La bonne volonté ne fait pas tout

Projet risqué que ce Shadwen, qui a la lourde tâche de redorer le blason de Frozenbyte, terni par un Trine 3 incomplet et fort décevant pour les amateurs de la série. Le titre propose d'incarner Shadwen, une assassin en route pour zigouiller le roi d'une contrée médiévale imaginaire, et qui embarque bien malgré elle, par un truchement scénaristique absurde et expédié, une petite fille qu'il s'agira de guider de cache en cache à travers des niveaux infestés de gardes.

Conçu comme un jeu d'infiltration - avec les mécaniques habituelles de discrétion, un jeu sur la verticalité grâce à un grappin tout droit sorti de Trine et des gadgets à débloquer et crafter progressivement -, Shadwen se dévoile finalement rapidement comme un puzzle-game plutôt qu'un jeu d'action, tant l'unique objectif consiste à analyser l'environnement (des zones de moyenne envergure qui évoluent à mesure de notre avancement au sein de la cité royale) afin de dégager un passage pour l'enfant, qui devra avancer de tas de foin en buisson au gré de nos assassinats et / ou de nos diversions. Le joueur comprendra très vite que les gardes remplissent la seule fonction de barrière pour la petite fille, et qu'il lui incombera de détourner leur attention (au moyen du grappin, qui peut attraper / faire tomber des caisses et tonneaux) ou de les assassiner (avec le risque de choquer l'enfant, ce qui garantira une fin alternative) pour permettre à l'intelligence artificielle de contourner ces obstacles sans être repérée, et accéder à l'autre bout de la zone, afin de débloquer l'accès à la suivante.

Graphiquement soigné (on connaît la maîtrise esthétique de Frozenbyte) et disposant d'un moteur physique permissif, Shadwen pêche malheureusement en plusieurs points, au premier rang desquels l'intelligence artificielle. S'il est finalement logique que les gardes adoptent rigoureusement tous le même comportement (après tout, ils ne sont que des obstacles génériques), celui-ci est terriblement laxiste, et il n'est pas rare de voir la fillette passer sous leurs yeux sans provoquer la moindre réaction. Là où le joueur a l'interdiction totale de se faire repérer sous peine d'une exécution sans sommation, la gamine gambade sans aucune précaution et rend souvent les conséquences du travail de Shadwen très aléatoires.

Si la gestion du grappin, très maladroite, est excusable car elle permet quelques instants de grâce au milieu de la confusion générale, l'on ne peut passer sous silence la répétitivité des mécanismes et des obstacles proposés au joueur, qui ne se renouvellent pratiquement jamais. A l'exception du rajout de gardes en armure lourde à la moitié du jeu (qui ne peuvent être attaqués au corps à corps et ne sont sensibles qu'aux attaques aériennes), jamais le titre ne fait évoluer son challenge en modifiant son level design ou ses ennemis.

Enfin, un mot de la narration, dont je me suis longtemps demandé quelle(s) conclusion(s) allaient pouvoir apporter les développeurs à une mise en place si bancale. Disons simplement que si l'entame du jeu vous a semblé expédiée et fort peu cohérente, les différentes fins ne devraient certainement pas vous faire changer d'avis.

Si Shadwen se termine en un peu moins de six heures, ce qui en fait un titre relativement court, la grande répétitivité des situations et des objectifs rend paradoxalement le tout trop long pour le joueur, qui aura sans nul doute aperçu la bonne volonté des développeurs et le potentiel du jeu, mais n'aura pu qu'effleurer ces qualités, avant de sombrer dans un ennui dommageable pour ce titre sympathique mais clairement pas indispensable.