Pokémon Émeraude
7.9
Pokémon Émeraude

Jeu de Game Freak et Nintendo (2004Game Boy Advance)

Une génération marquée par des petites avancées appréciables mais pas la franche évolution attendue

Après avoir offert une seconde vie à la Gameboy de par un succès commercial tout simplement phénoménal, Pokémon débarque sur la nouvelle console portable de Nintendo, la Gameboy Advance avec beaucoup d’attentes placées en lui, celles de poursuivre la réussite de ses aînés tout en corrigeant leurs défauts techniques de par les capacités de ce nouveau support, de pérenniser la saga qui aurait pu rester un phénomène générationnel vite dépassé, de confirmer le succès de cette nouvelle console nomade... C’est aussi un moment important dans la saga avec le passage de relai entre le game-director historique Satoshi Tajiri et le compositeur historique Junichi Masuda qui multipliera alors les casquettes, passant à la tête et impliqué dans un peu tout des jeux Pokémons principaux pour une dizaine d’années.


Je parlerai ici des versions Game Boy Advance de cette génération, non de leurs remakes sur 3DS, tout en revenant sur les petites différences entre les versions Saphir, Rubis et Émeraude ici et là.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



Cette génération de Pokémons est la première série d’épisodes conçue d’emblée pour les couleurs et cette génération saura pleinement en profiter en faisant défiler les paysages différents les uns des autres et en utilisant la palette de couleurs pour permettre à la météo de profondément varier les ambiances. De l’ascension d’une montagne accablée par les cendres volcaniques, aux explorations sous-marines dans les eaux troubles en passant par la traversée de hautes herbes noyées sous les pluies, le sentiment d’aventure sera assez présent grâce à cette évolution technique et esthétique. L’abandon du cycle jour/nuit en complément de ces ambiances diverses est regrettable, mais ne se fait pas trop sentir pour moi.


Hoenn, inspirée par l’île japonaise de Kyushu, la plus au sud des îles principales du Japon, met en avant la nature dominant la civilisation humaine quasi-constamment, jusqu’à ces petits villages se fondant dans cette nature avec ces petites maisons de bois perchées à la cime des les arbres, maintenus à la surface de l’eau sur piloris... Le dépaysement est ainsi au rendez-vous et c’est la première fois que je ressens une direction artistique aussi forte dans les décors d’un jeu Pokémon. C’est d’ailleurs pour moi l’un des points les plus maîtrisés et l’une des évolutions les plus nettes du jeu.


Pour revenir sur des considérations plus techniques, les quelques cinématiques, notamment de la version Émeraude, remplissent très bien leur rôle de magnifier certains Pokémons légendaires tout en composant avec les limites techniques de la console, ce qui n’est pas négligeable du tout. Il en va de même pour les rendus des attaques les plus spectaculaires prenant tout l’écran, l’aspect vivant des environnements plus développé… Étant l’un des jeux les plus vendus de la machine, et de très loin avec 4 fois plus de ventes que le jeu le plus vendu de la console hors Pokémon, cette maîtrise technique est des plus importantes et il n’y a vraiment rien à dire, proposant une 2D très propre à un moment où la 3D n’en est encore qu’à ses débuts, tout particulièrement sur console portable.


De plus, je suis beaucoup plus friand du chara-design des Pokémons de cette génération que de la précédente, starters, Pokémons légendaires comme Pokémons communs. Paraît-il qu’il a pu déplaire en raison d’un aspect moins mignon et plus agressif, je ne trouve pas spécialement qu’il rompt avec les standards de la franchise. J’ai beau avoir une préférence pour des styles plutôt sombres, comme Grahyena, Munja ou Carvanha, ces styles ont toujours existé dans la franchise et cohabitent ici avec des designs mignons ou rigolos, pas de soucis de direction artistique dans le chara-design à mes yeux, bien au contraire.


Il en va de même pour les personnages humains, à l’image du, ou de la, protagoniste même s’il aurait été bien de pouvoir changer un peu sa tenue (et ce drôle de bonnet pour le personnage masculin), se faire suivre par un Pokémon (par exemple celui en tête de l’équipe)… des petites évolutions esthétiques qui n’auraient sans doute pas fait de mal mais dont l’absence n’est absolument pas préjudiciable tant ces aspects sont secondaires. Quant à l’OST, composée par la même équipe que sur la deuxième génération de Pokémons, elle parvient très bien à reprendre les thèmes emblématiques tout en inscrivant les siens. Il en va de même pour le travail sonore sur le déclenchement des attaques, les cris des Pokémons… en profitant et en restant limité par les évolutions techniques de la Gameboy Advance à l’image de la réalisation globale du jeu, jamais extraordinaire mais toujours très efficace. Reste à savoir maintenant si ces éloges vont se retrouver partout ailleurs.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★★☆☆☆



Une centaine de nouvelles capacités, une demi douzaine de Poké Balls inédites… cette troisième génération poursuit l’enrichissement du gameplay d’origine sans le bouleverser. La plus grande mémoire de la console est bien entendu utilisée pour pouvoir conserver un nombre phénoménal de Pokémons capturés, ce qui est très pertinent comme ajout purement quantitatif, mais bien sûr que l’évolution ne peut s’arrêter là étant donné le passage de génération. Une grosse nouveauté en apparence serait la naissance des combats doubles, 2 VS 2 Pokémons, mais ça ne sera pas si développé que ça, surtout pour les versions Saphir et Rubis, tout comme la météo qui promet d’impacter les combats mais qui se traduit la plupart du temps par un temps ensoleillé parfaitement neutre.


Non, l’évolution est réelle mais elle est plus subtile, plus dissimulée, elle se trouve dans la génération des statistiques toujours plus avancée, toute la technicité des combats et de la construction de l’équipe qui échappera sans doute au grand public. L’ajout de la nature influant sur les statistiques en est le bon exemple, désormais chaque Pokémon à un malus et un bonus de statistiques aléatoires qui peuvent le servir ou le desservir selon comment on veut le jouer. Si j’adore cet aspect, j’aurais aimé par contre que le jeu dévoile ces mécaniques plutôt que de les dissimuler au point que des recherches approfondies sont à mener pour y comprendre quelque-chose.


L’introduction des talents permet aussi l’arrivée de quelques Pokémons au gameplay radicalement différents des autres, surpuissants mais ne pouvant attaquer qu’un tour sur deux, ne disposant que d’un PV mais étant immunisé à beaucoup d’attaques… Même si là encore, le jeu peut manquer de pédagogie en dissimulant des nuances importantes dans des descriptions assez incomplètes, la description « Augmente attaques PLANTE » signifie par exemple dans le détail « Augmente la puissance des attaques de type Plante de 50% lorsque le Pokémon a moins d'1/3 de ses PV totaux », ce n’est pas tout à fait pareil.


Les concours Pokémons ont le mérite de proposer des phases de jeu assez différentes même si j’avoue ne pas trop y adhérer. Par contre, l’ajout des tentes Pokémon dans la version Émeraude, faisant s’enchaîner des combats avec des Pokémons de niveau égal à choisir parmi une liste aléatoire ou laissant nos Pokémons maîtres de leurs décisions par exemple, est une excellente idée, ruisselant les défis de la tour Pokémon durant l’aventure, bien que sous-exploitée. On sent qu’un certain conservatisme se fait sentir avec ces déclinaisons de combats classiques relayées au rang de petites séquences facultatives par rapport au système de combat traditionnel omniprésent.


La création d’une base secrète offre un petit housing bienvenu, original pour l’époque, mais bien peu utile au final, un ajout aussi sympathique que superficiel. Par contre, on a encore des CS qui se débloquent de façon trop expédiée vu leur importance et un mauvais équilibrage quant à leur utilité en combat, avec notamment 3 CS du type eau surreprésenté dont 2 quasi-identiques. Ce déséquilibre de types se retrouve plus gravement dans les Pokémons inédits, 4 Pokémons électriques inédits contre une vingtaine de type eau, il y avait mieux à faire et là c’est tout de même un point a minima important à mes yeux.


Pour finir sur du positif pour ce gameplay qui s’en sort tout de même très bien, j’aime bien comment la carte a été créée, d’abord très linéaire pour guider le néophyte, puis avec beaucoup d’allers-retours autour d’un point central pour complexifier sans devenir frustrant et enfin l’exploration de vastes étendues avec plein de secrets pour les plus motivés. La cohérence de la progression est assurée par l’ordre imposé de A à Z pour les arènes, pour la première fois dans la saga d’ailleurs. De nouveaux double-type apparaissent et souvent très pertinents dans l’équilibrage, d’ailleurs le combo feu / combat deviendra un classique du starter de feu avec cette génération. Bref, la formule est la même en mieux et avec beaucoup de soin dans l’ensemble, c’est à la fois assez pour que j’apprécie, mais insuffisant pour que je la porte en plus haute estime. Un commentaire qui marcherait aussi assez bien pour les questions scénaristiques et narratives.



SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆



Avec le passage à une nouvelle génération de console, cette génération marque une évolution dans les enjeux de son scénario avec une quête principale qui vise cette fois-ci à sauver le monde dont les Pokémons légendaires sont garants de l’équilibre naturel. Autant cette partie-là avec les Pokémon légendaires est très intéressante, surtout quand on voit les descriptions du Pokédex des différentes versions en accord avec leur élément dominant. Autant, l’opposition entre deux factions caricaturées à l’extrême, alliée ou ennemie selon la version, est assez curieuse, seule la version Émeraude saura faire preuve de bon sens en traitant les 2 factions comme elles le méritent.


Après, on peut toujours aller plus loin dans le raisonnement et aller jusqu’à analyser ça comme une façon de symboliser les luttes idéologiques radicales comme fondamentalement dangereuses, car quelque soit notre vision du monde on ne pourrait l’imposer légitiment aux autres, mais je ne pense pas que ça soit une intention des scénaristes. Je pense juste qu’ils ont démultiplié les ennemis à abattre en les adaptant rapidement au message vaguement écologique du récit, pas besoin d’en chercher davantage. Tout au plus, on peut saluer que l’antagoniste n’est plus un mal absolu des plus basiques mais un adversaire avec des intentions qu’ils croient nobles, ce qui est déjà un peu plus ambitieux.


Sinon, autre changement dans le scénario typique de Pokémon, il est à noter que le rival est pour la première fois amical, une bonne idée en soit. Je trouve néanmoins qu’il aurait été bien de fusionner son personnage avec celui de Pierre pour l’impliquer davantage dans la trame principale et offrir des occasions de se battre à ses côtés contre les Teams ennemies, en accord avec le lien d’amitié qui est censé le lier au protagoniste. Je regrette également que la version Émeraude modifie le rôle final de Pierre par rapport aux versions Saphir et Rubis, dans l’ensemble il y avait mieux à faire à mon sens du côté de ces PNJ amicaux / rivaux qui sont un peu trop dispersés et aux rôles pas toujours bien définis.


De toute façon dans les jeux Pokémon le plus intéressant en terme de scénario ça reste les Pokémons en eux-même, et cette génération a ses quelques fulgurances et évolutions. L’une de ses fulgurances serait par exemple l’évolution de Ningale qui peut offrir un second Pokémon décrit comme fantomatique car faisant référence au corps laissé lorsqu’une cigale devient adulte, une façon subtile et élaborée de se réapproprier au monde des Pokémons les sources d’inspiration animales. Pour les évolutions, j’apprécie l’ajout des natures qui participent à caractériser les Pokémons plus en profondeur, à faire que ton équipe te semble nécessairement unique, même si le jeu ne le met peut-être pas suffisamment en avant à mon goût.


Enfin, et pour en finir avec cette partie scénaristique assez secondaire, il est à noter que la traduction française change de main, un peu plus amateur et décomplexé au tout début de la saga, mais on retrouve notamment l’excellente qualité de travail de traduction des noms des Pokémons donc l’essentiel est là. Malgré quelques ambitions plus élevées et de nouvelles idées pour renouveler un peu la trame principale, celle-ci reste satisfaisante à suivre sans jamais constituer une réelle plus-value au titre, mais pas sûr que c’est là qu’on l’attendait de toute façon.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Si la génération de Pokémons de la Gameboy Advance n’a pas transcendé la formule, elle a su la faire évoluer par petites touches efficaces pour constituer une nouvelle fois une expérience de jeu très solide avec un gameplay abouti parsemé d’originalités intéressantes, avec un environnement dépaysant à souhait, avec un juste compromis entre le soucis d’accessibilité et la profondeur technique, avec un monde de Pokémons toujours plus riche… Le jeu le plus populaire de sa machine ne sera peut-être pas un gros coup de cœur pour moi mais au moins la très sympathique expérience que j’en attendais.

damon8671
7
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le 23 avr. 2021

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