Final Fantasy VI
8.4
Final Fantasy VI

Jeu de SquareSoft et Hiroyuki Itō (1994Super Nintendo)

Une perle... malgré un déséquilibre symptomatique.

Ça y est, j'ai enfin pu finir Final Fantasy VI, dont la version (scandaleuse) PlayStation One m'avait empêché d'aller jusqu'au bout. J'écris cette critique avec en fond le générique du jeu. Autant vous dire que c'est du très frais. Il se peut donc que j'oublie certains éléments de critiques et certains sujets à aborder (pour les premiers à lire cette critique) et que dès lors, je la (re)fournisse petit à petit, car avec ce sixième -grand- épisode, c'est bien pas mal de sujets que j'aimerais aborder.
Cette critique n'entends pas donner quelconque avis original : c'est un jeu de 1994, tout ou presque a déjà été dit dessus.


Quel jeu ! J'en entendais inlassablement parler depuis de lustres. Certains me disaient que c'était l'un des meilleurs, d'autres moins mesurés parlaient même du meilleur de la série, voire de l'un des meilleurs jeux de tous les temps !
Alors, est-ce vrai ?


Tout d'abord, j'aimerais déjà aborder un sujet qui m'est rapidement venu à l'esprit pendant ma partie sur ce FF VI : la casualisation et l'évolution de la difficulté des jeux vidéos (et particulièrement des RPG ici) durant l'histoire du média vidéoludique. Car oui, FF VI est bien un jeu old school. Ça se sent, ça se voit, ça se ressent, et se pointe là déjà la principale problématique quant à ma note : le contexte explique-t-il tout ? En effet FF VI est déjà un jeu dur, très dur même. Alors je vois déjà certains « hardcor gaymeur » venir se gausser devant cette affirmation, mais reste qu'en comparaison aux RPGs d'aujourd'hui, FF VI reste vraiment hard. Les points de sauvegarde sont bien moins nombreux que dans les autres épisodes plus récents de FF et les combats sont bien plus durs. Jusque là disons que ce n'est pas un défaut en soi, bien que cela amoindrisse considérablement le public que peut avoir le jeu, le reléguant aux aficionados du genre/du média.
Non, c'est pas ça le problème. En fait, et comme dans la plupart des RPGs (et notamment de l'époque), FF VI est quasi impossible à faire sans soluce à portée de main. Vous savez, ces moments où vous devez aller à tel endroit bien précis de la carte du monde pour parler à tel PNJ précis et ce précisément juste avant de parler à celui-là... le tout en ayant tel objet bien précis que vous avez du choper de telle manière rocambolesque, sinon vous ne pouvez absolument pas avancer dans le scénario (option plutôt grave) ou avoir un objet intéressant qui vous aidera grandement dans le reste de l'aventure (option plus secondaire quoique). Beaucoup de situations dans FF VI se caractérisent par ce schéma, et à vrai dire, cela traduit une certaine volonté des développeurs de nous plonger dans l'histoire : si vous voulez éviter au maximum de le faire sans soluces, il sera impératif d'être attentif aux divers dialogues, même pour ceux qui, en apparence, sont sans importance. De facto, vous êtes beaucoup plus immergés. Néanmoins, le tout reste pour moi bien trop peu accessible.
Beaucoup aujourd'hui critiquent la casualisation du jeu vidéo, avec des jeux toujours plus faciles, qui assistent le joueur afin de lui offrir une expérience toujours plus « préparée » ; et à raison. C'est vrai que certains jeux sont bien trop faciles n'offrant presque plus de défi au joueur, mais je remarque une tendance à tomber, comme d'habitude, dans la caricature presque systématique lorsque le sujet de la casualisation fait surface. En bref, tout jeu aujourd'hui faisant le choix de l'accessibilité est directement rattaché à « jeu pour casual ». Mais finalement, je vois cette évolution plutôt comme un progrès à bien des égards. Vous avez ici le point de vue d'un jeune joueur certainement influencé par le contexte de son époque, ce serait se voiler la face que de le nier. Mais j'aime les jeux équilibrés, qui font la part aux défis mais aussi à l'aspect ludique, et pour que ce dernier aspect fonctionne avec moi, il faut que le jeu reste accessible. Fondamentalement, un jeu n'est pas fait pour être joué avec des soluces : c'est au joueur de jouer, ni plus, ni moins. Il doit trouver les solutions lui-même car les problèmes que le jeu lui posent font partie du défi ludique du média. Mais voilà, faire FF VI sans solutions aucune relève presque du calvaire, et il n'est clairement pas le seul dans ce cas. De nombreux autres RPGs (japonais d'ailleurs) sont dans ce cas, et c'est simple, lorsque c'est le cas, j'ai l'impression que le jeu me balance un gros « va acheter le magazine des solutions si tu veux continuer » (eh oui à l'époque pas d'internet). Concrètement, le faire sans avoir recourt aux astuces imposerait un temps de jeu simplement énorme. J'en vois peu parler de ce point, qui pourtant me frappe depuis que je joue aux RPGs. Pour moi, c'est un défaut énorme des (J)RPGs de l'époque, qui n'avaient pas encore réalisés qu'il fallait proposer un jeu qui soit un défi pour le joueur tout en gardant l'aspect ludique et accessible. Cela est un équilibre particulièrement difficile à trouver, et qui pour moi est le véritable défi de la conception du jeu de rôle. À titre de comparaison, FFX reste l'un des FF les plus accessibles, avec de nombreux éléments qui « assistent » le joueur, et pourtant, il reste mon favoris. Comme quoi... Attention néanmoins : Final Fantasy VI parvient à s'en tirer largement de par un univers travaillé ainsi qu'un scénario excellent.


Parce que passé ce point, on se rend vite compte que côté scénario, FF VI est incontestablement à classer parmi les meilleurs. Premièrement, on remarque l'inspiration qu'aura été ce sixième épisode pour Nojima, le scénariste à partir du septième épisode ; ne serait-ce que pour le schéma narratif adopté : on a d'abord une menace globale à laquelle nos héros tentent de résister (Returners/Avalanche contre Empire/Shinra) avec un personnage présenté comme une menace mais secondaire (Kefka/Sephiroth). Nos héros vont donc être traqués par le pouvoir en place. Plus l'histoire avancera, plus l'antagoniste secondaire se révélera être le principal, pour au final se retourner contre le premier antagoniste (Kefka contre l'Empire, Sephiroth contre la Shinra). Un schéma plutôt similaire entre FF VI et FF VII. Ne parlons pas de la fille qui possède un pouvoir insoupçonné (Terra/Aerith) que les antagonistes convoitent.
Par ailleurs, FF VI est pour moi un modèle d'écriture, en particulier pour la première partie du titre. La façon dont le tout est présenté, et notamment les personnages... le tout est très bien amené. À tel point que le scénario ne comporte pas de réels moments où le joueur se fera chier (bonjours FF IX), non, clairement, FF VI ne laisse que peu de répit au joueur quant à l'histoire, et c'est tant mieux ! FF VI est un jeu très rythmé et plutôt long, ce qui aura eu tendance à m'étonner par ailleurs.
Et s'il y a bien dans un domaine que ce sixième épisode m'aura impressionné, c'est la « mise en scène ». Parce que pour de la 2D, et au-delà des graphismes magnifiques, c'est vraiment de toute beauté, ni plus, ni moins. La présentation des personnages (d'ailleurs bien old school) sur fond de thème qui leur correspond, la splendide scène de l'Opéra (qui est une merveille et l'une des meilleures séquences de l'histoire du jeu vidéo btw) ou la mort de Cid avec une Celes seule et désemparée qui tente de se suicider (mise en scène très réussie, qui fait de cette scène ma préférée du jeu d'ailleurs, avec l'Opéra), le jeu fourmille de détails de mises en scènes qui font mouche. Je retiens particulièrement cette manière de ne pas présenter tout le lore du jeu au joueur directement, et de le laisser découvrir par lui-même. Je pense notamment aux rêves de Shadow qui ne seront accessibles que si le joueur décide de se reposer à l'auberge avec lui dans l'équipe (d'ailleurs j'ai beaucoup apprécié le principe de personnage qui peut partir n'importe quand de l'équipe, renforçant son caractère spécial dans l'aventure). En revanche, le jeu a quelques petits défauts de narrations qui brisent légèrement l'immersion : comment se fait-il que le reste de l'équipe reste dans l'aéronef alors qu'elle peut très bien venir ? La seconde partie du jeu aussi est de moins bonne qualité que la première, bien qu'elle reste excellente. Final Fantasy VI reste de ce côté indéniablement l'un des plus influent de la saga (et du genre) en proposant l'un des premiers scénarios aussi développés ; il fourmille également d'idées de narration toutes aussi excellentes les unes que les autres. Final Fantasy VI est une autre de ces perles narratives et musicales, avec une de mes bandes sons préférées de la saga, aux côtés de FF VII et FFX. Que ce soit le theme de Shadow (juste godlike), celui des autre personnages et même celui des villes, l'OST de FF VI comporte de nombreuses merveilles, et que dire du morceau passant en fond de la scène de l'Opera, Aria de mezzo carattere ...


Côté gameplay, c'est une surprise. Dans un premier temps, moi qui pensait avoir affaire à un FF très classique, j'ai été étonné du gameplay en rapport aux chimères qui permettent d'obtenir divers stats bonus et magies. C'est une bonne idée, car on remarque vite que c'est parfaitement en cohérence avec le scénario (ce qui est une bonne chose, puisque dans l'histoire il nous est dit que Terra et Celes sont capables d'apprendre la magie grâce aux chimères. Gameplay en cohérence avec la narration donc). On voit bien ici la manière dont les éléments du récits s'insèrent dans le gameplay ; qu'en d'autres termes, les éléments scénaristiques vont de pairs avec les éléments mécaniques, qui sont les deux gros pôles du jeu vidéo à mon sens, et particulièrement du RPG. La clé du succès réside fortement dans l'harmonie de ses deux pôles, qui doivent éviter à tout prix de se contredire, et c'est bien là une des plus grande difficulté du game design : là où le cinéma n'a qu'à se concentrer sur l'élément scénaristique, le jeu vidéo doit aussi se concentrer sur la constituante interstice et plus particulièrement ludique. Encore une fois, il est question d'équilibre, et ce FF VI, tout en restant classique, parvient avec brio de ce côté-là, et pour un JRPG de 1994, c'est d'autant plus louable.
En revanche, et c'est là un point qui m'a rebuté à la fin de ma partie, c'est le farm. En soi, et cela rejoint ma conversation avec Xeno, le joueur qui fera le jeu sans soluce pourra, e**n théorie** , ne pas avoir recourt au farm pour terminer le jeu, puisque le jeu demande un tel investissement que le joueur, en théorie toujours, devra rechercher longtemps les solutions aux divers problèmes posés au jeu pour qu'il puisse continuer l'aventure. Mais cela ne fait que relever le premier problème que j'ai abordé dans ma critique... Encore une fois, FF VI est un jeu à faire selon moi avec soluce si l'expérience ne doit pas être trop désagréable pour le joueur qui souhaite s'investir dans l'oeuvre sans que cela soit excessif. En bref, si vous le faites sans soluce, le farm est théoriquement dispensable, mais l'expérience sera laborieuse, et au sens très péjoratif du terme. En revanche, si le vous le faites avec soluce, deux problèmes se posent : 1) vous aurez donc, là aussi théoriquement bien plus rushé le jeu en ayant choisis les bons chemins bien plus rapidement, viendra donc le problème du level. En particulier à la fin de l'aventure, juste avant le boss final. Vous serez donc contraint, comme moi, de farm X heures (un temps plutôt long en tout cas) afin d'avoir un level adéquat. Dans tous les cas, c'est laborieux. 2) il y a là une contradiction féroce puisque comme je l'ai abordé plus tôt, un jeu vidéo est n'est pas à faire avec soluce. C'est quelque chose d'absurde allant à l'encontre du principe ludique fondamental du média selon moi. Or, un jeu comme FF VI (qui est très loin d'être le seul, je le re précise) qui nous contraint à le faire pour améliorer l'expérience est victime de ses propres contradictions.


Une contradiction fondamentale qui traduit un manque d'équilibre dans la structure globale du jeu. Le pire, c'est qu'il n'est pas le seul, et loin d'être le dernier : encore aujourd'hui, c'est l'un des problèmes majeurs du genre RPG à mon sens : associer défi ludique et accessibilité ; parvenir à faire cohabiter ces deux principes sans tomber dans les deux extrêmes dévastateurs : le jeu trop dur et trop peu accessible, et le jeu simpliste (à ne pas confondre avec simple). Une des tares majeurs du genre, qui malgré tout tend, je pense, à s'améliorer avec le temps. Quoi de plus normal, le média vidéoludique est un média encore jeune, et il a toute la vie devant lui. Car il faut comprendre qu'on parle de quelque chose qui va bien au-delà de FF VI. On parle ici de game design. J'attends d'ailleurs le jour où les développeurs auront conscience de ce problème d'équilibre et proposeront des jeux équilibrés. Final Fantasy VI mérite ma clémence, simplement parce que le jeu est sacrément bon : scénario excellent, gameplay classique mais cohérent, musiques exceptionnelles...


Final Fantasy VI est une pépite particulièrement quand on la replace dans son contexte. Oui, ce procédé et cette structure fortement déséquilibrée font de ce FF VI un jeu archaïque à cet égard, mais finalement, pas tant que ça, la preuve en est avec ses autres qualités indéniables citées plus haut. C'est pourquoi je lui mets 9. Un jeu exceptionnel qui le mérite. Attention néanmoins : j'attire l'attention du lecteur sur le fait -peut-être évident mais important de rappeler- qu'une note ne veut strictement rien dire. Ce problème de déséquilibre est pour moi très important car il touche au game design pur et dur du jeu. Je pourrais donc être tenté de baisser davantage sa note, ce que je ne ferai pas : je prends en compte également ses autres qualités indéniables. La note n'est là qu'à titre indicatif. Ma véritable pensée réside dans la critique écrite. Of course.

Uldryn
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le 21 avr. 2016

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