Remember Me était un jeu que je surveillais de près même avant son annonce à l'E3, quand il s'appelait encore "Adrift". L'idée d'un jeu cyberpunk qui se déroule à Paris me plaisait bien, et les concept arts des décors étaient tout simplement fabuleux.
Et puis, ce fut la douche froide quand j'ai vu la vidéo de l'E3 2012. Il s'agissait de la première fois qu'on voyait véritablement le jeu, et on s'est retrouvé devant une phase de fuite bien fade contre un hélicoptère qui tiraient 50000 balles sans jamais toucher la héroïne. Il y avait quelque chose qui s'était mal passé entre Adrift et Remember Me. Je le sentais mal.

Commençons par les points forts : excepté quelques fautes de goûts, la direction artistique est vraiment réussie, les décors regorgent de détails et les plans qui mélangent Paris et les constructions cyberpunk sont magnifiques. Il y a quelques chapitres où on se retrouve dans des designs SF plus génériques, mais ça reste soigné. On peut dire qu'à ce niveau-là, les artistes de Dontnod ont fait un très gros boulot.
De plus, Alain Damasio a participé à l'écriture du scénario, du coup l'univers du jeu basé sur la revente de la mémoire des gens est intéressant. Cela nous permet notamment de profiter des séquences de memory remix plutôt ingénieuses quoique trop peu nombreuses (quatre dans tout le jeu).

Et puis... c'est à peu près tout en fait. Je dois avouer que je me suis beaucoup ennuyé tout le long du jeu.

La principale activité du jeu est le combat à mains nus. Si le système de combo customisable est sympathique sur papier, en pratique ce n'est pas très intuitif et surtout c'est vraiment très répétitif. Au bout de 2 heures, on finit déjà par se lasser. Le game design est rempli d'idées étranges, comme les coups qui nous soignent ou des nouvelles attaques spéciales qui se débloquent en plein milieu d'un combat sans aucune justification. Et bien sûr, les boss se terminent en QTE, sinon ce n'est pas drôle. J'aurais largement préféré un système de combat comme dans Sleeping Dogs plus intéressant et surtout plus amusant, car les combats ressemblent plus à une corvée dans Remember Me.

Et pourtant, ce n'est rien à côté de l'autre activité récurrente du jeu : la plateforme. Disons-le franchement, c'est ratée. Si le déplacement en soit est plutôt fluide, c'est le manque de liberté qui fait vraiment tache. Le personnage ne peut s'accrocher qu'à l'unique endroit souhaité par le level designer, et histoire d'en rajouter une couche, ils ont même eu la gentillesse de signaler l'endroit avec une flèche jaune qui flottent dans l'air. Déjà que ça enlève toute sensation de liberté et on a juste l'impression d'être une marionnette du level designer, ça créé également des tas de situations frustrantes où on aimerait sauter à un endroit, ou même rien que sauter par dessus un objet haut d'un mètre, mais non. Impossible. Ce n'était pas prévu.

Le reste du temps, on avance dans des suites de couloirs et arènes de 15m². Je ne suis pas un partisan du open world à tout prix, et il existe des tas de bons jeux qui ont pourtant une progression linéaire mais réfléchie. Half-Life en est un bon exemple. Mais l'aventure de Remember Me illustre vraiment bien le concept du "jeu couloir", où la progression se résume à une ligne droite, excepté 2, 3 puzzles vers la fin qui sortent du lot. En plus, c'est rempli de faux appels qui donnent l'impression qu'on peut partir vers une direction mais non, on ne peut pas, ce qui créé juste de la frustration encore une fois. Par exemple, dans le niveau de St-Michel, on voit une grande rue qui s'étend au loin, on commence à y aller. Eh non, 4 PNJ sont assis sur les escaliers en mode "TU NE PASSERAS PAS". Bravo la justification.

Les tutos et autres indications dans le jeu sont agressifs et n'hésitent pas à couper une action en plein milieu s'il a envie de vous raconter quelque chose, souvent pour nous donner un conseil inutile. Ils ont même eu la bonne idée de remplir le décor de toutes sortes de textes en réalité augmenté comme des publicités, des consignes de sécurité etc... Si l'idée en soit est sympa car ça rajoute de la vie au décor, ils ont fait l'erreur d'utiliser exactement la même typographie que les textes des menus, tutos et interfaces, résultat à chaque fois j'ai l'impression qu'il y a une action à réaliser dans le décor, et en fait c'est juste un menu d'une boulangerie où je peux connaître le prix d'un pain au chocolat. Génial.

Et puis pour terminer, la grosse déception se trouve également au niveau du scénario. Je ne critique pas forcément le boulot d'Alain Damasio dont je ne connais pas encore ses œuvres mais qui est visiblement un très bon auteur vu les notes qu'il a sur ce site. A mon avis le problème vient surtout de comment ses écrits ont été transformés par l'équipe de Dontnod. Si le pitch de départ est bien trouvé et la fin conclue plutôt bien l'histoire (quoique les twists paraissent un peu maigres si on a déjà joué à Deus Ex), la progression globale du jeu est mal racontée et surtout la crétinerie des dialogues desservent totalement le scénario. Les personnages sont tous plus fades et clichés les uns que les autres, en particulier les boss qui nous affrontent en balançant des punchlines de cour de récré "je vais t'écraser !" "haha tu me fais pas peur !" "je suis ton dieu !". Le boss dans l'hélico et sa version du petit chaperon rouge, il faut l'entendre pour croire à la nullité absolue des textes. La qualité déplorable de la VF n'aide pas, un comble pour un jeu français. La héroïne non plus ne m'a pas vraiment conquise, je n'ai pas éprouvé spécialement d'attachement et malheureusement ce n'est pas parce qu'on met des scènes de monologues entre 2 chapitres que ça rend forcément le personnage plus intéressant.

Avec autant de potentiels, moyens, idées, Dontnod aurait pu faire un excellent premier projet, plutôt que de finir avec un simili-beat'em-all / Uncharted du pauvre. En dehors de sa jolie direction artistique et son pitch bien trouvé, l'ensemble manque clairement de personnalité et ressemble beaucoup trop à une imitation des autres AAA à succès. Au final, Remember Me n'est ni vraiment amusant à jouer, ni vraiment passionnant à suivre. Quel gros gâchis.

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le 30 déc. 2013

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ThoRCX

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