De l'instinct, une bonne poigne, du sang froid.

Il y a en ce monde plusieurs joueurs de DOOM.
Certains accrochent au jeu pour sa grande qualité de défouloir total et pas très fin ; Ceux là trouvent largement leur bonheur dans les modes de difficultés facile, normal, voire difficile pour les plus habitués. Et pour cet objectif, ce DOOM 4 est déjà presque parfait ; un bijou de shooter over-burné, over-gore, overkill en général. Les fusils à pompe hurlent la violence, les grenades explosent dans tous les sens, le sang gicle des murs au plafond... On a rarement connu un moyen plus aboutit et perfectionné de se défouler après une mauvais journée.

Et puis, il y a les autres, sans doute moins nombreux, car ils sont passés par la première étape et l'ont dépassé ; Ceux là font l'effort de pousser la difficulté en CAUCHEMAR. Ils se heurtent alors souvent à un mur ; les ennemis tuent en un ou deux coups, le jeu est bien plus avare en munitions, regen de vie et armure ; Si on tente de passer en bourrin décérébré, c'est le game over assuré. Et alors, les morts s'enchaînent. Certains délaissent alors le jeu, peu tentés de persévérer au delà.
Ceux qui s'acharnent, apprennent, et comprennent... ceux là découvrent alors avec stupeur que DOOM n'est pas un simple jeu bourrin et débile ; Dans sa version la plus ardue, il devient presque un survival. Car le gameplay a beau être fluide et le rythme très rapide, l'essentiel passe du massacre de monstres à la survie avant tout. Survivre, et passer douloureusement salle après salle, sans utiliser trop vite ses plus précieuses armes, afin de les conserver pour ce moment où le jeu poussera le joueur dans ses derniers retranchements.

Et c'est à ce moment précis, lorsque l'on s'autorise enfin à vider le chargeur de sa gatling dans la tête du gros demon après s'être retenu d'en user pendant tout un niveau, que l'on atteint le climax de ce que DOOM peut offrir ; Non pas un défouloir sympathique et conciliant, mais l'alchimie d'un gameplay permettant à la fois une maîtrise totale et un déchaînement de violence absolu. DOOM n'est jamais aussi jouissif que lorsque vous devez esquiver cinq tirs tout en enchaînant des headshots sur les riffs incroyables de Mick Gordon, et que vous entendez un adversaire particulièrement coriace apparaître dans votre dos. C'est dans ces moments de tension extrême, où l'instinct dépasse la raison et où on entre en synchronisation avec la frénésie du jeu, qu'on comprend réellement le génie de ses créateurs. Le sang froid devient la condition de la survie, et le relâchement une récompense d'autant plus agréable qu'elle est rare. La violence, dans ce DOOM là, il faut la mériter.

Bien sur, je pourrais essayer de détailler longuement, en détails, les composants de cette alchimie ; la vitesse du jeu, la fluidité de ses "glory kills", le génie de sa bande originale (composée de petits morceaux qui s'assemble en fonction de votre jeu), les nombreuses options de personnalisation du perso et des armes, le feeling joussif de ces dernières, l'intelligence de son bestiaire et de son level design... En réalité, aucun exposé ne peut réellement donner une idée de cette sensation qu'on éprouve en jeu lorsqu'on réalise que tout s'emboîte parfaitement, que rien n'est laissé au hasard et qu'il suffirait pourtant de peu pour que la mécanique s'enraye. Ca n'est pas le cas. Des années après son heure de gloire, DOOM revient, pour s'asseoir sur son trône vide, et j'espère qu'il y restera longtemps.