« Dommage de s’asseoir sur quelque-chose d’aussi joli »

Après le relatif succès commercial et critique de Uncharted 1 Drake’s Fortune, le temps est venu pour la saga de connaître la consécration avec sa suite directe, toujours développée par Naughty Dog et dirigée par Amy Hennig pour le compte de Sony. Clairement en train de devenir une nouvelle licence forte pour son éditeur et sa machine, cet épisode marquera un tournant qui n’échappera à personne de par sa renommée et je vous propose de découvrir si je partage pleinement cet engouement ou non en écoutant Desperate Times pendant la lecture de cette critique.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 9 / 10



La première séquence de jeu montre déjà tous les progrès de Naughty Dogs en matière de mise en scène en temps réel de par l’utilisation très pertinente et élaborée des scripts, des angles et des mouvements de la caméra... et ça se combinera par la suite de façon assez audacieuse à des phases de jeu dynamiques à souhait comme une fusillade dans un immeuble qui s’effondre avec les meubles qui virevoltent, le sol qui s’incline... En matière de sensations de jeu, Uncharted 2 s’inscrit comme une nouvelle référence dans le milieu des AAA, pas seulement de 2009, mais de toute la septième génération de consoles, ce qui je pense est une des raisons premières de sa popularité.


D’ailleurs, ça sera l’un des axes de communication premiers des développeurs qui multiplieront les extraits de ses séquences pour promouvoir leurs titres de cette saga par la suite comme des money shots dans le milieu du cinéma. Un autre point sur lequel ils peuvent communiquer tant ils savent que c’est devenu une de leurs forces, c’est que l’on voyage beaucoup plus que dans le premier épisode, dès les premières heures on passe par Istanbul, par Bornéo, par le Népal... de quoi varier les plaisirs et alterner assez bien entre des environnements urbains classiques et des environnements plus exotiques, en particulier sur la fin. On est jamais trop dans un registre ou dans l’autre avec une évolution assez cohérente des décors pourtant très différents dans leur couleur dominante.


Par delà ses qualités visuelles évidentes, encore mieux servies dans la remasterisation sur PS4 bien sûr, Uncharted 2 profite d’une multitude de qualité techniques qui cumulées témoignent d’une réalisation exemplaire de la Playstation 3 et dans le contexte de son époque. Les animations, notamment de Nathan, sont plus nombreuses, plus décomposées et plus en adéquation avec l’environnement. Les visages des personnages sont plus détaillées et leur animation faciale plus vraisemblable. On voit un soin du détail très minutieux avec la neige qui se dépose sur la tenue de Nate selon s’il ne fait que marcher dessus ou rouler dedans, les traces au sol qui sont assez détaillées et qui restent en mémoire...


Greg Edmonson rempile en tant que compositeur et fournit un travail d’une qualité encore supérieure à ce qui l’avait pu délivrer dans le premier épisode. Les musiques s’inscrivent très bien dans les différents moments du jeu qui permettent de transcender les passages les plus intenses, de dynamiser les combats, de détendre lors des passages contemplatifs... Les instruments de musique utilisées peuvent aussi être choisies pour illustrer ces moments, avec des instruments traditionnels aux cultures auxquelles les séquences pourront faire référence, ce qui est très appréciable.


Après, quand on est aussi pointilleux que je peux l’être pour trouver des défauts mineurs, on remarquera tout de même certaines faiblesses techniques anodines. Par exemple, on ne peut pas interagir avec une grande partie de l’environnement très clairement séparé entre ce qui est prévu d’être détruit ou bousculé et le reste qui restera impassible à nos tirs, grenades... De la même manière, il est toujours impossible de péter des lampes allumées pour modifier un éclairage. Rien de bien grave bien sûr, mais ça me permet tout de même de justifier une sous-note qui ne sera pas maximale sur ce plan-ci, je trouverai par contre des limites un peu plus importantes pour mes autres catégories.



GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10



Si le premier Uncharted abordait un gameplay largement perfectible, cette suite profite de plein de petites améliorations bienvenues de ses différents éléments de gameplay, qui restent fondamentalement les mêmes. Le positionnement des ennemis est plus logique, les énigmes sont plus longues et mieux élaborées avec des indices plus subtils mais toujours efficaces, le corps-à-corps est un peu mieux implémenté, on a une meilleure lisibilité des éléments avec lesquels interagir lors des parkours, l’IA est un peu plus évoluée avec une phase de recherche plus évidente entre le moment où ils ignorent complètement notre présence et celui où ils nous ont repérés...


Néanmoins, des problèmes fondamentaux demeurent et malgré quelques passages où l’on peut opter pour un chemin ou un autre dans un même couloir, quelques arènes assez grandes laissant vraiment la possibilité de choisir son positionnement et ses déplacements en leur sein sans se faire canarder de tous les côtés en difficile, on a un level-design toujours aussi étriqué et incroyablement dirigiste une grande partie du temps. C’est moins problématique qu’auparavant mais ça reste un plafonds de verre auquel se heurte le jeu pour être vraiment excellent d’un point de vue ludique de mon point de vue.


Une autre limite, c’est la gestion de l’IA alliée qui est très basique, pas moyen de gérer leurs actions un minimum alors qu’on est beaucoup moins souvent seul lors des fusillades et qu’elle joue un rôle important en tant que bot immortel. En difficile, une technique dont j’ai un peu abusé, c’est de laisser les ennemis s’acharner sur mes copines et s’approcher d’elles pour balancer une grenade dans le tas, sachant qu’elles n’en seraient pas impacter. Ils n’ont pas réussi à rendre l’IA alliée suffisamment évoluée pour se permettre qu’elle puisse mourir, et pour que ce ne soit pas que des figurants ça offre une aide qui déséquilibre les intentions originales du jeu ; ça manque de maîtrise.


Bon là je vais chercher des défauts qui ne sont pas très problématiques, mais ça me permet de montrer que le résultat final n’est pas aussi excellent qu’on pourrait le croire vu le succès phénoménal du titre. Sinon, le gameplay est aussi l’occasion de retrouver quelques situations qui en rappelleront d’autres de Naughty, comme les lasers qu’on esquive avec des roulades issus de Jak 2, ou bien évidemment une fuite dans un couloir en avançant face à la caméra comme le Boulder Dash de Crash 1. Cet intérêt qui n’est pas vraiment ludique, illustre aussi pour moi que ce n’est pas là que le titre avait ses plus grandes ambitions, comparé aux moyens qu’ils ont investi dans leur sens de la mise en scène notamment.


Afin de pleinement se concentrer sur l’amélioration de la qualité des séquences et comme Uncharted 1 s’inscrivait dans une durée d’une petite dizaine d’heures déjà tout à fait satisfaisante pour son genre, le contenu n’est pas spécialement plus généreux dans cette suite, en dehors d’un mode multi qui ne m’a jamais bien intéressé, mais ce n’est pas bien grave. Ce qui est peut-être un petit peu dommage c’est que le même système de trésor à collecter de challenge supplémentaire par les modes de difficulté sont tout ce qui peut justifier une rejouabilité qui n’est pas bien grande. Ces réserves émises ici et là qui font que j’apprécie les améliorations du gameplay sans les trouver exceptionnelles, on va retrouver aussi cet état d’esprit dans la partie plutôt scénaristique de cette critique.



SCENARIO / NARRATION : 7 / 10



Si l’on finira par retrouver un héros assez désinvolte, de bonnes petites blagues, une quête de chasse au trésor... Nathan Drake s’en prend très vite plus la tronche et gagne en force de caractère et nous en empathie pour ses mésaventures tant on peut le voir souffrir, être en difficulté, perdre sa motivation... C’est le premier point d’évolution scénaristique à mon sens du premier épisode à celui-ci et pas le dernier. Dans l’ensemble, c'est moins enfantin, moins prévisible, les personnages ont sacrément gagné en profondeur et la relation qu'ils entretiennent entre eux est beaucoup plus réussie.


Chloé apparaît tout de suite comme une femme provocatrice et capable de manipuler notre héros par le bout du nez sans la moindre difficulté, très badass et impitoyable au besoin, prenant les choses en main à différentes reprises face à Nate qui suit le mouvement... elle contraste très nettement avec la plus gentille et équilibrée Elena, qui ne manquait pourtant pas de force de caractère dès sa première apparition dans Uncharted 1. Ces deux personnages féminins et comment elles peuvent se rejoindre et s’opposer illustrent très bien la qualité du scénario dans sa globalité.


Évidemment, la principale limite à tout ça c’est qu’on aurait jamais dû subir pour moi les réactions de Nathan mais en être l’auteur à des moments clefs où l’on pourrait être d’accord avec Chloé ou Elena, ça aurait permis de donner ton son sens à cette dualité qui au final manque d’impact sur le récit. La preuve en est la conclusion qui revient complètement sur toutes les promesses que cette dualité pouvait réserver, qui finalement ne sera qu’un ressort comique comme un autre et un rappel de ce qu’est réellement notre protagoniste, comme un retour à la case départ, malgré ses parts d’ombre personnifiés par Chloé.


À côté de ça, la narration par flashback à titre occasionnel marche plutôt bien, sans nuire à la compréhension de l’intrigue qui avant ça était racontée de façon parfaitement linéaire, on a un antagonisme assez nanard mais au moins assumé et un minimum marquant et charismatique en incarnant une brute psychopathe pas si idiote que ça que l’on veut vraiment voir vaincu, on rencontre des cultures différentes qui ont leur propre langage et leurs propres coutumes sans qu’elles ne soient moquées bêtement et qu’elles reflètent plutôt même une image positive... Après, il y a quand même de sacrés défauts ici et là mais le jeu a une parade systématique pour ça.


Afin que ses défauts ne gênent pas plus que ça, les dialogues comprendront beaucoup d’auto-dérision sur des situations un peu clichées ou qui paraissent invraisemblables, qui ont en fait une raison d’être ludique, qui à défaut de pouvoir être pleinement justifié est moqué par le jeu lui-même. Le grand méchant soulèvera par exemple l’hypocrisie de Drake de le traiter de criminel alors que lui-même a tué beaucoup d’hommes depuis le début de l’aventure, parce que les phases de jeu l’impliquent et non pas le scénario, ce que Drake prend à la légère, alors que si le jeu avait de réelles ambitions scénaristiques matures et complexes, cette révélation qui s’imposerait à lui devrait être plus conséquente. Ça montre à la fois la maîtrise et la limite du scénario de ce Uncharted 2.



CONCLUSION : 8 / 10



Uncharted 2 Among Thieves est une amélioration notable du premier épisode de la saga sur à peu près tous les aspects, en particulier sur le grand spectacle qui en ressort grâce à un sens de la mise en scène en temps réel s’inscrivant dans ce qui se faisait de mieux à son époque. Il se heurte tout de même aux limites de son gameplay et son scénario qui n’ont pas les mêmes ambitions pour moi mais qui restent satisfaisants et mieux que lors des premières aventures de Nathan Drake, ce qui en fait une très bonne suite.

Créée

le 24 août 2013

Modifiée

le 14 avr. 2014

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damon8671

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