Pokémon Jaune
7.9
Pokémon Jaune

Jeu de Game Freak et Nintendo (1998Game Boy)

Le jeu qui m'a appris les joies du leveling

Étant de la génération Gameboy, Color pour être exact, Pokémon fut pour moi comme tous les enfants de cette génération un phénomène incontournable, je n'ai pas eu les versions rouge et bleu de la Gameboy première du nom, qui sont les vraies premières versions donnant naissance à cet univers, mais cette version-ci, Pokémon Jaune. Surfant (sans mauvais jeu de mot) sur le succès de la série animée de 1997, c'est donc avec cette version haute en couleurs que j'ai découvert la saga à son quasi-commencement. Je vous propose pendant la lecture l’écoute de ce remix orchestral du thème principal très connu.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



Haut en couleurs, c'est peu dire car celles-ci s'avèrent très jolies compte-tenu des capacités de la console mais surtout leur utilisation est très pertinente pour les décors et les Pokémons, très cohérente avec l'univers (plante = vert, feu = rouge, eau = bleu…). Contrairement à un Link's Awakening DX par exemple, auquel je préfère l'original sur le plan visuel car je trouve que la colorisation dénature l’esthétisme du jeu, pour Pokémon j'ai beaucoup de mal avec les versions en noir et blanc. Mais c'est un avis personnel et ça dépend peut-être du fait que j'ai découvert les versions dans l'ordre inverse à leur sortie.


Le jeu comprend quelques rares voix digitalisées du plus bel effet, encore une fois compte-tenu du support, notamment pour Pikachu avec son Pika Pika ! mascotte du jeu à tous les égards. Lors des combats, les sprites de face des pokémons sont très jolis et détaillés, même aujourd'hui ça le fait, et même sur les versions Rouge et Bleu que la version Jaune pouvait retravailler. Malheureusement les sprites de dos sont assez hideux pour la plupart, sauf quelques Pokémons vraiment travaillés comme notre souris préférée, et les icônes dans le menu de notre équipe se répètent vachement donc le chara-design n’en ressort pas toujours aussi bien qu’il le devrait idéalement.


Ça me semble assez paradoxal avec le fait que le chara-design des Pokémon a sans doute participé par la suite à la popularité de la franchise alors que franchement ces premières aventures ne le mettent pas toujours bien en valeur à mon sens, surtout quand on pense à la version en noir et blanc. Pour se convaincre de cette popularité, il n’y a qu’à voir le travail amateur considérable que l’on peut trouver sur la toile où il s’agit de reproduire plus ou moins fidèlement ces chers monstres de poches, y compris les tous premiers déjà disponibles dans cette première génération, souvent d’ailleurs décrite comme l’une des préférées des fans.


Pour en revenir au jeu en lui-même, pour les décors, si les couleurs leur rendent honneur, il faut reconnaître que c'est souvent les même textures qui sont recyclées avec beaucoup de blocs assez moches pour restreindre l'aire de jeu, des maisons dans lesquelles on ne peut pas rentrer... C’est esthétiquement bien inspiré mais techniquement assez limité, une phrase qui résume assez bien ce que je pense du jeu sur la question avec le recul maintenant que je sais de quoi la console est capable si son potentiel est bien exploité, même dans le contexte de la sortie originale, 3 ans après Link’s Awakening que je mentionnais plus tôt, honnête mais pas impressionnant.


Impressionnante, cette première génération de Pokémon l’est sans doute davantage par son OST, signée par Junichi Masuda qui ne se fera finalement connaître que par son travail dans la saga ou presque. Non seulement on a beaucoup de thèmes différents de très bonnes qualités dont la vraie limite est technique, mais aussi parvenant à insuffler des identités très variées aux situations de jeu et surtout aux lieux visités. Pour parfaire le tout, c’est aussi très efficace pour récompenser les victoires, captures, évolutions… qui en deviennent mémorables grâce à ce genre d’éléments, surtout pour des enfants très sensibles à ce genre de feed-back.


Quelle nostalgie le jingle de l’évolution me procure, ce moment de joie d’obtenir un nouveau Pokémon, de doute en abandonnant l’ancien, de découverte de ce design évolué, d’accomplissement pour avoir collecter l’expérience nécessaire… et tout ça, je peux m’en souvenir en un instant à l’écoute de la musique. C’est bien la preuve de son efficacité et de sa bonne utilisation dans le jeu. Malheureusement, le bilan est plus contrasté sur le plan visuel avec ces petites carences techniques et cet excellent esthétisme sous-exploité, mais cette première génération a le mérite d’avoir posé les bases.



SCENARIO / NARRATION : 8 / 10



Un mot sur le scénario qui paraît très stupide au regard d'adulte, entre le concept de base qui était de tabasser des animaux pour qu'ils deviennent captifs d'une balle dont ils ne ne sortent que pour se battre, racketter leur maîtres aux lignes de dialogue niaises quand elles ont la chance d'avoir du sens, le rival qui nous traite de minable sans arrêt tout en nous donnant des conseils utiles comme s’il voulait nous aider... Mais je ne me rendais même pas compte de ça à l'époque, sûrement parce que le jeu a le bon goût de ne pas insister dessus en ayant conscience que l’intérêt de l’écriture n’est pas du tout là.


Les RPG sont des jeux souvent attendus au tournant sur les questions scénaristiques, encore plus à l’époque où ils étaient clairement l’un des genres qui s’occupaient le plus de cet aspect, les développeurs se sont pourtant éloignés de cette question et ont tout misé sur la relation du joueur avec ses Pokémons. Ils ont même poussé encore plus loin le concept dans cette édition avec Pikachu derrière nous et je me souviens très bien que ça avait marché à merveille sur moi plus jeune, et sans doute encore un peu aujourd’hui si je devais être a minima honnête avec moi-même. Il faut dire que le système de jeu a été pensé en ce sens via bien des aspects comme le Pokédex qui se complète selon si le Pokémon est seulement vu ou s’il est capturé, la possibilité de les surnommer...


C’était au final une excellente idée que ses petits monstres de poches avec lesquels on vivait une aventure gravitant autour d’eux et mettant en parallèle les fameux discours de Chen sur l’importance d’aimer ses Pokémons et tout ça avec le joueur qui s’attache à ses bêtes qu’il peine à capturer, qu’il contrôle pendant des dizaines d’heures, qu’il voit subitement évoluer... Bon après la trame en elle-même ne vole pas bien haut il faut bien le dire, dans le même genre on peut sans doute trouver de bien meilleurs scénarios tout en étant adaptés à un jeune public dans les productions vidéoludiques des années 1990.


Par contre, un truc qui vole très haut c’est la traduction française qui a vraiment fait un travail très appréciable, au-delà du langage familier assez osé sans tomber dans la vulgarité, c’est dans les jeux de mots des noms de Pokémons, d’attaques, d’environnements… que je note le plus cette qualité et j’ai été sidéré à l’écoute d’une interview d’un traducteur à quel point il y a eu une recherche de fidélité à l’œuvre originale tout en prenant certaines libertés des plus pertinentes. C’est assez exemplaire comme traduction qui s’est vu donc dès cette première génération et qui a tout de même une certaine importance dans le jeu au final.


Par ailleurs, l’univers peut être mieux pensé qu’on ne pourrait le croire avec les Pokémons et leur propre histoire qui peut être très intéressante et pertinemment illustré. C’est le cas de Magicarpe qui est très faible avant d’évoluer en Léviator, une mécanique de jeu qui est en fait une transposition d’une légende chinoise voulant qu’une carpe étant capable de remonter une cascade après une série de sauts vraisemblablement impossibles devienne alors un dragon en récompense. On peut traduire ça comme une métaphore de la récompense exceptionnelle pour qui mettrait une volonté de fer dans sa quête malgré sa faiblesse, ce qui est concordant avec la mécanique de jeu initiale du coup.


On notera également que l’univers de Pokémon comprend des petits clins d’œil au monde contemporain bien réel ainsi qu’à certaines de ses références culturelles générationnelles, comme ce dessin animé avec ce personnage à queue de singe, ce jeu de Versus Fighting opposant Kan et Ryo… Ça joue aussi sur les préoccupations des enfants d’apprendre à faire du vélo, d’utiliser un ordinateur pour stocker des données... Tout ça contribue à mon sens au sentiment d’immersion que j’ai pu avoir à l’époque étant enfant et une explication, parmi d’autres, du succès phénoménal du jeu, mais la principale raison est tout de même dans la partie ludique du titre.



GAMEPLAY / CONTENU : 8 / 10



N’allons pas par quatre chemins, le gameplay de ces vieux Pokémons a vieilli, pour qui est habitué aux titres suivants de la saga. En effet, il comprend un gros déséquilibre entre certains Pokémon qui apprendront vite des attaques très puissantes alors que d'autres ne les apprendront jamais, trop d'attaques de type normal (tornade qui n'est pas de vol, poing-karaté qui n'est pas de combat, morsure qui n'est pas de ténèbres...), l'impossibilité de constater les stats d'une attaque, surtout avant de l'apprendre et de pouvoir l'essayer, l'inventaire qui ne comprend qu'un seul onglet pour une ergonomie des plus discutables...


Mais si je ne peux qu'admettre tous ces défauts, déjà je me souviendrais de ce gameplay comme le premier à m'avoir donner goût au principe de leveling que l'on retrouve dans beaucoup de jeux de rôles cultes, ce qui en fait d'une certaine façon un JRPG pour jeunes très efficace à mon sens. On a des persos que l'on fait combattre au tour par tour dans le but d’engranger des points d'expérience pour qu'ils deviennent plus puissants, c'est répétitif et peu intéressant ludiquement de prime abord mais c'est incontestablement addictif et surtout ça s’accompagne d’une vraie richesse que l’on ne soupçonnerait pas au premier coup d’œil.


Déjà à l'époque on avait un gameplay très complet et bien pensé dans l’ensemble avec une multitude de changements d'états et de stats et pas seulement des attaques pour faire des dégâts directement, de nombreux facteurs à prendre en compte pour calculer les dégâts avec ces 15 types parfois doubles, un assez bon équilibre entre villes, exploration en extérieur et donjons pour rythmer l’aventure, la possibilité de switcher l'ordre de sélection des attaques... le jeu peut se parcourir encore avec plaisir même aujourd'hui de par ses qualités, même si la nostalgie y contribue aussi bien sûr.


Il y a tout de mêmes des petites idées dont je ne suis pas fan, comme le principe des CS dans la mesure où elles ne peuvent être effacées, prenant une place d'attaque à part entière et n’étant pas systématiquement utiles en combat (notamment Coupe et Flash qui deviennent des boulets très vite), dommage qu'ils aient sans arrêt repris le système avec même d'autres CS en renfort, mais ce n’est pas dramatique du tout. L'animé étant sorti entre temps, cette version jaune en profite pour y faire quelques références ici et là qui sont toujours appréciables mais surtout sont prétextes à donner à ce Pokémon Jaune l'exclusivité de permettre de rassembler les trois starters de cette gen sans avoir recours aux échanges.


Les fameux échanges avec le cable link, c'est la bonne idée marketing mais particulièrement casse-bonbon pour qui veut solo le jeu évidemment puisqu’il est impossible de récupérer tous les Pokémons, y compris parmi les plus puissants comme Alakazam ou Grolem. Mais comme c'est une idée de marketeux on se la retapera systématiquement depuis et en plus les versions ultimes (cristal, émeraude...) feront souvent l'impasse sur les trois starters, y compris les remakes GBA de cette gen, ce qui confère un certain charme intemporel à cette version jaune je trouve. Bon après on peut aussi dire que ça contribue au lien entre joueur et Pokémon évidemment, donc admettons.


Je pense sincèrement que Pokémon dispose d’un système de jeu très bien fichu dès son origine dans une aventure assez généreuse en contenu, et si quelques soucis d’équilibrage et quelques donjons un peu trop redondants peuvent entacher le tableau, les bases posées sont ultra solides et c’est directement sur celles-ci que se reposeront ses suites qui enrichiront et exploiteront davantage la formule, mais sans jamais la remettre en question fondamentalement. Quelle meilleure preuve de sa réussite nous faudrait-il ?



CONCLUSION : 8 / 10



En somme, Pokémon Jaune fut pour moi une excellente initiation au JRPG grâce à un système de jeu riche et bien pensé, à une direction artistique pleine de promesse et à son concept même ayant fonctionné à merveille sur moi à l’époque et aujourd’hui’hui encore par nostalgie. J'ai retrouvé ma save d'époque avec des Pokémon dans les lvl 80 / 90 et c’est le plus sincèrement du monde avec plaisir que je l'ai reparcouru des dizaines d'heures pour en écrire la critique, et j’y reviendrai encore c’est certain.

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le 10 avr. 2016

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damon8671

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