Better call Souls
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le 19 févr. 2017
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Repenser à un jeu épique, un beau roman, un grand voyage, évoque des images splendides, des moments d'effroi, le désir d'y retourner avec la crainte de diminuer la force du souvenir.
Un grand jeu d'aventures laisse des traces nettes dans la mémoire ; Castlevania et Metroid avec leurs niveaux labyrinthiques, leurs boss sidérants ; Diablo II avec son crafting de personnage et ce risque de descendre trop profondément dans les entrailles du monde ; Resident Evil et Dead Space avec leur ambiance à couper le souffle et leur inventaire de pingre ou chaque item compte ; Rogue Legacy, Spelunky et The Binding of Isaac avec leur reprise au début du jeu à chaque tentative mais avec un arsenal qui s'étoffe et une maitrise qui murit.
Nioh embrasse tous ces genres, et, dans les ténèbres du Japon médiéval, les unis. Là où un mal ancien refait surface à la suite de guerres intestines. Un mal puissant qui ne pardonne pas les esquives hésitantes ou les potions trop vite ingurgitées. William, un authentique samuraï de l'époque, y promène son katana et son arc, et la compagnie d'un esprit vengeur, qui, après plusieurs estocs réussis, le transforme momentanément en demi dieu.
Laisser l'ennemi attaquer en premier, chercher une ouverture dans ses attaques, frapper avec parcimonie, baisser sa garde pour reprendre son souffle (à distance), boire une des 8 potions de son inventaire. Malgré sa prudence, William se retrouve « libéré de ce bas monde », transpercé par une lance, incinéré par une boule de feu, broyé entre les mains d'un troll. Mais dans cette répétition d'essais, le jeu est clément : des autels de respawn pavent les niveaux, les potions sont faciles à droper, des portes dérobées ouvrent des raccourcis.
Une carte du monde permet d'accéder au fur et à mesure à plusieurs lieux, parfois facultatifs. Cette carte, plutôt qu'un monde ouvert, à plusieurs avantages : les lieux visités sont variés, il est aisé d'essayer un passage et de s'apercevoir que c'est un peu tôt et, enfin, le respawn est instantané. Mourir est une formalité, vexante, certes, mais pas démoralisante, car le prochain autel n'est jamais loin et on recommence immédiatement.
Nioh n'a pas la fibre romanesque de Witcher 3, ses personnages et ses intrigues sont plus effacés. Mais son gameplay est plus riche, plus progressif, et améliorer son équipement garde de l'intérêt dans la durée, là où dès le deuxième tiers de Witcher, cela s'avérait inutile, et où ses ennemis et son challenge s'évanouissaient tristement.
Il serait étrange de ne pas évoquer Demon et Dark Souls ici. Nioh s'inspire de ses mécaniques, notamment la stamina / ki, cette barre d'endurance qui diminue à chaque attaque ou contre, laissant démuni si elle tombe à zéro, forçant à prendre du recul, à prendre son souffle. Des feux de camp aussi – points de respawn – et de sa progression par étapes prudentes. La comparaison s'arrête là. D'ailleurs les Souls n'ont fait que reprendre eux-même la barre d'endurance de Diablo (et de tant d'autres) et les mécaniques de sauvegarde plus anciennes encore. Les Souls ont animés nombre de mes discussions de jeux vidéo. Car ils regorgent de bonnes idées, mais sont lents, poussifs, sadiques, les boss y étant vaincus non par stratégie, mais par mesquinerie. Passer un niveau y est épuisant, et l'envie de brûler la console persistant.
Nioh est le Souls qui aurait du être. Un jeu difficile, mais clément, avec de la joie dans le loot, non des pièces rouillées et des pièges à chaque coffre. Nioh est la seconde moitiée de Witcher 3 qui aurait du être. Progressif, intriguant, et sur le qui vive. Nioh est le Diablo III qui aurait du être. Neuf, mais fidèle.
Nioh fût le jeu d'aventures de dark fantasy de cette décennie — son aspiration a donné corps à Sekiro, qui le surpasse en tout point.
--
ps. dans le genre, mention honorable pour Darkest Dungeon, notable pour L'ombre du Mordor et passable pour Dragon Age, Dragon's Dogma, Divinity et Lords of the Fallen
Créée
le 18 mars 2017
Critique lue 472 fois
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