Il y a bien longtemps, dans une galaxie qui n’a jamais semblé aussi lointaine, le simple fait d’appartenir à telle ou telle entité sexuelle, ethnique ou démographique ne suffisait pas à faire d’un(e) Jedi « da bestest evah », « le plus meilleure de tout lè temps » : cela se méritait. Et c’est précisément cette opportunité qu’offrait Jedi Academy, troisième et dernier volet de la série Star Wars : Jedi Knight.


En ce temps-là, béni entre tous, Lucasarts, filiale jeux vidéo de la société de production de George Lucas, était à son zénith : surfant allègrement sur la vague des trois nouveaux films de la Prélogie, elle alternait entre simulation aérospatiale (Rogue Squadron III), stratégie en temps réel (Galactic Battlegrounds), course (Racer), tir à la première et troisième personne (Battlefront, Republic Commando) et même, pour la première fois, RPG (KOTOR) et MMORPG (Galaxies), à travers toutes les consoles disponibles à l’époque et presque à chaque fois avec succès. Jedi Academy, lui, explore pour sa part ce qui est sans doute le concept le plus propre à l’identité même de Star Wars : la simulation de combat au sabre-laser.


Trop belle et profitable pour être longtemps ignorée, l’idée n’était pas nouvelle : le premier Jedi Knight, intitulé Dark Forces II car suite directe du « 1st person shooter » Dark Forces, l’avait introduit dès 1997 par l’intermédiaire de son protagoniste Kyle Katarn, un agent rebelle devenu Jedi pour venger son père assassiné par l’Empire galactique. Alliant la personnalité hors-normes de son héros, véritable croisement entre l’inspecteur Harry et Chuck Norris à la sauce SW, à une technologie de jeu alors révolutionnaire, Jedi Knight fut un triomphe immédiat, qui appela deux suites : le pack d’expansion Mysteries of the Sith sorti en 1998, en guise de mise en bouche pour l’impressionnant Jedi Knight II :Jedi Outcast quatre ans plus tard. Souvent classé dans le top 10 des meilleurs jeux Star Wars, Outcast se payait le luxe d’étoffer aussi bien la personnalité de Kyle Katarn que les possibilités de combat au sabre-laser sur console. La barre était mise très haute.


Ainsi n’est-ce donc sans doute pas un hasard si le jeu suivant, Jedi Academy, sorti une petite année plus tard, n’est pas titré Jedi Knight III. Mis sous pression de le terminer avant l’hiver 2003, le studio se contenta de reprendre le moteur graphique et les mécanismes d’Outcast, tout en s’assurant de développer leur potentiel au maximum. C’est ainsi que l’accent fut mis sur le gameplay, aux dépens du scénario, qui reprend dans les grandes lignes celui de son glorieux prédécesseur : une secte de Jedi Noirs s’allie aux Vestiges de l’Empire, et il revient au Nouvel Ordre Jedi fondé par Luke Skywalker de les arrêter. Pour l’originalité, on repassera. À une exception près, et elle est de taille : le joueur n’incarne plus Kyle Katarn, mais son apprenti, Jaden Korr, jedi novice venu rejoindre l’académie Jedi de Luke sur Yavin IV !


En effet, l’un des principaux arguments de vente de Jedi Academy, très en vogue alors que World of Warcraft s’apprêtait à conquérir le Monde, consistait en la personnalisation de son personnage principal : ainsi, vous pouvez non seulement choisir de faire de Jaden un homme ou une femme, mais aussi un(e) Humain(e), une Zabrak (la race de Dark Maul), une Twi’Lek (celle de Hera Syndulla, Aayla Secura et bien d’autres), un Kel Dor (comme le Maître Jedi Plo Koon) ou un Rodien (« Greedo, mais tu tombes à pic ! »). Comme si cela ne suffisait pas, le manche et la couleur (bleue, verte, jaune, orange ou mauve) du sabre-laser sont également personnalisables. Enfin, l’éventail des pouvoirs de la Force s’est également agrandi, et les joueurs à l’âme la plus sombre peuvent s’ils le souhaitent frayer avec le Côté obscur de la Force, au travers de la strangulation et des éclairs popularisés par Dark Vador et Dark Sidious respectivement.


Attention, Jedi Academy n’est pas pour autant un RPG ; la route est encore longue jusqu’aux possibilités de gameplay et d’interaction de KOTOR. Hormis les pouvoirs susmentionnés (et deux autres, Rage de Force et Drain de Vie), le choix du Côté obscur ne joue de rôle qu’en fin de partie, comme cela avait déjà été le cas six ans plus tôt dans Dark Forces II. L’ennui, c’est que quelles que soient les décisions du joueur, Jaden Korr a la personnalité d’un mollusque Wol Cabasshite. Les méchants sont tout aussi insipides, loins de leurs glorieux prédécesseurs Desann et Jerec (aaaah, le cabotinage de Christopher Neame), tandis que le sidekick Rosh Penin est l’un des abrutis les plus horripilants à jamais avoir peuplé la galaxie Star Wars, qui n’en est pourtant pas avare.


Résultat : seules les interventions du grand Kyle Katarn, toujours doublé avec humour et badassitude par Jeff Bennett (« Primo, appelez-moi Kyle, j’ai horreur des chichis »), apportent un peu de vie aux scènes d’animation intermédiaires. Une alternance de jeu entre Jaden et Kyle aurait sans doute permis d’impliquer un peu plus le joueur, mais comme je le disais tantôt, au moins ce dernier peut-il profiter du plaisir d’un gameplay immaculé.


Et quel plaisir ! Comme promis par Lucasarts, les techniques de simulation du combat au sabre-laser, perfectionnées par Jedi Outcast, ont été boostées pour Academy : arrivé aux deux-tiers du scénario, le joueur peut choisir de conserver un unique sabre-laser (mais avec de nouvelles formes de combat, qui modifient les mouvements et les aptitudes de Jaden) ou bien de se battre avec un sabre à deux lames (comme Dark Maul) ou deux sabres-laser, comme Anakin brièvement à la fin de L’Attaque des Clones. Les adversaires sont également équipés de la sorte, ce qui permet aux phases de combat de ne jamais devenir rébarbatives ni répétitives.


Les armes de tir ne sont pas en reste, histoire de rendre hommage aux racines 1PS de la série : les blasters E11 des stomtroopers impériaux peuvent être ramassés, tandis que le lance-missile, le disrupteur Tenloss et le fusil à concussion permettent de varier un peu les plaisirs. D’ailleurs, la mission sur Dosunn au niveau 2 interdit l’utilisation du sabre-laser, donc il faudra bien vous entraîner au tir à un moment ou à un autre, car les stormtroopers ne sont pas toujours aussi maladroits que dans les films ou dans la série The Mandalorian ! À noter également, toujours dans un souci d’originalité, la course-poursuite en speeder-bike sur Zonju V, pur moment de joie.


D’une manière générale, le mot « rébarbatif » n’appartient pas au vocabulaire de Jedi Academy. Tout est fait pour divertir et stimuler le joueur, surtout si ce dernier est déjà un fan de Star Wars. C’est pourquoi une attention toute particulière a été apportée aux environnements de jeu, absolument somptueux. Jedi Outcast comptait huit cartes, assez longues et linéaires (un peu moins d’une heure chacune) ; son petit frère n’en contient « que » cinq de la sorte (Yavin IV pour l’entraînement, Hoth, Vjun, Taspir III et Korribban), mais aussi pas moins de quinze cartes secondaires, dont la durée va d’une dizaine de minutes à 1/2h-3/4h.


Toutes sont extrêmement soignées, qu’elles soient inspirées par les films ( la Base Echo de Hoth dans L’Empire contre-attaque, recréée au stalactite de glace près, les canyons de Tatooine où Jaden affronte des Hommes des Sables...), d’autres récits de « L’Univers Étendu », comme c’est le cas avec la forteresse de Vador sur Vjun (vue dans les comics L’Empire des Ténèbres) ou le tombeau des Seigneurs Sith sur Korribban, ou bien créées de toutes pièces pour l’occasion : mentions spéciales au tramway de Corellia, à la station aérienne de Kril’dor ou encore à l’ambiance mystique des souterrains de Chandrila.


Ce n’est pas encore de « l’open world », mais tous ces environnements sont extrêmement dynamiques et interactifs, en plus d’être variés et visuellement plaisants. Attention à la rêverie, cependant : des stormtroopers, chasseurs de prime, mercenaires et même parfois des Rancors vous attendent à tous les coins de rue ! À noter, outre un Luke Skywalker bien plus proche de son apparition épique dans The Mandalorian que de sa version barbue et déprimée de Les Derniers Jedi, la participation de d’autres chouchous des fans, tels Chewbacca et Boba Fett.


Contenter les fans, tout autant que les gamers, semble de façon générale avoir été l’un des objectifs principaux de Lucasarts avec Star Wars : Jedi Knight - Jedi Academy, et je veux bien être jeté en pâture au Sarlacc si le studio de George Lucas n’y est pas parvenu de la plus belle des façons. Ressuscité il y a un petit mois par Disney désireux de faire fructifier son investissement et de se séparer du controversé EA, espérons qu’il se trouve bientôt en mesure de renouer avec l’état d’esprit qui l’avait vu engendrer pareils petits bijoux, à une époque où, contrairement à ce que la PDG de Lucasfilm se plaît à affirmer, la Force était à tout le monde…

Szalinowski
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le 17 févr. 2021

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