Mass Effect 2
8.1
Mass Effect 2

Jeu de BioWare Corp et Electronic Arts (2010PC)

Suite directe du premier volet de la série Mass Effect que j'avais déjà très fortement apprécié, mes attentes pour cet épisode étaient très grandes, mon estime pour cet épisode n'en fut que plus grand. Il faut dire que la récente acquisition de Bioware par EA à l’époque n’était pas encore tant synonyme d’inquiétudes que de ressources supplémentaires à disposition, le succès de Dragon Age Origins en parallèle de celui de Mass Effect montrant que le studio semblait bien gérer son extension et ses nouvelles ambitions.


Un univers incroyable à développer davantage, une conclusion épique à amorcer, une réalisation à porter au top des AAA de sa génération, un gameplay à dynamiser et à mieux maîtriser… les défis ne manquaient pas, voyons comment Bioware les a relevé un par un avec brio pour aboutir à ce chef d’œuvre. Et pour lire tout ça avec toute la superbe que le jeu impose, je vous propose l’écoute de Suicide Mission, le thème principal de ce titre.


SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★★★★


Si Mass Effect a commencé avec une mission de routine, c’est désormais avec une mission suicide que la saga continue, le concept central du scénario et de la narration en résulte : une longue série de quêtes de recrutement de personnages et d’autres pour renforcer leur loyauté afin de mener à bien une mission face à une nouvelle espèce hostile à l’humanité, une mission dont l’échec semble certain. Si les liens avec l’intrigue des moissonneurs semblent manquer de prime abord, il n’en est rien, Mass Effect 2 est bien une suite directe et une tonne de références se cache dans l’aventure aux choix pris dans le premier jeu, aux personnages mêmes les plus secondaires qu’on a pu y croiser…


Plus important encore, les différentes intrigues initiées sont poursuivies par différents biais pour que leurs enjeux soient maintenus et même renforcés avant leur conclusion dans le jeu suivant et cela sans nuire à l’intrigue développée spécifiquement pour cet épisode. C’était fondamental pour que le jeu occupe justement sa place intermédiaire dans la trilogie, une place plutôt délicate, et l’exercice est parfaitement réussi en ce qui me concerne, même si je comprends tout à fait qu’on puisse préférer les étapes de la découverte et/ou de la conclusion au travail de développement intermittent de cette aventure.


L'immersion est totale de par le fait que beaucoup de petits actes qui peuvent paraître anodins de prime abord entraînent des conséquences sur les dialogues et ces mêmes dialogues nous permettent de façonner la personnalité de notre héros ou de notre héroïne comme on l'entend, encore plus que pour le précédent épisode avec cette fois plusieurs occasions de faire un choix ou un autre en dehors de la roue de dialogue, en pleine cinématique. Cela nous rappelle sans cesse ce sentiment, celui de ne pas seulement vivre une grande aventure mais de la façonner en la dirigeant dans telle ou telle direction, et ce sentiment dans trop de jeux il est absent ou trop trompe-l'œil selon moi.


Mais surtout les personnages que l'on doit recruter et dont on doit inspirer la loyauté sont très variés, terriblement charismatiques et permettent d'aborder plein de sujets intelligents servis par une narration exemplaire : la prêtresse guerrière millénaire chassant pour le bien commun mais prisonnière de son code, l'assassin mourant en quête de rédemption pour ses erreurs le rattrapant, le soldat parfait qui cherche un but à sa vie, le scientifique qui pose la question de la place que doit occuper le progrès qui peut parfois plus desservir que servir, le flic renégat aveuglé par la soif de vengeance pas toujours compatible avec son envie de faire justice, la psychopathe meurtrière refoulant ses émotions qui veulent pourtant faire surface...


Certains seront issus du précédent jeu et aucun ne sera exactement le même, leur personnalité ayant évolué avec cohérence entre les deux épisodes, j’accorderai une mention spéciale pour cela à Liara, suivant une trajectoire proche de celle de Léliana dans Dragon Age, partageant d’ailleurs la même doubleuse française. Le casting vocal français comme anglais n’est d’ailleurs pas sans lien avec cette réussite pour les nouveaux venus qui profitent tous d’une excellente interprétation pour leurs répliques, mêlés à la qualité d’animation faciale et à la mise en scène déjà très réussie dans l’épisode précédent et renforcé ici.


Toutes ces personnalités et d'autres encore sont soignées, intéressantes, surprenantes et en plus de vivre leurs histoires c'est à nous de choisir si elles nous intéressent ou non et comment les influer grâce à une narration extrêmement bien rythmée et réparti sur le long du jeu, rares sont les jeux qui en font l'effort, aucun sont ceux qui y parvienne avec une telle maîtrise à mes yeux. C’est encore plus impressionnant quand ce travail-là s’inscrit dans la continuité du travail entamé dans le premier épisode pour les personnages vétérans et les joueurs les plus investis. Ça valait largement le coup pour moi d’y accorder autant d’importance et de prendre une direction aussi radicalement différente que celle du premier volet. Le seul infime défaut que je peux y voir c’est que les quêtes sont clairement identifiés comme ayant pour objectif des recrutements ou des acquisitions de loyauté alors qu’un contexte un peu plus élaboré aurait pu les intégrer de manière plus organique à l’intrigue, mais ce n’est qu’un détail futile que je peux ignorer.


On notera également l’audace de nous faire jouer du côté d’une faction que l’on pouvait facilement considérer comme antagoniste jusqu’ici, notamment si l’on a pris soin de retourner le premier jeu et toutes ses quêtes secondaires et/ou d’explorer l’univers par les publications de comics et de romans en parallèle des jeux vidéos de la franchise. Les scénaristes y sont parvenu en plus en nous laissant toute la latitude de le faire par conviction, confirmant un Shepard impitoyable plaçant son intérêt pour l’espèce humaine au-dessus des considérations pour d’autres espèces, aussi bien qu’un Shepard plus vertueux inspirant les autres au meilleur et à l’ouverture d’esprit en manipulant Cerberus à cet effet.


La fin est quant à elle une maestria absolue. Ne pouvant m’épancher sur toutes les raisons à cela sans y dédier toute la critique, voici le best of des raisons pour lesquelles la fin est magistrale :

- On illustre notre leadership par un discours épique, en choisissant ce sur quoi on veut galvaniser nos troupes on infléchit encore la personnalité de Shepard avec une liberté très appréciable, en parlant de justice ou de vengeance, en parlant avec gravité ou avec légèreté, et les réactions des personnages concordent ;

- La cinématique de la bataille finale évolue selon nos choix, malgré toutes ses qualités de mise en scène elle comporte des variations qui s’appuient sur nos choix passés et notre degré d’investissement dans l’aventure par les améliorations faites ou non au Normandy ;

- On gère les personnages recrutés pour que tous se rendent utiles et que nos choix sur toute la partie soient récompensés ou sanctionnés comme il se doit, tout comme notre faculté de commander intelligemment en attribuant les rôles de chacun ;

- On met réellement nos camarades en danger et on est confronté à la potentielle mort de chacun, jusqu’à Shepard lui-même, avec plein de situations dangereuses où leur sauvetage ou mort de justesse en jeu ou en cinématique appuie notre réussite ou notre échec, donnant ainsi des dizaines de configurations possibles pour cette fin qui peut même être mauvaise avec la mort de toutes et tous ;

- Le boss final offre un formidable point d’orgue anxiogène et épique à l’intrigue des récolteurs de cet épisode avec ce moissonneur humain naissant, incarnation des immondes crimes auquel nous avons assisté impuissant durant tout le jeu et offrant le défouloir tant attendu ;

- L’image finale des moissonneurs arrivant sur la voie lactée donne une terrible envie de se jeter sur la suite sans toutefois être trop frustrant puisque l’intrigue de Mass Effect 2 tournant autour des récolteurs a trouvé sa conclusion plutôt que de finir en queue de poisson.


RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★★★


L'intro se charge de nous faire rentrer de plein pied dans le jeu avec une mise en scène brève mais absolument époustouflante. C’est pour moi l'une des intros les plus impressionnantes de l’époque où pourtant les AAA multiplient les séquences spectaculaires pour capter l'intention du joueur dès les premiers instants. Le message est clair : une nouvelle étape dans les ambitions cinématographiques du studio est franchie avec cet épisode qui enchaînera durant toute l’aventure bien des plans inspirées, même parfois lors de dialogues pourtant assez secondaires avec plein de petites idées dans les angles et mouvements de caméra, ou le montage pour styliser une posture, accentuer un effet comique…


Que ce soit par les effets de particule émanant des attaques, le niveau de détail des textures composant l’environnement, la qualité de l’éclairage parfois très important dans la composition de l’image, la fluidité de l’expérience maintenant les 30 FPS sur console, la durée des temps de chargement assez courte… la réalisation de Mass Effect 2 est une évolution notable pour la franchise et même pour Bioware. C’était un point sur lequel le studio était attendu au tournant avec les moyens en jeu et pour le coup il devait encore faire ses preuves.


Le sound-design a également énormément bénéficié des moyens supplémentaires alloués avec des sons très forts et particulièrement caractéristiques émanant des différentes armes pour des feed-back des plus efficaces pour les armements les plus dévastateurs ou singuliers. Même les écrans de chargement sont bien pensés en ce sens puisqu'ils apportent de la cohérence aux transitions entre deux cinématiques ou phases de jeu avec le petit schéma montrant décollages et atterrissages, un moyen un peu économique pour ne pas offrir de véritables cinématiques mais plutôt pertinent quand on pense au nombre de fois où on décolle et atterrit dans ce jeu.


Ces environnements sont très variés et esthétiquement offrent un côté contemplatif très bienvenu dans cet univers spatial, des bas fonds malfamés d'Oméga au désert post-apocalyptique de Tuchanka en passant par la ville futuriste d'Illium, le dépaysement que nous sommes en droit d'attendre dans un tel jeu qui promet une grande aventure inter-planétaire est au rendez-vous, y compris dans les environnements parfaitement facultatifs. L’ambiance anxiogène, quasi-horrifique, que l’on pouvait retrouver occasionnellement dans le premier opus a également été renforcée avec les vaisseaux des Récolteurs dont les macabres découvertes sont particulièrement marquantes.


Le chara-design de notre équipe est également une véritable merveille, profitant du formidable travail sur l’épisode précédent pour les différentes espèces aliens, encore développé ici avec les Drells, en ne cessant de conférer à chacun des spécificités visuelles à travers les tatouages, les cicatrices, les bijoux… et même des personnages très secondaires, avec quelques lignes de dialogue avant de disparaître peuvent avoir des traits bien particuliers. C’est d’autant plsu important que les cinématiques ne cessent de les mettre à l’honneur et que le concept central du jeu repose en grande partie sur eux et ce qui en fait des être exceptionnels dans l’univers.


Si l’OST est toujours composée par Jack Wall, à l’image du jeu l’équipe s’est renforcé et le ton se veut plus épique avec une place plus importante pour l’orchestral, les notes les plus récurrentes aux thèmes principaux en témoignent, mais ce n’est pas tout. Chaque personnage a un thème musical propre dans des registres adaptées à leur histoire, à leurs grands moments… ainsi les chants orientaux accompagnant la probatrice en lien avec la mysticité de son statut, les partitions électro feront nécessairement écho à l’environnement des personnages liés aux Geths, des percussions et des cuivres bien énervées accompagneront les pas des personnages les plus bourrins… Parmi les thèmes inédits les plus mémorables du jeu, Suicide Mission occupe une place toute particulière pour moi puisque c’est la musique la plus épique que j’ai pu entendre, comme si elle avait été faite pour moi avec ses percussions énergiques, ses chœurs puissants


GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★★★★


Un tournant majeur s’opère à partir de cet épisode pour se tourner vers un système davantage orienté vers l’action. Si le maniement de Shepard paraît d'abord un peu lourd pour un jeu d'action de son époque, quoique concordant avec celui d’un Gears of War 2 par exemple, une fois qu'on l'a en main on anticipe ses quelques lourdeurs notamment quand on sprint, on choisit les bons abris pour ne pas se faire canarder à découvert et on attaque stratégiquement pour éliminer les ennemis avant qu'ils ne deviennent menaçants car si on se retrouve à découvert notre marge de manœuvre est vite très réduite en difficulté élevée.


Ce n'est pas un défaut de gameplay, loin de là, c'est une exigence qui force à ne pas foncer tête baissée mais à bien composer son équipe en fonction des ennemis et à exploiter au mieux leur complémentarité tout en faisant preuve de précision dans nos tirs. Mais un autre point du maniement a évolué significativement, l’équilibrage des capacités dont les existantes ont été revues et de toute nouvelles font leur apparition, réellement particulières et offrant bien des possibilités de jeu inédites, comme le camouflage optique ou la charge biotique, contribuant à la dynamisation du jeu.


Mais si le maniement est excellent, il faut qu'il soit servi par des situations qui le renouvelle de temps à autre dans un jeu qui dure des dizaines d'heures et comme Mass Effect 2 est un excellent jeu les développeurs y sont parvenus. On peut compter sur de bonnes idées pour rendre certaines missions originales et intéressantes, je vais en citer trois pour illustrer mes propos et pas plus pour ne pas trop spoiler :

- la mission de recrutement de l'ingénieur avec un level-design où le soleil crame les boucliers, ce qui apporte une nouvelle dimension à cet aspect très important des combats à savoir : où se planquer et qui est parfaitement exploité avec un combat final aux trois chemins différents et la possibilité de faire appel à une aide extérieure qui en contrepartie nous invitera à très bien jouer pour ne pas être sanctionné par le scénario.

- Le recrutement d'Archangel est aussi intéressant et original avec la possibilité d'interroger les ennemis avant de les affronter tout en préparant le terrain de façon parfaitement facultative pour se faciliter la tâche pour une série d'affrontements au level-design offrant tout autant la possibilité d'attaquer de près comme de loin.

- La mission de loyauté de la probatrice est aussi originale car elle oublie l'action pour devenir une enquête pour laquelle on ne peut pas disposer de tous les renseignements et où il nous faut réellement nous adapter au comportement de notre interlocuteur pour choisir les bonnes options de dialogue, les statistiques de conciliation et de pragmatisme ne pouvant rattraper trop d’erreurs.


Les fiches de persos ont été revues à la baisse vu qu'on a le double de coéquipiers possibles par rapport à l'épisode précédent et que l'accent a été mis sur l'action mais je ne considère pas ça comme un problème. En effet, les spécialités restent, les statistiques doivent être priorisées et combiner les capacités et armements est capital pour bien jouer après avoir établi une stratégie selon la position et la nature des ennemis. Le déblocage d’armes et d’améliorations suit une courbe de progression très cohérente si l’on excepte les DLC pouvant rompre de temps en temps cet équilibre. Mais surtout, les façons de jouer diffèrent bien selon notre classe, ce qui contribue fortement à varier nos tactiques au combat et au potentiel de rejouabilité combinées aux choix moraux.


Les seuls petits défauts que je pourrais relever à ce gameplay ce sont les différents mini-jeux qui sont un peu répétitifs à la longue, que ce soit pour pirater ou scanner, mais c'est toujours simple à faire et pas prise de tête, et les statistiques des armes ne sont pas clairement données comme pour les capacités et requièrent des très courtes phases d’expérimentation ou de recherches qui suffisent pour comprendre ces écarts d’efficacité. L’un comme l’autre ne sont donc pas de vrais soucis. Je peux comprendre que certains choix aient déçu, comme la disparition des phases en véhicule hors DLC, mais elles ont été tellement critiquées que je peux comprendre qu’ils y aient renoncé.


CONCLUSION : ★★★★★★★★★★


Mass Effect 2 est mon jeu préféré et à lui seul il est très représentatif de ce que j'attends aujourd'hui d'un jeu vidéo : un univers riche, immersif et cohérent, un gameplay efficace, défouloir et développé, plein de personnages importants, variés et attachants, et un final en apothéose magistralement mis en scène qui mêle l'adrénaline et le dramatique à la perfection tout en te mettant face aux conséquences de tes actes commis durant toute ta partie et se terminant par un cliffhanger des plus efficaces. Que pourrais-je demander de plus ?

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le 18 mai 2022

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damon8671

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