Le genre zombie , revenu en grande force à la fin des années 2000, a déjà essaimé tous les genres et tous les médias. On en a eu en littérature (World War Z), en séries télé (The Walking Dead), sans parler des innombrables et plus traditionnels films d'horreur. Le jeu vidéo n'est pas en reste et a servi du zombie dans tous les genres: réaliste (Dead Island), coopératif (left 4 dead), beat'em'all burlesque (Dead Rising), sans parler de l'adaptation de Telltale. Il y a eu du bon et du mauvais. The Last of Us est indéniablement dans les très bons.


Le pitch de départ reprend les canons initials du genre: une épidémie ravage l'humanité et crée des millions de morts (sauf qu'ici, ce n'est pas un virus mais un champignon). Mais aucune analyse globale ici à la manière de World War Z: le jeu ne se situe que du point de vue individuel des personnages qu'il met en scène. Et c'est un parti pris qui fait toute sa force: le propos du jeu n'est pas de nous parler de l'humanité, mais bien de l'humain qui tente, malgré l'effondrement de son monde, de survivre malgré tout.


Précisément, le jeu suit les pas de Joel, rescapé de cette première vague de mort. Le jeu commence lors de l'effondrement de son monde juste le temps d'un prologue, mais qui est capital pour comprendre la psychologie du personnage, la cicatrice qu'il va traîner tout au long de l'histoire et qui, subtilement, déterminera ses actions envers Ellie. Ellie, c'est la jeune adolescente (14 ans) qu'il va devoir accompagner dans un périple à travers les Etats-Unis dans l'espoir fugace d'apporter un remède à l'humanité que porterait la fillette.


Tel est l'essence de The Last of Us: raconter un voyage initiatique qui viendra transformer ceux qui l'accomplissent, tant en eux-même que dans leur relation réciproque. Ce voyage sera rythmé par des rencontres, tantôt amicales, tantôt hostiles, bien que la séparation entre les deux ne soit jamais vraiment très claire. Voilà une autre force du jeu: nous présenter des personnages authentiques, sans tomber dans la caricature. Il en va ainsi dans personnages adjuvants (qui peuvent se révéler particulièrement paranoïaque ou lâches) que des antagonistes: le chapitre de l'hiver, qui renvoie Joel et Ellie à leurs propres fautes morales, est particulièrement réussi de ce point de vue. Les protagonistes eux-même n'échappent à la critique: loin d'incarner le héros désintéressé, le personnage de Joel est extrêmement ambigu d'un point de vue moral. Et si, au début du jeu, Ellie peut incarner l'innocence de la jeunesse, elle perdra très vite ce trait pour construire une personnalité bien plus complexe.


La relation entre Ellie et Joel se situe au centre du jeu, mais le changement est subtil, jamais asséné avec de lourds sabots ou de séquence à la "regarde comment on a changé". L'évolution se fait pas à pas, par petites touches. Il faut saluer le travail artistique réalisé sur les animations de ce point de vue: l'impression d'avoir en face de soi des personnages vivants, et non pas de simples maquettes animées, est extrêmement bien rendue et sert particulièrement bien le récit (bien mieux encore pour Ellie que pour Elizabeth dans Bioshock Infinite).


Comme dans tout voyage, c'est plus le chemin parcouru qui importe que la fin. Il faut pourtant s'arrêter sur la conclusion tant elle est, à défaut d'être scénaristiquement surprenante, originale pour un jeu vidéo. Enfin arrivés au terme de leur voyage, on réalise (mais c'était déjà sous-entendu) que l'opération visant à extraire de l'organisme d'Ellie un éventuel vaccin sera fatale à celle-ci. Sacrifiant son amour égoïste à l'espoir pour l'humanité, Joel massacre les derniers survivants de la résistance, y compris les médecins, et sauve Ellie. La dernière scène du jeu est très forte puisqu'il s'agit du mensonge que fait Joel à Ellie, les yeux dans les yeux (ce sont les derniers mots prononcés). C'est un happy end (Ellie est sauvée) mais de façade, puisque tout le voyage aura été vain, sacrifiés aux intérêts égoïstes de Joel qui ne voulait plus perdre la seule personne qui a pu rallumer en lui un amour perdu depuis la mort de sa fille.


Un mot encore sur la technique, même si tout le monde le sait: les Uncharted étaient beaux, The Last of Us est très beau. Ce n'est pas que de la prouesse technique mais aussi une direction artistique cohérente, fouillée, et un partis pris finalement assez rare dans un environnement post-apocalyptique. Pas de ton gris ou bruns ici: dans The Last of Us, la nature a repris ses droits, et les environnements y sont lumineux, la végétation luxuriante (très belle scène à Salt Lake City avec les girafes). Notez d'ailleurs que ce n'est pas un openworld.


Le seul point faible du jeu réside peut-être dans les combats qui, bien que pas désagréables, restent très classiques par rapport aux Uncharted, malgré une petite dimension infiltration. On peut cependant noter que à l'inverse de ces derniers, le jeu fait une grande part à l'exploration et la contemplation et ne se contente pas d'enchaîner les combats de scène en scène. Il faut remarquer d'ailleurs à cet égard que - et cela sert le scénario - il y a presque autant de combat contre les humains que contre les infectés.


Au final, je retiens que The Last of Us a été l'un des jeux vidéos les plus intelligents, les plus subtils et les plus vrais auquel j'ai joué ces dernières années. Cela fait du bien et montre que, pour peu qu'on (le public comme les éditeurs) arrive à sortir des clichés, ce medium a un très bel avenir.

FullLegal
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le 26 avr. 2015

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