantes, lacérantes), couteau


Les objets : collectibles (potions (santé, mana), nourriture (santé), livres (lore), pièces&trésors, améliorations d'équipement), quelques objets avec lesquels interagir mais souvent inutiles (machine à écrire, globe terrestre, plomberie...) ou encore pour faire diversion (horloges, bouteilles, verres).


Pouvoirs d'Emily : (mon choix de personnage au début du jeu. En gras ceux que j'ai utilisés, considérant les autres comme cheatés ou létaux)



  • blink / grappin (téléportation et pull à courte distance, façon toile de Spider-Man)

  • voir à travers les murs

  • "envoûter" un ennemi (~paralyser)

  • créer un clone (diversion)

  • lier les ennemis entre eux (partage le même sort)

  • ombre errante (se balader plus discrètement, un peu à la Venom)


Pouvoirs de Corvo :



  • ralentir le temps

  • téléportation

  • voir à travers les murs

  • nuée de rats (attaquent et dévorent)

  • prendre le contrôle d'un pnj

  • souffle de vent (casse porte, dévie projectile, tue les ennemis)



J'aime et J'aime pas




  • ▲ C'est magnifique et gavé de détails. Le monde est criant de vérité
    et a un charme fou visuellement. Les captures d'écran ressemblent à
    de vieilles illustrations américaines, c'est bluffant.

  • ▲ Le jeu tourne comme une horloge, l'interface est classieuse, les chargements plutôt rapides, il y a pas mal d'options pour personnaliser l'expérience et la difficulté en particulier. Une mise à jour a rendu possible de recommencer les missions déjà faites

  • ▲ Enfin un jeu moderne où on peut choisir de jouer pacifique + furtif sans que ça devienne pénible ou hardcore, au contraire. Et puis le blink / grappin, roh que c'est jouissif !

  • ▼ Les objectifs toujours les mêmes (atteindre un transport ou
    neutraliser une cible).

  • Les niveaux ne sont pas très grands, assez simples, manquant de
    variété et d'originalité (j'y reviens). Si on veut les faire à 100%, observer chaque recoin prend des heures et éclate les yeux, mais si on veut aller vite, ça peut aller très... très (trop) vite : de gros raccourcis permettent d'éviter la quasi-totalité du niveau... quand ce ne sont pas des erreurs de design qui en gâchent la structure (ex : passer par le chemin B pour aller en C parce que A est bloqué, et trouver en C l'item pour débloquer A... alors qu'on en a plus besoin, du coup).

  • ▼ la narration est insipide (enfonce des portes ouvertes, banale, pas très bien écrite, etc), et sort une pirouette (et une menace différente) à chaque niveau, prétexte pour justifier le voyage du suivant. Donc aucune sensation de suivre une histoire d'un seul tenant, ou de faire partie d'un univers unique. A moins de lire les nombreux bouquins... mais rien ne nous motive à le faire.

  • Difficulté. En normal, le jeu n'est pas dur. Pas assez de gardes, des routines trop simples à décrypter et contrer... Alors c'est vrai que ce n'est pas un jeu d'infiltration en premier lieu. Mais même sans être expert dans le domaine, il me semble qu'il y avait beaucoup mieux à faire.

  • ▼ D'où mon idée de crise identitaire : le jeu hésite entre action et infiltration. Entre réflexion et plateforme. Entre RPG et aventure. Entre arcade et simulation. Il fait un peu tout, mais rien à fond, et si j'en crois Game Next Door (cf intro), encore moins bien que le précédent épisode. Alors c'est pas nul, et ça aide même à démocratiser un gameplay assez rare. Mais il ne va jamais au bout de qu'il initie.

  • ▼ Pas de % de complétion indiqué en cours de mission, obligeant à tout refaire une fois la mission terminée si on veut atteindre le 100%...

  • Si on vise un objectif précis comme le furtif/pacifique, l'expérimentation est punie par l'obligation de recharger en boucle sa précédente sauvegarde. Une fonction rembobinage ? Parce que le coup des sauvegardes, c'est quand même bien archaïque hein.

  • ▼ J'aurais aimé un mode time attack et des ptits objectifs par niveau (connus dès le début cette fois !), pour lui donner (à défaut d'un aspect RPG) un côté encore plus arcade (façon Lara Croft &tGoL).


Le jeu n'est pas le bac-à-sable ultime que j'attendais, le Deus Ex, Zelda BOTW ou Dark Souls de l'infiltration 2.0. Ces jeux nous laissent nous débrouiller, et pas juste choisir entre 2 options (létale ou non, ici). Dans ces jeux, il y a un vrai sentiment d'accomplissement, on est content de trouver une solution, de passer un obstacle. Les options y sont très nombreuses. Ici, non. Alors certes, elles paraissent l'être au départ, mais en vérité elles se répètent de niveau en niveau. Et sitôt passé le 2nd niveau, on s'ennuie déjà.


Et il y a une différence entre permettre de choisir son chemin dans une mini zone ouverte (ce que permet n'importe quel jeu en fin de compte, même un Mario) et vraiment laisser le joueur libre. A moins de se donner un défi soi-même ou de volontairement abandonner un chemin qui fonctionne pour en essayer un autre, le jeu deviendra vite redondant. Car oui, je peux vous le dire car j'ai recommencé des tas de fois les niveaux pour les boucler à 100% : une fois qu'on trouve un chemin efficace et qui nous plait, rien ne nous incite à en changer... à moins de se fixer soi-même la contrainte. Échec de game design.


Mais tout ça aurait pu être oublié, si ce dernier point avait été réussi... :



Problème #01 : La sous-exploitation des idées !



J'ai déjà évoqué le manque de variété au sein des niveaux (structure, progression, objectifs...). Mais c'est encore plus rageant de voir qu'il y a parfois de (très) bonnes idées mais qui n'apportent pas grand chose au jeu parce que sous-exploitées, alors qu'elles auraient pu tout changer.


Quelques exemples :



  • Un des niveaux est divisé en plusieurs parties connectées par un rail... mais l'idée s'arrête là et n'apporte rien d'autre. On fait le début. On voyage. On fait le milieu. On voyage. On fait la fin. Terminé. Déjà que les voyages entre les niveaux ne sont pas logiques narrativement parlant (un peu "prétexte", comme je le disais plus haut), au sein d'un même niveau cela ressemble plus à une rustine technique qu'autre chose.

  • Un des niveaux se déroule dans un manoir dont l'agencement des pièces est modulable. Très impressionnant les premières secondes/minutes (il faut reconnaître que c'est du jamais vu), on se rend vite compte qu'il y a seulement 2 ou 3 points stratégiques à faire bouger, peu de variantes, peu de secrets. Alors que ça aurait pu être un casse-tête incroyable, passionnant, long mais gratifiant.

  • Un des niveaux est sujet à des tempêtes de sable... mais cela ne change pratiquement rien à la façon de jouer et ne crée pas de situations différentes.

  • Ce même niveau nous propose une énigme. 1°, elle est mal placée : au début du niveau, et elle permet d'accéder directement au niveau suivant en sautant l'autre moitié de la zone. 2°, Elle. Est. Buguée. J'ai passé 1h avec mon calepin à griffonner un logigramme m'amenant à la solution... qui n'a pas fonctionné. La solution était la bonne (merci Google)... mais l'énoncé de l'énigme contenait une erreur. Vous vous rendez compte ? Non seulement le jeu essaye peu de choses, et sous-exploite ces tentatives, mais en plus une des rares originalités du bouzin est détruite par une erreur dans l'énoncé de l'énigme ! C'est hallucinant ! (je suppose que ça a été corrigé depuis)

  • Encore mieux : un niveau propose de "voyager dans le temps", grâce à un item qui nous permet de switcher entre deux époques (visuellement ça ressemble un peu à ça). Le constat est moins alarmant ici, puisqu'il permet de beaux moments ludiques, notamment en jouant furtif (pour se dissimuler dans le temps, yeah baby). C'est assez jouissif, mais là encore, il y a seulement quelques pièces, secrets et raccourcis exploitables. Le niveau est inutilement très long à visiter (pour ramasser chaque petite piécette cachée, grrr). Reste donc le souvenir d'une mécanique géniale... mais qui n'apporte finalement pas grand chose ni à l'histoire, ni au jeu dans son ensemble. Cela reste anecdotique, un gimmick, une pirouette pour décliner un gameplay en panne d'inspiration (un peu comme tous ces thrillers de gare qui croient se renouveler et être originaux en ajoutant un twist SF à des intrigues vues mille fois). Parce qu'il y avait de quoi faire un jeu complet rien qu'avec une mécanique pareille, suffisamment développée (entre les mains d'un designer de génie comme Jonathan Blow, par exemple).

  • Un dernier pour la route, dans ce fameux manoir mécanique : petite séquence de labyrinthe, où marcher sur certaines dalles change la configuration des murs. Il n'y a qu'un seul ennemi, un seul secret, et il suffit de trouver la bonne dalle (sur seulement 4 ou 5) pour ouvrir la bonne porte. Neutraliser discrètement 3 civils en train de discuter face à face présente plus de challenge et d'intensité... Nouvel échec de game design.


Et tout cela sans compter les rares nouveaux ennemis mal introduits qui ne sont là que pour un niveau (et sous-exploités), ou de petites mécaniques (jeu de cache-cache, labyrinthe, transport de corps, jouer avec le niveau de l'eau, débloquer des portes, etc) qui tentent de renouveler le gameplay, mais sont finalement vite oubliées : malgré mes 75h de jeu, au moment de relire et éditer cette critique, je ne me rappelle plus de ces passages. CQFD. J'imagine alors ce qu'aurait pu donner le jeu s'il avait été au bout de ses idées... CanardPC proposait début 2017 un article sur le manque d'engouement du public pour ces gros titres de 2016... mais on a peut-être là un début de réponse...



Résumé



Alors j'ai beaucoup critiqué le jeu, mais vous le voyez avec ma note, je ne l'ai pas détesté non plus. Parce que j'ai quand même accroché 75h, que c'est un bon jeu d'action/infiltration, et qu'il bénéficie d'un souci du détail exemplaire sur certains aspects (artistique et technique principalement). L'objet de cette critique est simplement de vous informer sur ce qu'est et n'est pas ce Dishonored 2, pour peut-être vous éviter une déception (ou vous rassurer ?). Le jeu manque un peu de profondeur, de charisme, de variété et de difficulté, mais ça reste agréable à jouer, surtout si vous aimez vous fixer vos propres défis, et qu'avoir beaucoup de petites idées vous intéressent plus qu'en avoir moins mais exploitées à fond.



Épilogue : Une deuxième chance en 2017



J'ai racheté et relancé le jeu fin 2017, et j'ai re-adoré les 2 premiers niveaux. Belle intensité, bon flow, bonnes idées, DA qui fonctionne à merveille... mais le 3e niveau avec sa banalité de level design, son absence de nouvelles mécaniques et la ré-utilisation de toutes les autres (notamment dans le choix de notre approche d'une situation), ça m'a encore plus vite ennuyé.



On avance, on croise un garde, on se cache, on l'attire avec du bruit, on l'assomme, et on repart fouiller chaque cm² pour récupérer des piécettes. En boucle. Avec toujours les mêmes items qui remplissent les niveaux. J'ai failli arrêter définitivement, mais j'ai finalement relancé le jeu pour le niveau suivant (le Manoir Mécanique), en me focalisant moins méticuleusement sur le 100%, et en prenant un chemin inhabituel. Ça m'a un peu réconcilié avec le jeu, même si ça ne change pas toutes les critiques déjà énoncées plus haut, notamment sur ce niveau.




Et en 2019 ?



le fait de re-discuter du jeu m'amène à me replonger dans cette critique et dans mes souvenirs. Ça me donne envie d'y rejouer... mais en sachant déjà ce que j'y trouverai : de super moments, grâce à l'ambiance, au blink et à ce gamepaly furtif/pacifique plutôt réussi... mais aussi beaucoup de frustration et de lassitude.


Le jeu peut faire penser à Invisible Inc, mais ce dernier est beaucoup plus court, et les designer ont vraiment bossé leur core gameplay pour proposer des situations cinématographiques variées (cf cette passionnantes vidéo). Dishonored 2 lui se tire une balle dans le pieds, en ne sachant pas trop où aller, ni quel sens donner à son gameplay. J'en conclus que ma façon d'y jouer, lentement, en me limitant dans mes actions, n'est certainement pas la plus optimale, ni celle souhaitée par les développeurs. Nouvel échec de design : quand on laisse les joueurs libres, il faut les protéger d'eux-mêmes.

Exyt
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le 8 janv. 2017

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