Ah que je l'attendais celui-là... Survenu près de trois après la somme soulienne Dark Soul III, Sekiro : Shadows die twice est le nouvelle réalisation de Hidetaka Miyazaki, nouvelle star parmi les cieux vidéoludiques.


Sekiro, étonnamment, commence par un mensonge, et grossier celui-là : son titre. En effet, l'ombre ne mort pas deux fois, mais bien des centaines voire des milliers de fois pour les plus faibles d'entre nous. En effet, le nouveau titre de From Software, qui a eu l'insigne honneur non voulu de rattacher le titre d'un de ses jeux à un nom devenu commun ("darksoulisation" et j'en passe) est un titre qui a fait polémique pour son extrême difficulté, notamment dans sa version 1.0 (celle à laquelle j'ai jouée). Je reviendrai plus tard sur ce sujet.


Alors, Sekiro, c'est quoi ? Sekiro, c'est le Tenshu du turfu, revisité par ses propres créateurs mais c'est pas Dark soul. Ah oui, j'ai oublié de dire que ça n'a rien à voir avec Dark Soul. Et j'aimerais ajouter que Sekiro, nouvelle création de From Software, n'a à voir ni de près ni de loin avec la série des Souls. Qu'on se le dise.


Car, même si il y a évidemment des similitudes avec la fameuse série, Sekiro est clairement différent dans son approche, tant par le gameplay qu'il propose que par le level design, beaucoup plus vertical ici ou même l'histoire, pour une fois compréhensible sans devoir passer des heures sur un wiki.


Sekiro, c'est une certaine idée du jeu vidéo : une vision radicale de ce medium, clairement sans concessions. Si peu transigeant qu'on se demande bien pourquoi un jeu comme celui-ci a pu avoir autant de succès commercial. Pas de contresens : Sekiro n'est pas réservé à une élite ou autre débilité de ce genre, mais clairement à des joueuses et joueurs (très) pugnaces. Si le titre au début se montre assez gentil avec un peu de sagacité et de dextérité, il prend un tournant radical vers le dernier tiers du jeu, qui devient alors vraiment très dur. Couplons cela au fait qu'il n'existe pas de coopération sur le jeu et nous voilà seul.e.s face à nous même : un visage fait de sang et de sueur.


Évidemment, il y a beaucoup d'exagérations. En effet, si le titre se démarque par sa difficulté, il faut garder en tête qu'il n'est pas plus compliqué qu'un shoot em up (Cuphead par exemple) ou que des titres de rythme (Crypt of the Necrodancer par ex). Et c'est cette analogie qui me semble pertinente : Sekiro est plus un jeu de danse que de combat, un jeu de rythme, une capoeira macabre où seuls l'entrainement et l'abnégation viendront au bout de la chorégraphie proposée. Chorégraphie libre de créativité, mais chorégraphie tout de même : les pattern des boss sont implacables, il faudra, pour la plupart, et même pour les mobs de base, les apprendre par coeur. La créativité pourra elle s'épanouir grâce aux prothèses de notre main droite et aux arts de combat, sorte de techniques qu'on sortira de temps à autre lors d'une ouverture afin de lacérer tel un vent lugubre notre adversaire de moins en moins sémillant. *


Et je crois que c'est ça Sekiro : c'est un jeu sur la grâce. Miyazaki, lorsqu'il parle des personnages qui sont dans les souls parle de la dignité. En effet, les personnages des souls sont toujours dignes, on toujours une sorte de prestance qui, même s'ils ont l'air d'une sorte de gros asticot zombie ont ce petit truc qui font d'eux quelque chose... de beau. Ici, c'est la grâce. Grâce des mouvements, grâce des paroles et de la retenue. Sekiro, il effleure, il ne plante pas pas. Sekiro est caractéristique par le son des lames qui se croisent, pas par celui du ventre qui se déverse. En somme Sekiro, c'est un hommage purement vidéoludique aux film de sabres japonais. Une sorte de quintessence par le gameplay des chambaras. Un cri d'amour à toute une strate de la culture japonaise.


Ajoutons à cela que le jeu offre un level design de très très très haut niveau, même si moins spectaculaire dans ses embranchements que Dark Soul I, qui reste pour moi la référence. Que ce soit les maisonnées dispersées ci et là sur les flancs d'une colline, un château dantesque qui domine le monde alentour ou encore un petit village de pêcheur trouvé en bas d'une vallée mortelle faite de falaises abruptes et de flancs escarpés, le travail des équipes de From Software est tout simplement somptueux. Et la somptuosité, l'intelligence de ce level design sont confortées par une générosité à l'égard les personnes qui explorent. Cet aspect là des jeux FromSoftware de l'ère Miyazaki est ici essentiel afin de découvrir certains des secrets du jeu. Cependant, a contrario d'un DS III complètement maboul par la diversité des environnements qu'il propose, Sekiro reste assez pingre à ce niveau jusqu'aux deux tiers du jeu.


Pour terminer plaçons quelques mots à propos de l'histoire. L'ensemble des articles de presse notent une histoire beaucoup moins cryptique que ce à quoi on est habitués chez from software. Cela est évident et c'est dû, à mon sens, au fait que l'univers de Sekiro est paradoxalement moins riche que celui des souls. Non pas que Sekiro souffre d'un univers faiblard, mais la "dark dantasy" des souls ouvre, par la richesse picturale et architecturale, par la diversité des armes et des objets intrinsèques à ce genre plus de mystères à élucider, d'hypothèses à mettre sur pied, d'informations à corréler. En bref, là où les souls ont un univers aussi riche que l'imagination des joueurs et des mondes cryptiques, Sekiro propose quelque chose qui est ancrée culturellement et plus ou moins connu de nous toutes et tous, ce qui laisse évidemment moins de marge à l'élaboration d'une histoire qui doit s'inscrire dans un carcan. Reste que c'est plaisant à suivre, qu'il y a tout de même quelques énigmes retorses (le riz) et quelques personnages très marquants par les évocations qu'ils subodorent, la poésie qui s'en dégage (O’Rin de l’eau, plus belle bosse du jeu pour moi, mais qui se fait ratatiner en moins de deux, outch).


Dans l'ensemble, Sekiro est un chef d'oeuvre. L'oeuvre de Miyazaki et des équipe de From Software nous montre une nouvelle fois tout leur savoir faire en matière d'ambiance, de level design, et d'architecture, de gameplay jouissif une fois maîtrisé, à même de faire passer le japon féodal de Nioh pour une réplique en polypocket. Sekiro, c'est un jeu sur la grâce, fait avec grâce, qui doit être joué avec grâce. C'est un jeu profond sur l'histoire d'un homme obtus, droit, loyal jusqu'à l'absurde. Sekiro est une proposition radicale, qu'il fait plaisir de voir en haut des ventes, tant on pouvait se demander, depuis quelques années, si des idées aussi extrêmes, holistes que celle ci pouvaient avoir une place dans le cœur des joueuses et joueurs. Même s'il suscite moins l'imagination que les précédents jeux de From Software, l'univers envoutant de ce chambara vidéoludique est d'une finesse sans égal jusqu'ici. Sekiro est un grand jeu, qui pour ma part me marquera durablement.



  • Ajoutons à cela qui le jeu est rendu plus "simple" grâce à un coût pour le sprothèse moins élevé et un rééquilibrage du jeu pour le rendre moins complexe (coucou le HIBOU DE ******* !!!). N'ayant joué qu'à la 1.0 (sans pouvoir mettre à jour), il m'est difficile de savoir si c'est effectivement le cas.

batche
9
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le 27 mai 2019

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batche

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