Amped 3
5.9
Amped 3

Jeu de Indie Built et 2K Games (2005Xbox 360)

Amped 3 est sorti, à l'heure où cette critique est écrite, il y a huit ans (?!). Ce fut l'un des jeux du line-up de lancement de la Xbox 360, lequel line-up fut abondamment critiqué pour son manque d'ambition, de "tueries technologiques". L'ironie, c'est de constater à quel point celui de la génération suivante a fait pire, bien sûr ; mais déjà, à l'époque, Amped 3 a fait partie de ces titres injustement sous-estimés, qui ne connaîtraient aucun équivalent sur l'ensemble de la génération à venir. Donc, oui : la Xbox 360 n'a accueilli au cours de sa longue vie que trois jeux de snowboard, dont cette exclusivité. Oui aussi : Shaun White et SSX, uniques autres challengers, ont fait le même bide intersidéral, alors que la génération Xbox/PS2 a vu éclore et prospérer deux de ces deux séries diamétralement opposées. Mais tandis que SSX s'est largement vautré à cause d'un game design ouvertement bancal et d'une somme d'idées ratées impressionnante (l'aspect die and retry frustrant au possible, le jeu en ligne à la fois omniprésent et cruellement absent, le manque de sensations de glisse), Amped 3, lui, fut conspué pour tout un tas de mauvaises raisons. Huit ans après les faits, et une centaine d'heures de jeu au compteur pour votre serviteur, il est temps de rétablir une certaine vérité. Donc, pourquoi un tel bide pour Amped 3 ? Déjà parce qu'il n'était pas très beau à l'époque de sa sortie, alors que tout le monde attendait des jeux-vitrines à même de leur permettre de crâner devant les potes. A part une distance d'affichage proprement phénoménale et une quasi-absence de temps de chargement (qui, étonnamment, n'ont été relevés par quasiment aucun test), le rendu s'approche en effet plus d'un Amped 2 HD et souffre d'un certain manque de détails. Ensuite, parce qu'il a renié l'aspect simulation des premiers Amped pour flirter avec l'arcade pure et dure, ce qui a été copieusement dénoncé par tous les joueurs et testeurs qui attendaient le retour de LA simulation de snowboard et qui ont, de fait, été sévèrement déçus par le gameplay nettement plus permissif d'Amped 3. On pourra dire qu'il s'agit d'une erreur de calcul de la part d'Indie Built et de 2K, qui ont sans doute sous-estimé la nuisibilité de la presse à l'encontre de ces deux points très souvent pointés du doigts.

Sauf que voilà : Amped 3 est bon ! Voire, excellent. Il faut d'abord reconnaître que le jeu, s'il n'est effectivement pas un canon de beauté, n'est pas sans mérite et reste, au final, agréable à l’œil. Combien de reproches formulés à la nudité il est vrai excessive de certaines pentes, alors que personne n'a salué l'excellent travail d'optimisation ? Aucun chargement sur un même domaine surfable, une constance exemplaire dans la fluidité de l'affichage, la possibilité de modifier le terrain à la volée en implantant des spots de grind et de saut, celle de changer de monture, de se téléporter via la superbe map en 3D sans le moindre temps de latence. Le rendu de la neige est propre, moelleux, donne envie de s'y plonger séance tenante. La vue lointaine et aérée permet de repérer les points d'intérêt en freeride, de se promener sans pression aucune dans une philosophie pas si lointaine de celle que proposerait Skyrim cinq ans plus tard. Amped 3 est un monde surfable en free roaming, rien de moins. Les sensations de glisse sont extraordinaires. Il faut intégrer qu'Amped 3 n'est plus un jeu de simulation : on multiplie les figures impressionnantes avec rattrapages tolérants, les spots de sauts sont légion et la morphologie des montagnes invite à se comporter comme un fou furieux. Il est possible de faire l'imbécile à tout moment en glissant dans une baignoire ou sur un matelas histoire de faire la meilleure gamelle possible. Si on n'atteint pas la démence d'un SSX (pas de boost, pas de super figures à base d'arrachage de planche), on reste dans un trip arcade, mesuré mais réel, qui mise tout sur un plaisir plus immédiat... n'excluant pas pour autant la maîtrise. Vaincre tous les challenges, obtenir toutes les médailles d'or demandera une certaine abnégation, plutôt naturelle par ailleurs, puisque le jeu se laisse prendre en main très facilement et demande du doigté pour réaliser les meilleures performances. Amped 3 est un excellent jeu de snowboard arcade, qui jouit d'une maniabilité parfaitement dosée et d'une physique savamment travaillée, ni trop délirante, ni trop sévère. Les défis sont variés, avec des épreuves de gamelles, un système d'influence où il faut impressionner les autres surfeurs pour "gagner" la montagne et déverrouiller de nouveaux défis... A côté de cela, la conception des épreuves et la façon de naviguer entre elles sont instinctives, évidentes, agréables. Ergonomiques. On le répète, mais à côté du cauchemar de game design que constituent SSX et Shaun White (super pouvoirs bidon, trous mortels qui rendent fou, épreuves chiantes mais obligées, collectibles à la noix que personne ne veut récupérer, on en passe et des pires), la rigueur que possède Amped 3 dans sa structure, et en même temps l'aspect particulièrement "user friendly" de la présentation qui en est faite au joueur lui permettent, conjointement aux excellentes sensation de glisse qu'il procure, de se hisser sans peine sur la première marche du podium des jeux de snow de la génération PS360.

Et il y a, surtout, un point extrêmement important d'Amped 3 qui a été totalement passé sous silence par la presse. La plupart des joueurs ignorent qu'en plus d'être un jeu de snowboard, c'est un véritable trip acide, une sorte de space-cake fourré à tout un tas de substances aussi illicites qu'euphorisantes qui suffiraient à elles seules à rendre Amped 3 indispensable à la culture de tout joueur digne de ce nom. Comment dire ? C'est un jeu de snowboard à scénario. Mais pas comme l'affreux Dark Summit sorti sur PS2 et Xbox, désespérément sérieux et stupide, non. Dans Amped 3, il est question de sauver le monde de la menace d'un développeur de jeux vidéo véreux. De combattre un baron du mal vêtu d'une toge violette et de bas-résilles, patron d'un studio qui oblige ses employés à travailler dans un zeppelin. De partir à la recherche des membres de son crew, qui se font enlever et lobotomiser un à un par ce projet de jeu vidéo complètement dingue combinant "la précision du golf, le pouvoir d'addiction d'un RPG, la violence gratuite d'un FPS et les sensations du nouveau sport de glisse en vogue".

On touche ici à ce qui est sans doute le cœur de l'expérience Amped 3, une sorte de folie créatrice totalement débridée qui n'a jamais eu aucun équivalent et qui (on est prêt à le parier) n'en aura aucun dans les trente prochaines années. Le scénario n'est pas seulement présent, il est passionnant ; et, surtout, il est drôle, si drôle qu'on est régulièrement bouche bée devant l'inventivité des développeurs, ou faudrait-il dire des créateurs de cinématiques. Indie Built nous convie à une sorte de comédie totalement décomplexée partant d'enjeux à la fois stupides et malins, où il s'agit de partir en guerre contre un développeur de jeux vidéo fictif baptisé Colonatronic Arts. A grands renforts de cut-scenes d'une créativité stupéfiante (dans tous les sens du terme), on voyage dans une histoire qui croit si fort à sa propre crétinerie qu'elle finit par nous embarquer dans un torrent de rires et d'émerveillement. Les développeurs l'ont compris, il est insensé de concevoir une histoire dans un jeu de snowboard ; pour cette raison, il ont créé la meilleure histoire de jeux de snowboard de tous les temps, si drôle, à vrai dire, qu'on y pense encore des années après, déçu de n'avoir trouvé aucun équivalent à cette épopée complètement malade. Entre deux missions, on aura donc droit à des vidéos faisant appel à des techniques diverses : film, animation, shônen, pâte à modeler, stop-motion, marionnettes, découpages, origami. Fausses interviews de développeurs via une parodie de l'E3 à pleurer de rire où un PDG, caricature de Bobby Kotick et de John Riccitiello mis ensemble, vante les mérites du pognon et de la violence dans les jeux. Films promotionnels parodiques où l'on aborde les dangers de l'addiction aux jeux vidéo. Clips musicaux réalisés avec trois bouts de ficelle. Faux JT, presse people, réseaux sociaux, publicités de parfum, bande-annonces de dessins animés japonais à mourir de rire. C'est si juste, si varié, si bien foutu, si inutile et pourtant si pertinent, qu'on finit systématiquement par aller revoir toutes les vidéos du mode Carrière via un accès privilégié par le menu principal. Il faut, à ce titre, rappeler une des rares qualités qu'on ne pourra (on l'espère) jamais enlever à Microsoft, l'éditeur : toutes les vidéos sont intégralement doublées en français, pour un résultat particulièrement réussi et respectueux de l'humour de la version originale.

Le générique de fin offre une sorte de journal vidéo des développeurs, à la manière d'un bêtisier cinéma. C'est sûrement l'un des génériques de fin les plus pertinents pour un jeu de sport, où l'on voit des nerds lécher des barres de métro humides de sueur après avoir perdu un pari, se vautrer dans la poudreuse ou chercher des mickeys sans se douter qu'ils sont observés. C'est débile, en d'autres circonstances ça n'aurait même pas été drôle ; mais Indie Built réussit son pari, celui d'opérer un virage à 180°, de changer radicalement le visage d'une série sans se préoccuper un instant de sa réception publique, et sans envisager non plus un seul instant de se moquer du joueur. Rétrospectivement, il apparaît totalement anormal qu'un tel jeu AAA ait réussi à trouver financement. A la fois bon jeu de snowboard et excellent déridant, Amped 3 n'est pas seulement un jeu de lancement qui a bien vieilli, c'est un OVNI affreusement sous-estimé dont seul Twisted Pixel s'approchera vaguement par la suite avec ses titres Splosion Man ou Comic Jumper. On ne sait pas ce qu'est devenu Indie Built, mais ces types-là ont réussi l'impossible : Amped 3 est le meilleur jeu de glisse de ces dix dernières années, et l'un jeux les plus drôles de tous les temps. Jouez-y, c'est un ordre.
boulingrin87
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le 14 janv. 2014

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Seb C.

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