« In the search of the beat of your heart »

Après avoir développé au cours des années 2010 toute une série de petits jeux indés appréciés mais très peu connus, le petit studio suédois Simogo connaît un meilleur succès, critique et commercial, avec Sayonara Wild Hearts, profitant de la lumière apportée par l’éditeur Annapurna Interactive qui a pu révéler quelques pépites au cours des années précédentes. Ce succès est d’autant plus appréciable qu’il vient pour une proposition assez singulière, un jeu d’adresse où les différentes phases de jeu correspondent à des musiques avec un esthétisme aussi déjanté que coloré. La promesse de cette aventure musicale et esthétique intense m’intéressait donc pas mal et me voici à vous en expliquer mon point de vue au cours de cette critique pendant laquelle je vous recommande l’écoute du formidablement relaxant Begin Again.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★★☆☆



Le choc visuel de Sayonara Wild Hearts s’impose très rapidement : des couleurs flashies déferlant dans tous les sens pour dépeindre des environnements urbains, naturels, virtuels, ésotériques… qui s’entremêlent constamment pour donner vie à une aventure métaphorique dont le récit est si peu consistant qu’il ne mérite pas une session qui lui serait dédié. Autant dire que tout ou presque passe par la réalisation et par la direction artistique, et celles-ci ne manqueront pas de singularité pour y parvenir. Ce sont des sensations qui sont véhiculées, d’abord et avant tout, par le son.


Que ce soit dans les registres relaxants, psychédéliques ou énergiques, l’OST regorge de morceaux ultra efficaces, dans un style assez éclectique mine de rien, parfois très chanté, parfois parfois parfaitement instrumental, pouvant aussi bien reprendre de la musique classique que de partir dans de la techno très appuyée. Je ne dis pas que j’ai tout aimé dans cette OST, clairement pas, mais il y a des vrais pépites et le travail global a été très soigné, ce qui était impératif dans une expérience de jeu qui octroie tant d’importance à la musique. De plus, cette dernière a le bon goût de s’interrompre assez bien pour reprendre très vite avec fluidité après une mort en jeu, ce qui ne gâche rien.


Par contre, le jeu fait en sorte que nos actions et les bruitages sonores qui en résultent concordent avec l’OST mais sans nous laisser la possibilité de la modifier, d’y insuffler nos choix… ce n’était clairement pas la volonté de nous faire participer à la composition, au nous donner au moins le sentiment d’y participer, en complétant par exemple une partie manquante ou en choisissant par nos actions quel son y ajouter plutôt qu’un autre. La musique suit son cours et l’écouter hors jeu ou en jeu ne change pas grand-chose à la seule écoute, honnêtement j’en ai été un peu déçu parce que j’attendais un peu cet aspect-là, mais c’est un choix des développeurs et je le trouve plutôt maîtrisé en l’occurrence.


Pour en revenir au plan visuel, les très nombreuses références visuelles aux jeux vidéo et à la culture geek de manière générale font énormément plaisir, des références souvent subtiles et montrant un vrai attachement à cet univers de la part des créateurs, certainement pas des clins d’œil faciles dénués de sens comme d’intérêt. Ça tend à constituer un univers assez captivant malgré l’absence de scénario à proprement parlé, un univers qui marque par ses folies visuelles et son ambition musicale bien évidemment dans le ton de ces mêmes références.


De plus, la mise en scène en temps réel peut très bien fonctionner en jouant sur la caméra tout en nous laissant au contrôle du personnage, les sensations de jeu n’en sont que meilleures. On peut toujours analyser froidement l’aspect technique et constater que le jeu n’en met pas plein la vue à ce niveau-là, mais les moyens du studio l’explique et aucun défaut technique ne vient entamer l’expérience de jeu, c’est donc plutôt une réussite à mes yeux dans l’ensemble malgré ces quelques limites objectives et quelques légères réserves personnelles.



GAMEPLAY / CONTENU : ★★★★★★☆☆☆☆



Entendons-nous bien sur un constat de première importance : la durée de vie du titre est d’environ une heure. D’un strict point de vue consommateur, ça se justifie tout de même par un prix de lancement assez bas et une communication en toute transparence sur cet état de fait. D’un point de vue créatif, si l’on voit le jeu comme le concept que les développeurs essaient de nous en vanter les mérites, il s’agit d’un album musical dans lequel on a greffé des séquences de jeu pensées pour accompagner et renforcer le travail musical, ça se justifie aussi parfaitement. Je n’ai donc rien à reprocher à cette durée de vie mais par contre il y a du gameplay, il conditionne une grande partie de l’expérience de jeu, je ne vais donc pas me priver pour en évaluer mon appréciation autant que pour la réalisation et l’esthétisme.


Cela permet une certaine variété dans les manières dont le jeu d’adresse prendra forme, de l’évitement d’obstacle, au tir à la cible en passant par la collecte d’objets, difficile de s’ennuyer une bonne partie de l’expérience, le jeu ayant même réussi au cours d’un niveau à y ajouter de la réflexion bien retord. Malgré cette courte durée de vie et cette diversité de mécaniques, il faut tout de même noter également que quelques séquences de jeu sont recyclées et quelques autres sont peu inspirées. Le QTE où tu dois te faire mal pour dégommer la manette le plus vite possible en appuyant frénétiquement sur une touche je ne le supporte pas plus dans une production indé que dans un AAA majeur.


Pour renforcer cette durée de vie, le jeu a recours a 3 choses : du scoring, un mode marathon et des défis cachés. Avec ce système de scoring, il aurait été sympa de pouvoir recommencer en jeu au dernier checkpoint par la pression d’une touche et de zapper automatiquement la cinématique d’intro en début de niveau au cours d’un retry, mais je trouve que les 3 niveaux sont bien fixés et permettent d’apporter une évaluation assez juste de notre performance. Le mode marathon est très clairement la façon la plus agréable de faire le jeu sans se prendre la tête, en ne quittant jamais cette ambiance, j’aurais juste aimé qu’il soit disponible dès le début.


Enfin, les défis cachés sont d’une pertinence assez inégale. Ils peuvent présenter des facteurs de difficultés supplémentaires intéressants, comme chercher à frôler des obstacles, faire le minimum de points possibles... Certains sont tout de même d’une inutilité assez déconcertante, comme mettre 12 fois la pause de suite, quel intérêt ? Sans reprocher cette durée de vie fondamentalement, je pense qu’il y avait un peu mieux à faire dans la répartition des modes de jeu et dans les petits défis annexes qui s’y associent, mais ce n’est que du détail sans grande importance, mais malheureusement ce ne sont pas les seuls.


Les déplacements peuvent manquer de précision alors que celle-ci sera exigée pour le scoring, la courbe de difficulté a ses hauts et ses bas sans grande cohérence, la durée des séquences varie sans grande logique, les chemins alternatifs se ressemblent beaucoup… aucun de ces défauts n’est réellement grave mais quand on en dresse le tableau récapitulatif il faut bien admettre que le game-design n’est pas parfaitement maîtrisé, ce que l’on pourrait tout de même espérer sur une si courte durée de vie. Et vous avez-là tous les éléments pour comprendre ma position ambivalente sur ce titre.



CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆



Sayonara Wild Hearts est une très belle réussite visuelle et musicale d’un côté, un gameplay auquel il manque maîtrise et générosité de l’autre, ce concept assez original d’album interactif pouvait sans doute faire encore mieux mais il n’en reste pas moins une expérience plaisante à souhait que je pourrai vous recommander facilement s’il pique votre curiosité. Annapurna ne s’y est pas trompé et confirme encore un peu plus avec ce titre son statut de petit éditeur à suivre de près.

damon8671
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le 6 nov. 2021

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