Avant de vraiment commencer un peu de contexte sur le cadre du jeu. Celui-ci se déroule pendant la première tentative d’invasion du Japon par les mongoles, à l’époque l’une des plus grandes puissances mondiales. L’île de Tsushima était un point stratégique à prendre puisqu’elle constituait un pont entre le continent et le reste de l’archipel nippon, elle fut donc le premier territoire japonais à tomber historiquement aux mains des mongoles au côté de l’île d’Iki. Après une défaite écrasante des forces japonaises de l’île, nous suivons un survivant miraculé du nom de Jin Sakai, neveux du dirigeant de l’île, le seigneur Shimura, capturé vivant par l’ennemi. Son but sera alors, par tous les moyens possibles, d’enrayer l’invasion et par extension de libérer son oncle afin de redonner espoir au peuple de Tsushima. C’est ainsi que démarre réellement notre aventure, à mi-chemin entre récit historique et fiction.


La thématique principale de Ghost of Tsushima est amorcée dès le début de l’aventure et sera un élément récurrent tout au long de celle-ci : jusqu’à quel point est-on prêt à commettre des atrocités pour défendre ce qui nous importe le plus ? Quel niveau de perdition de soi-même sommes-nous prêts à accepter afin de protéger ce qui nous est de plus cher ? Cette thématique universelle est ici vue sous l’angle de Jin Sakai, samouraï de la vieille école formé par son oncle. Pour les samouraïs de cette époque, le respect du code du bushido est plus important que tout, l’ensemble des enseignements que Jin a reçu repose sur ce dit code : la nécessité de toujours être droit dans ses actes, d’être un exemple, un guide, un protecteur et un modèle à suivre pour le peuple. De ne jamais s’abaisser à commettre des méfaits, à attaquer un ennemi dans le dos : il faut faire face à l’adversité avec honneur quitte à y perdre la vie, et ce dans le but de maintenir l’ordre coûte que coûte.
Cependant Jin se rend vite compte que les principes qu’il a appris jusqu’ici ne sont pas adaptés à la situation de crise sans précédent auquel il doit faire face, et sera contraint de peu à peu abandonner l’héritage de son oncle afin de sauver Tsushima. En ce sens Jin rencontrera son sauveur puis guide en la personne de Yuna, une voleuse originaire de l’île qui cherche à délivrer son frère forgeron Taka, retenu prisonnier par les mongoles. Tous deux vont ainsi collaborer et la nature belliqueuse et débrouillarde de Yuna entraînera Jin hors de la voie du samouraï. Il deviendra petit à petit le fameux fantôme de Tsushima, un guerrier ou plutôt une entité autant adulée par le peuple qui voit en elle son potentiel sauveur et que crainte par ses ennemis.
Je n’irai pas plus loin pour ne pas vous gâcher le plaisir de la découverte mais sachez qu’au fur et à mesure de l’avancement, Jin fait face à un conflit intérieur grandissant. Il possède des moments de doute et de faiblesse mais s’endurcit et sera prêt à tout abandonner pour sa cause. Et c’est cela qui rend le personnage si humain et si attachant : Jin est un homme fondamentalement juste et empathique, apprécié du peuple à juste titre. Il se remet constamment en question aussi bien lui que ses à priori. Il pèse le pour et le contre lors de ces décisions et fait des choix en pleine lucidité pour ce qu’il pense être le plus important, sans omettre totalement ses propres sentiments du moins au début de l’histoire. Les personnages secondaires ne sont pas en reste et certains sont spécifiquement développés à travers différentes quêtes annexes. Des personnages qui sont tous attachants et en bonne synergie avec Jin, qui ont tous perdus quelque chose ou quelqu’un lors de la guerre (l’histoire de Dame Masako étant de loin la plus tragique de toute).


S’il y a bien un point sur lequel Ghost of Tsushima se démarque le plus des autres productions de 2020, et celui sur lequel il brille indéniablement, c’est l’atmosphère qu’il parvient à créer. C’est bien simple, rarement un titre AAA n'aura été si stylisé, si envoûtant dans sa direction artistique. Les couleurs, les effets de lumières, les plans de caméra… tout est parfaitement maîtrisé, on n’atteint pas le niveau de finition d’un TLOU2 mais le jeu possède une identité qui lui est propre ce qui lui donne ce cachet si particulier.
Il existe même une fonction permettant de passer l'imagerie en noir et blanc pour proposer une expérience qui se rapproche encore plus des anciens films de samouraï japonais. Si on apprécie cette opportunité laissée au joueur, je vous conseille tout de même de rester avec les couleurs, certains passages ont été pensés et designés en incluant celles-ci notamment les quêtes légendaires (le duel dans le champ de fleurs d'équinoxe par exemple, tout simplement sublime).
L'atmosphère du jeu est construite sur une sorte de dichotomie, d'un côté la sérénité japonaise traditionnelle (que l'on retrouve notamment lors des passages aux sources d'eau chaude, aux sanctuaires ou lors des haïkus à composer) et de l'autre la cruauté de la guerre (nombreux villages pillés, brûlés, habitants massacrés et dont les corps sont exposés en guise d’avertissement). Cette dualité fait écho aux thématiques du jeu à savoir le code d’honneur d’un samouraï directement opposé aux méthodes du fantôme. Plus d’une fois après un combat violent, je me suis mis à ne plus bouger, afin d’observer les environnements du jeu : le grésillement des insectes, le chant des oiseaux, le sifflement du vent, l’ondulation des fleurs et les derniers rayons de soleil qui se couchent. La transition entre le pendant et l’après bataille est faite d’une main de maître, comme pour nous rappeler la beauté du monde qui nous entoure malgré la guerre terrible qui sévit.
Enfin si la DA joue un rôle majeur dans l'atmosphère du jeu, les effets sonores ne sont pas en reste, en particulier ceux du vent. Le vent vient accompagner les moments les plus calmes avec de fines feuilles planant au grés de celui-ci, mais peut aussi se déchaîner violemment lors des batailles les plus intenses. Ce rôle si important accordé au vent n’est pas dû au hasard, il fait directement référence à la tempête qui a en grande partie empêché l’invasion mongole (aussi bien celle de 1274 que celle de 1281), le fameux « vent divin » ou encore « Kamikaze ». Ainsi le vent joue-t-il un rôle en tant que créateur d’ambiance mais est aussi un élément important de gameplay.


Concernant le gameplay justement, on est sur du classique. Jin a la capacité de donner des coups rapides pour infliger des dégâts ou des coups puissants visant à briser la garde ennemie. Plusieurs postures au sabre sont possibles afin de s'adapter au type d'ennemi à affronter, que ce soient les bretteurs (lame simple ou double), les combattants avec un bouclier, les lanciers et les poids lourds. Certains ennemis mêlent parfois deux styles différents, à vous de vous adapter selon la situation. Vous pouvez bien évidemment esquiver, bloquer et parer les coups, avec un bon timing vous effectuerez une esquive (ou parade) parfaite permettant de contre-attaquer violemment.
En plus de cela vous avez tout un arsenal d'armes que vous débloquerez au fur et à mesure de votre aventure, que ce soit le tir à l'arc (simple ou lourd), le lancer de bombes ou les armes fantômes (kunaï, fumigènes, fléchettes empoisonnées ou hallucinogènes etc.). Et c'est sans compter les nombreuses techniques que vous apprendrez au grès de points d’expériences ou en récompenses de quêtes spéciales (les fameux récits légendaires, sans doute les meilleures quêtes du jeu débutant par le récit d’un conteur sous fond d’estampes japonaises). Vos nouvelles techniques peuvent être aussi bien utiles au combat comme un coup imparable qu’en infiltration avec l'assassinat en chaîne permettant d’éliminer jusqu’à 3 ennemis d’un coup.
Notez également la possibilité d’amorcer un combat avec une confrontation : il s’agira de relâcher le bouton d’attaque juste avant qu’un adversaire vous porte un coup (non sans vous avoir fait quelques feintes au préalable), sous peine de quoi vous vous retrouverez avec votre barre de vie réduite au minimum. Un gros risque donc mais qui peut en valoir la chandelle puisque vous pouvez d’entrée de jeu éliminer plusieurs ennemis si vous avez le bon timing.
Les combats se divisent en trois catégories, les affrontements classiques, les batailles à grande échelle (un peu plus brouillonnes mais sacrément épiques) et enfin les duels, souvent dans des décors magnifiques, et lors desquels aucune technique ou utilisation d’outils n’est permise, la précision et la maîtrise du sabre prévaut.
Point négatif cependant lors des combats, l’absence de lock sur les ennemis, assez perturbant au début (surtout après avoir fini Sekiro pour ma part). Attendez-vous à voir Jin taper de nombreuses fois dans le vide. Mais surtout le plus gros défaut du jeu à mon sens : l’IA des ennemis totalement aux fraises. En combat celle-ci tient à peu près la route (quoiqu’on a encore le syndrome de l’ennemi qui laisse son coéquipier se faire tranquillement tuer sans rien faire) mais en infiltration elle est risible. Il peut vous arriver de courir devant un ennemi puis de vous mettre à couvert derrière un arbre ou dans les hautes herbes et celui-ci vous aura déjà perdu de vue. C’est vraiment un défaut que se traîne beaucoup de jeux même aujourd’hui (surtout les open world j’ai l’impression), il serait temps d’y remédier car cela nuit cruellement à la sensation de danger lors de l’infiltration et par extension l’immersion dans le jeu.
Dernier point de gameplay, si j’ai beaucoup parlé des combats, le jeu possède une grande partie dédiée à l’exploration. Un autre très bon aspect et l’on revient sur le rôle du vent : plutôt que d’utiliser une carte avec des itinéraires tout tracés à la Red Dead Redemption par exemple, ici seule une direction vers l’objectif est donnée selon celle du vent. Une idée ingénieuse de game design qui pousse à explorer le monde, à tracer nous même notre propre chemin pour arriver à nos objectifs. On découvre ainsi beaucoup d’activités à faire lors de nos trajets comme les fameux Haikus ou encore les sanctuaires à honorer donnant lieu à des phases d’escalades dignes des Uncharted (sans les destructions de décors). Et ces phases plus reposantes permettent vraiment de se déconnecter un peu de la guerre, des combats et des nombreuses quêtes annexes aux fins souvent tragiques. Ce sera l’occasion de contempler une fois de plus la beauté de l’open world proposé. Enfin il est à noter que plusieurs types de ressources sont disponibles sur l’île et permettront d’améliorer votre inventaire et équipement. Le seul regret sera le manque de variété en ce qui concerne la flore et surtout la faune (chiens, ours, sangliers et cerfs, on fait très vite le tour).


On arrive doucement vers la fin de cette critique. Ghost of Tsushima est un très bon jeu d’action en open world, mais c’est aussi une œuvre qu’il faut ressentir, voir même contempler pour en apprécier l’entièreté. A tous ceux qui ont eu un peu du mal à accrocher lors de la première partie du jeu, je vous conseille de continuer, celle-ci souffre de la grandeur du territoire à explorer malgré sa densité bien plus faible activités, ainsi que du manque de capacité de Jin en début de jeu. Pour finir, afin de profiter pleinement de Ghost of Tsushima, je vous conseille fortement de jouer en mode difficile : les multiples capacités que Jin acquiert au cours de l’aventure sont très puissantes, vous aurez vraiment la sensation de progresser sans pour autant rouler sur vos adversaires. La sensation d’accomplissement après avoir vaincu une horde d’ennemis en utilisant toutes les possibilités mises à disposition est grisante, vous aurez cette impression d’avoir vraiment accompli quelque chose d’incroyable, digne du fantôme de Tsushima.


8/10.

Kino-san
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le 1 mai 2021

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Kino-san

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