« Il est toujours avisé de réfléchir aux conséquences de ses actes »

Alors que Bioware s’illustre avec le brio le plus absolu à mes yeux dans le RPG à l’univers de science-fiction avec Mass Effect, le studio ne mise pas tout dessus et développe en parallèle une nouvelle saga davantage dans l’ambiance médiéval-fantastique avec laquelle ils ont démarré via Baldur’s Gate. Voici donc les origines de Dragon Age, même si le titre fait plus penser au préquel d’une saga déjà existante, c’est bien le premier épisode de la saga, voyons s’il est à la hauteur tant de son héritage que de sa concurrence. La critique étant longue, je vous propose le magnifique thème de la romance dans ce Dragon Age Origins, ça vous rappellera certains souvenirs.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 6 / 10



D’abord développé en 2002, annoncé pour la première fois en 2004, Dragon Age Origins ne sortira finalement qu’en 2009 et comme souvent avec un aussi long développement ça se sent que techniquement tout ne correspond pas aux normes de l’époque. C’est probablement la critique négative la plus objective qu’on peut lui adresser, surtout après le premier Mass Effect sorti 2 ans plus tôt et qui était très solide sur ce point. Maintenant deux questions se posent suite à cet état de fait : est-ce que le bilan technique est si horrible que ça et quid de l’esthétisme susceptible de bien compenser ?


Déjà, les effets visuels très jolis, surtout les flammes, et certaines animations assez détaillées lors des combats les rendent assez agréables à l’œil et vu leur nombre ce n’est pas rien. On notera aussi une fluidité irréprochable sur PC la plupart du temps avec la config appropriée, acceptable sur consoles, même si le jeu n’est pas ultra dynamique ça fait tout de même plaisir. Certains décors ou personnages principaux ont fait l’objet d’un soin du détail tout à fait satisfaisant, voire excellent. Bref, il y a pas mal d’éléments purement techniques réussis, mais il y en a tout de même pas mal qui le sont moins.


Les visages sont généralement peu détaillés (en dehors des personnages principaux si vous avez suivi), souvent recyclés d’un PNJ à un autre et surtout ils manquent d'expression comparé aux aventures galactiques de Shepard qui étaient presque un nouveau standard de qualité. Dans un jeu avec autant de dialogues, c’est regrettable que l’animation faciale ne suive pas le mouvement. À côté de ça, les arrières-plan sont parfois dépouillés, voire pas finis, même dans des lieux où la trame principale nous emmène et ça contraste d’autant plus avec d’autres environnements quant à eux très réussis. Il y a pas mal de lacunes ici et là, par exemple on peut se retrouver avec de graves blessures sur la fiche de personnage mais ça n’aura aucun impact visuel sur le modèle 3D du personnage.


La mise en scène d’une façon générale est souvent peu développée en dehors de rares cinématiques très impressionnantes. Mention spéciale à la première bataille à Ostagar qui me fait rentrer de plein pied dans l’aventure à chaque partie avec en plus la reprise épique du thème principal de Baldur’s Gate : Ferelden at War, parfaitement adapté à la mise en scène à tel moment du morceau, dommage qu’il n’y en ait pas beaucoup plus. Pour en finir sur les musiques d’Inon Zur, bien évidemment Léliana’s Song est également un de mes morceaux favoris tout jeu confondu même si son utilisation en jeu n’est pas aussi bien élaborée.


Réalisation et esthétisme sont donc capables du meilleur comme du plus mitigé dirons-nous, mais j’en retiens suffisamment de bon pour ne pas trop le sanctionner dans cette sous-note. Par contre, si vous avez compris que le jeu est un RPG occidental, donc qu’il se joue sur PC, il y a bien entendu les mods avec Dragon Age Redisgned qui corrige pas mal le problème des visages par exemple en enrichissant les visages initiaux ou en se permettant plus de libertés selon notre bon vouloir, mais c’est un mod donc je n’en tiens pas compte puisque je critique ici Dragon Age Origins tel que les développeurs l’ont fait.



GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10



Le gameplay repose beaucoup sur celui de Baldur’s Gate 10 ans auparavant qu’on aurait adapté en 3D et modernisé, ce qui me va très bien. Bioware avait su poser de très solides bases à l’époque et s’ils les reprennent en les améliorant une énième fois même 10 ans plus tard ça ne me pose pas de soucis, tant que c’est efficace. On retrouve donc la possibilité de switcher entre les personnages comme on l’entend, la pause active en plein combat pour gérer son équipe autant qu’on le veut sans se presser, différentes classes complémentaires pour une équipe qui doit être hétérogène avec plusieurs options possibles... Une souplesse assez sympathique est qu’on peut modifier le groupe en dehors des donjons, on est pas obligé de quitter nécessairement la zone pour ça.


Le jeu propose une vue de dessus classique et une vue de dos plus moderne, elles sont très complémentaires à mon sens. La caméra de haut se place mal dans des endroits exigus et n’offre pas une assez grande portée sur un horizon mais la caméra de dos offre une lisibilité perfectible en combat notamment pour gérer les dégâts de zone et les postions exactes de nos personnages. À partir du moment où on change régulièrement de vue il n’y a pas trop de soucis, il faut juste l’accepter et ne pas se contenter de l’une des deux. C’est un peu dommage qu’une caméra unique ne soit pas bien foutue à elle seule dans un jeu en 3D de 2009 mais la complémentarité des deux fait que ce n’est pas trop gênant.


Si la pause active servait avant tout à corriger des soucis d’IA à l’époque de Baldur’s Gate, c’est ici devenue une mécanique de jeu parfaitement assumée avec une IA qui ne peut retenir qu’un certain nombre d’actions à réaliser en autonomie selon son nombre de créneaux tactiques et aborder un certain archétype de comportement sans instructions. Moins orienté action qu’un Mass Effect pour être davantage tactique dans l’esprit de ses aînés, c’est un parti pris qui se défend parfaitement puisque ça permet de diversifier les productions de Bioware de l’époque dans leur philosophie de jeu. Le seul soucis objectif d’IA que je relèverai c’est que leur pathfinding ne prend pas en compte les pièges, même une fois détectés, c’est un peu pénible.


La richesse dans les façons de jouer combinée à certaines phases plus originales trompent la monotonie qui pourrait apparaître. Par exemple, à la fin du cercle des mages on est plongé dans l’immatériel où on peut alterner entre différentes formes pour se frayer un chemin dans ce labyrinthe afin de récolter plein de bonus facultatifs. Pour les combats, on paralyse un ennemi fort avec un sort sous la forme d'un spectre, on se transforme en mort-vivant en flammes pour survivre à une boule de feu, on se change en golem pour étourdir des ennemis qui nous encerclent... C’est cohérent avec l’univers et le gameplay tout en apportant une séquence de jeu qui se distingue du reste.


On notera par contre une gestion de l’inventaire un peu rébarbative et simpliste, une armure lourde pèsera autant qu’une bague, un seul coffre de groupe un peu simpliste ne peut se trouver qu’avec l’aide d’un DLC payant... Le level-design est un peu trop étriqué et fuite en avant par moment, il y a bien des zones travaillées qui exploitent la verticalité avec la vue de dessus comme Golefalois mais des fois les donjons seront une succession d’étages assez proches dans leur architecture déjà simpliste. Je me permettrai également de reprocher le mabari considéré comme un coéquipier à part entière et non comme un familier, pas très pertinent comme équilibrage. Mais tous ces défauts restent mineurs et le gameplay est de qualité tout en étant proposé dans un contenu bien généreux d’une cinquantaine d’heures.



SCENARIO / NARRATION : 10 / 10



La demi-douzaine de scénaristes dirigés par David Gaider, qui avait déjà travaillé pour Bioware sur l’écriture de Neverwinter Nights et KOTOR, a opté pour un fil rouge de l’intrigue aussi classique qu’efficace. À la tête d'une élite hétéroclite, nous devons lever une armée en conciliant différentes factions, ayant chacune une histoire qu’il va falloir comprendre pour saisir la teneur de leurs relations, tout ça contre une menace de grande ampleur qui tuera tout le monde sans distinction si elle n’est pas arrêtée. C’est une quête prétexte à découvrir tout un univers captivant aux multiples facettes, histoires et intrigues sur lequel nos convictions et choix impacteront et c’est très exactement ce que j’adore dans un jeu de rôle à titre personnel.


On retrouve tous les éléments typiques de la narration de Bioware qui sont pour moi parfaits : les réactions des personnages durant les phases de dialogue selon qui nous accompagne et la tournure de la discussion, la narration plus ou moins étoffée par la quête principale, les quêtes annexes puis le codex, les discussions des PNJ quand on passe dans une zone habitée pour en comprendre rapidement l’ambiance de façon très cohérente en fonction de l’évolution de la trame, les petits dialogues entre nos coéquipiers assez amusants pendant qu’on se balade, les quêtes de loyauté facultatives pour en apprendre plus sur nos compagnons et même faire évoluer leur personnalité dans un sens ou dans un autre...


Ces coéquipiers sont très nombreux en plus d’être très bien travaillés. Parfois, leur recrutement prend 2 secondes et le background du personnage semble très simpliste, voire bas de plafonds alors que par la suite il se révèle très intéressant. Léliana est l’exemple parfait du personnage qui semble insupportable, la sainte-nitouche qui veut faire le bien, chanter des chansons, parler mode vestimentaire... mais si on creuse dans son passé et qu’on déclenche sa quête de loyauté, on se rend compte qu’elle est tellement plus que ça et nos choix sont réellement pris en compte dans son comportement et ça en fait au final mon personnage préféré de l’univers Dragon Age alors que je ne pouvais pas la blairer au début, c’est pas génial ça !


Ce qui est assez exceptionnel également c’est que le jeu propose 6 prologues différents et de qualité pour appréhender l’univers sous un autre angle à chaque nouvelle partie, et bien entendu le jeu l’exploite énormément avec plein de dialogues qui changent selon le scénario d’origine. Je trouve ça absolument génial car ça se mêle merveilleusement bien à l’univers tel qu’il est proposé, on comprend d’autant mieux une faction quant on en est issu et ça apporte un autre niveau de lecture à tel chapitre que lorsqu’on avait un regard plus extérieur de par le passé de notre personnage.


Les doublages VF comme VO sont également d’excellente facture, même si la french touch de l’orlésien impose davantage la VO que la VF pour pleinement en profiter. Je regrette simplement que notre personnage ne soit pas doublé pendant les dialogues, c’est un parti pris old-school que je comprends pleinement. Ça permet de donner mentalement l’intonation que l’on veut aux répliques et c’est un moyen de davantage s’investir dans le personnage mais personnellement je suis plutôt de l’école Mass Effect sur ce point-là. Mais là ce n’est jamais qu’une légère préférence personnelle et le reste est tellement génial à ce niveau que je lui pardonne largement.



CONCLUSION : 8 / 10



Quel dommage que réalisation et esthétisme soient aussi inégales car avec son gameplay solide, son contenu généreux mais surtout son univers, son scénario, ses personnages, sa narration... Dragon Age Origins est un de mes jeux de rôle occidentaux favoris. Je reconnais sans problème ses défauts mais beaucoup peuvent être grandement rectifiés grâce au modding et il est maintenant disponible avec toutes ses extensions et sans DRM sur GOG pour un prix très honnête, il fait partie des incontournables de sa catégorie pour moi malgré le poids de son héritage et de sa concurrence.

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le 29 sept. 2017

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damon8671

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