Encensé par tous les pores de la presse et du public jeu vidéo, « Far Cry 3 » est vu pour beaucoup comme un aboutissement de la série, et même de la recette Ubisoft en général, qui varie finalement assez peu selon ses licences block-busturesques : un poil d’infiltration pour beaucoup d’action, à monde ouvert la plupart du temps, sans oublier un scénario faussement mature, tels sont les maîtres-mots d’ « Assassin’s Creed », « Watch_Dogs », « Spilinter Cell », etc. Je vous avouerai franchement que leur démarche est à mes yeux grossièrement rébarbative. Et si ce troisième opus de la série "Far Cry" se démarque sur certains points, je ne peux pas dire qu’il sorte du lot avec panache.


Il a au moins un grand mérite : celui de proposer des sensations de jeux remarquablement jouissives. Le gameplay est peaufiné sur de nombreux points : les phases d’actions, le système d’armement et d’inventaire, la conduite des véhicules, et surtout la liberté de mouvement qu’offre ce monde insulaire où la chasse, la prise de camps ennemis et l’activation des antennes de relais sont tous des objectifs optionnels mais pourtant essentiels au déroulement du jeu. C’est finalement l’impression globale de surpuissance qui rend la prise en main agréable : la vitesse de déplacement rend le tout très fluide et dynamique. Il est aussi important de signaler la qualité technique du jeu, le niveau de détail et les effets de lumières étant du plus bel effet. Une référence graphique à n’en pas douter. Pour ce qui est du côté de la direction artistique, je suis nettement plus réservé, les décors s’enfermant dans un réalisme commun quoiqu’un peu coloré. Et lorsque certains environnements se démarquent, c’est toujours pour un pot-pourri de ce qui existe déjà, comme ce dieu aztèque parfaitement ridicule.


Ce gameplay exemplaire reste tout de même perfectible, notamment lors d’un QTE très mal géré qui oblige le joueur à recommencer plusieurs fois avec temps de chargement à chaque échec. Il y a aussi l’ascension de ces fameuses antennes, car la phase de plate-forme systématique qui l’accompagne lasse en plus d’être mal foutu (il est difficile de calculer un saut quand on ne voit pas ses pieds !). Ces petits défauts n’étant finalement que peu gênants dans la mesure où tout le reste est très bien équilibré.


Seulement voilà, l’ambition d’Ubisoft pour « Far Cry 3 » est aussi narrative, et c’est là que le bât blesse. Si l’histoire du jeu et la psychologie des personnages (notamment celui qu’on incarne) étaient secondaires, je m’en serais bien contenté. En l’état, le scénario est au mieux inintéressant, au pire proche du nanard. Prévisible, répétitive, clichesque au possible, la narration est vraiment risible. A commencer par ses deux personnages de méchants, caricaturaux au point que même un film d’action lambda n’oserait pas développer des antagonistes aussi peu convaincants. Ils sont pourtant ici au centre du jeu, et salués par de nombreux joueurs. La dimension psychologique est encore pire pour le personnage qu’on incarne : sombrant peu à peu dans une folie meurtrière et vengeresse, on garde nos distances avec lui, on comprend à peine ses motivations alors même qu’on fait le jeu à travers ses yeux. Le choix narratif final en devient futile, anecdotique alors même qu’il précède le générique de fin. C’est enfin lorsque les développeurs veulent passer des émotions que ça tourne définitivement au vinaigre : entre la pitoyable présence de la petite amie du personnage principale, désolante de fadeur, et la sorcière vaudou d’une vulgarité confondante, voilà entre qui le cœur du personnage principal balance. J’en tombe d’indifférence. Un peu de second degré aurait certainement rendu tout cela plus supportable.


Si tout dans ce jeu est calibré avec succès pour proposer une expérience divertissante, cela ne va vraiment pas plus loin. Je garde un très bon souvenir des razzias destructrices qui ponctuent « Far Cry 3 », mais dès lors qu’il faut poser la manette pour laisser place à la narration, c’est avec un air blasé et résigné. Pour ses moments de « fun » absolus, on poursuit le jeu jusqu’au bout sans trop s’en lasser. Mais pas sûr que ce soit l’évolution souhaitable pour les grosses productions du genre.

Marius_Jouanny
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le 4 oct. 2015

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Marius Jouanny

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