Epopée Metal Gear - Episode 7 : Savoir quand s'arrêter

Bon, on va pas se mentir, hein ? Ce Guns of the Patriots n'est pas la digne fin qu'on pouvait attendre pour une série aussi mythique que Metal Gear. Bien sûr, à chaque épisode d'une saga, il y a toujours des mécontents qui crachent leur fiel parce qu'ils n'ont pas eu ce qu'ils voulaient. Mais je ne suis pas ainsi. J'aime la série de Kojima précisément parce que je ne sais jamais tout à fait à quoi m'attendre lorsque je pose les mains sur un nouvel opus. J'aime tellement être trahi que mon épisode préféré – et mon jeu préféré toutes catégories confondues en fait – est Metal Gear Solid 2. L'épisode le plus bavard, le plus incompréhensible, pas Snake, Raiden pas beau et bla-bla-bla. Un putain de coup de génie, surtout. Alors pourquoi j'ai été déçu, cette fois-ci, et pour la première fois ? Les réponses ont déjà été données ailleurs.


Le scénario. Tout commençait pourtant assez bien. Une chasse à l'homme pour retrouver et exterminer une bonne fois pour toute la Nemesis de la série, Ocelot (ou est-ce Liquid ?). La problématique des guerres proxy et du contrôle des mercenaires, joliment exposée. La réponse à toutes nos questions et le retour de la plupart des personnages de la saga. Et un Snake mourant, promesse d'un chapitre définitif, à l'encontre de toutes les réalités commerciales du milieu vidéoludique. Ca promettait un final d'anthologie. 
En réalité, les dernières heures de jeu ont presque réussi à violer mon cerveau. Une accumulation de niaiseries, de révélations tellement tirées par les cheveux qu'elles en deviennent risibles, des personnages au comportement incohérent et des gros plans sur des culs et des nichons tellement récurrents que, cette fois, ça ne me faisait plus rire du tout. L’utilisation du grotesque peut être un formidable outil narratif, pour faire prendre un recul salvateur au joueur-spectateur. *MGS2* en est la preuve imparable, une parodie du premier épisode qui servait un but foncièrement philosophique, du jamais vu dans l'histoire du jeu vidéo.
*MGS4*, lui, n'a d'autre but que de paraitre fun. Alors on multiplies les blagues scatophiles (Johnny prout prout, tu aurais mieux fait de rester un personnage secondaire, bordel), on parsème 7231 clins d'oeil sexy tout droit sortis du cerveau d'un adolescent frustré ( filmer en gros plan les nichons de Naomi alors qu'on est en train de parler de la mort imminente de Snake... Je ne te pardonnerai jamais d'avoir gâché cette superbe scène, Kojicon), et on transforme Raiden en un bouffon ninja que n'aurait pas osé proposer Kitamura. Vous vous souvenez, ce réalisateur avait été pour le moins conspué pour ses cinématiques de *Twin Snake*, le remake du premier *Metal Gear Solid*. Les scènes de combats étaient trop exagérées selon l'avis des fans, qui était totalement justifié. On a dépassé ce niveau de ridicule dans *MGS4*.

Raiden fait tourner en l'air des machines de plusieurs tonnes accrochées à ses pieds... Raiden arrête un immense navire (200, 300 tonnes ? ) à la force d'un seul bras... Et quand il n'aura plus de bras, il combattra en tant qu'homme-tronc électrifié, parce que, voyez, son nom de code a un rapport avec la foudre, donc c'est normal. Il y a vraiment des joueurs qui pensent que tout cela est digne d'un Metal Gear ? Au cas où vous n'auriez pas remarqué qu'on se fout de notre gueule, Raiden à des hauts talons et de longs ongles terminés en pointe, histoire d'en faire le cyber- travelo le plus sexy de toute l'histoire de la science-fiction. Et dire que j'étais l'un des rares joueurs à l'adorer dans MGS2... Juste pitoyable.


Je passerai rapidement sur le fait que les "réponses à toutes nos questions" semblent avoir été improvisées en fin de développement (ce qui est plus ou moins le cas) et n'enrichit en rien la mythologie de *Metal Gear*. Ca commence à faire beaucoup de critiques pour un 6. Alors ? Et bien, même si c'est en partie foiré, je dois reconnaitre que *Guns of the Patriots* est l'un des laboratoires d'expérimentations vidéoludiques  le plus culottés que j'ai jamais vu. Une fois de plus, Kojima livre autre chose que ce à quoi on s'attendait. 

Faire de son héros increvable un vieillard en bout de course... Varier le gameplay d'infiltration à chaque acte de jeu... On peut infiltrer de vrais champs de bataille pour la première fois dans la série, prendre en filature un inconnu dans les rues brumeuses d'une ville d'Europe de l'Est, revisiter un lieu chargé de souvenirs et d'affects mais vidé de toute forme de vie, ou presque... Je sais bien que tous ces gameplay ne se valent pas, qu'il y a pas mal de gâchis, et trop de bourrinage forcé (surtout ces énervants rail-shooting). Mais quelle audace de revoir sa formule pour l'ultime épisode d'une licence aussi populaire ! D'avoir l'impression qu'après 20 ans, Kojima s'amuse encore avec ses recettes jamais tout à fait éculées, ça fait tout de même chaud au coeur...


Les deux premiers actes m'ont beaucoup plu. Fidèle à moi-même, j'ai complètement nié la puissance de feu improbable qui nous est proposée dès le début et j'ai joué le jeu de l'infiltration jusqu'au bout. Même si *MGS4* est globalement beaucoup plus facile que les épisodes précédents, j'ai pu retrouver en partie la tension qui les habitait. A ce titre, je crois même que la fin du second acte propose la meilleure séquence de gameplay de toute la saga... Oui, je me suis quand même pas mal amusé. Et quand je ne m'amusais pas, il m'arrivait au moins d'être surpris. J'ai envie d'encourager l'audace, même quand elle trébuche et s'étale sans gloire dans la boue. Par contre, je ne peux pas défendre la vision scénaristique de Kojima sur ce coup,  je pense que vous l'avez compris. Des tonnes de dialogues pour tourner en rond, il n'y a déjà plus de quoi s'extasier. Mais tourner en ridicule, sans même s'en rendre compte, certains personnages mythiques noyés dans le mélo et un premier degré ahurissant de bêtise... c'est carrément inexcusable.
Reste que, même si elle est en grande partie ratée, cette fin a le mérite d'exister. Conclure la chronologie d'une vingtaine d'années d'aventures, ce n'est pas rien. Et les derniers mots du jeu, admirables de sincérité et en osmose avec la tonalité des autres épisodes, m'ont touché plus que je ne voudrais bien l'admettre.

PS:


cerise sur le gâteau, David Hayter offre sa meilleure prestation, avec sa voix brisée à bout de souffle. N'écoutez pas les mauvaises langues qui prétendent le contraire.

Amrit
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le 7 janv. 2016

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Amrit

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