Silent Hill 2, j'y ai joué, enfin. Quel curieux mélange de déception et de fascination m'envahit.
Je pourrais faire une blague sur la distance d'affichage ridicule, sachant que si le jeu ne vous permet pas de voir à plus de deux mètres devant vous dans le brouillard, c'est exprès. Et au fond, tout tourne autour de ça : une forme d'ascèse. Il y a beaucoup de leçons à en tirer aujourd'hui, que les possibilités vidéoludiques semblent sans limites.
L'univers, bizarrement, est bien moins riche que le premier opus. Beaucoup d'ambiance ici, mais une mythologie qui ne reste qu'à l'état d'ébauches : on rencontre des personnages inquiétants, mais ils ne semblent pas liés entre eux de manière aussi cohérente que dans le 1 : la ville rend juste les gens fous, voilà tout.
L'action est également moins trépidante, et le système de la sirène qui fait apparaître la face sombre de la ville n'est au fond que peu exploité. Quant au principal antagoniste, Pyramid Head, sa dernière confrontation est quelque peu décevante. On ne trouvera pas non plus de moment d'horreur indicible, comme les écoliers zombis qu'il fallait tuer dans le 1 (un moment que quiconque a joué au 1 en version US se rappelle).
En terme de jouabilité, c'est toujours aussi dégueulasse. Le personnage est lent, le maniement des armes est laborieux, les énigmes sont parfois cryptiques, le jeu repose sur les allers-retours (mais de mémoire moins que le 1). Le jeu est linéaire, avec un certain nombre de murs invisibles. Aujourd'hui on ferait bien mieux en termes d'affordance.
Et pourtant, quelle réussite ! Car ces moments que vous allez passer à douter, à chercher votre chemin, sont parfaitement dosés. Et ces textures monotones, ces chambres qui semblent se ressembler, ces couloirs aux cloisons lépreuses dans lesquels vous courrez avec un sentiment claustrophobique, c'est la parfaite illustration en jeu vidéo d'une sensation d'enfermement qui vous sera familière pour peu que, pour une raison ou une autre, vous ayez fait ce genre de cauchemar dans votre vie.
Et la lenteur molle des combats, c'est exactement la même sensation d'impuissance propre aux cauchemars. Celle de ne pas arriver à accomplir ce qu'on voudrait. Je sais, dis comme cela, on dirait une justification facile, mais je veux croire que c'est le fruit non pas d'une paresse, mais d'une bonne maîtrise des impératifs techniques.
Et tout fait sens, dans ce jeu. L'orientation étrange de la tête du héros, tournée vers un objet à ramasser présent dans la pièce, a quelque chose de profondément angoissant, sans grands effets. Les nombreuses portes fermées, que l'on ne pourra jamais ouvrir, comme autant d'impasses psychologiques. De même, les sons minimalistes de l'interface, l'absence de musique et ces bruitages de pas, qui vous font sursauter quand vous passez sur du gravier, le très beau thème de Promise, à jamais mémorable : c'est du beau travail.
On peut surtout reprocher à Silent Hill 2 de ne faire que suivre la voie ouverte par le premier opus, mais quelle maîtrise dans la reprise et le dosage des éléments ! On obtient un titre mémorable, digne du panthéon du jeu vidéo.
Si comme moi vous y jouez de nuit, seul dans une maison qui fait des bruits, avec des chiens qui hurlent dehors, vous avez les conditions optimales pour profiter d'un monument vidéoludique.
Sa place est dans un musée.