Le Metroidvania, c'est un peu le genre qui a le vent en poupe en ce milieu de décennie 2020. Les raisons sont multiples. Game Next Door y a d'ailleurs consacré un épisode récemment (novembre 2024, histoire de nous expliquer les raisons du pourquoi (et c'était très bien). On y citait d'ailleurs longuement cet Animal Well ; un jeu que j'avais déjà dans ma besace et qui attendait ce petit coup de pied au cul pour que je m'y mette enfin. Et autant vous dire qu'il n'en a fallu guère plus. Car lancer Animal Well c'est clairement l'adopter dès l'instant qui suit.
Difficile de ne pas sentir l'ADN de ces jeux indés de la décennie 2020 qui recherchent l'immersion la plus rapide possible. Pour Animal Well l'addiction fut assez rapide. A peine une heure de jeu et déjà je ne voulais plus lâcher la manette. Et dire ça, c'est déjà dire l'essentiel.
Mais alors, du coup, comment s'y est-il pris cet Animal Well pour me saisir tout de suite alors que le genre commence à saturer tous les esprits, y compris le mien ?
Eh bien tout d'abord – et c'est tout bête – mais il a su tout de suite me mettre sous le nez ce qui constitue son originalité et donc son point central d'intérêt : le fait qu'il va falloir apprendre à avancer dans ce labyrinthe sans pouvoir combattre. Parce qu'en effet, on incarne ici une petite boule brune sans bras, et sitôt croise-t-on les premiers ennemis qu'il faut apprendre à fuir, esquiver, fuir ou distraire l'adversaire.
La première opposition se fait d'ailleurs avec des spectres qu'on effraie grâce à des pétards ; l'occasion pour le jeu d'imposer tout de suite son atmosphère et son esthétique. On navigue entre les clairs obscurs d'Hollow Knight et un rendu pixelisé sachant naviguer entre le charme du minimalisme et les subtiles compositions. S'ajoutent à ça un gameplay suffisamment dépouillé pour aller au plus direct et surtout un inventaire très petit qui sait annoncer avec bonheur qu'on évitera sûrement-là l'écueil de la collectionnite absconde.
En cela, Animal Well est vraiment le pur produit de ce temps et franchement, ça fait du vraiment bien. La partie avance très vite, dans tous les sens, et tire pleinement profit des mécaniques de backtracking propres au genre.
Et pourtant, comme je l'ai indiqué d'emblée dans le titre de cette critique, l'efficacité de la formule frustre d'autant plus qu'elle finit par trouver sa limite. Après s'être montrée redoutablement efficace pendant une bonne huitaine d'heure, celle-ci prend le risque de ne pas se conclure sur le feu d'artifice final annoncé. Et c'est assez terrible parce qu'en proposant de poursuivre l'aventure au-delà du générique, Animal Well se risque sur un chemin ultra culotté qui, s'il avait été mené avec la même maîtrise que la première partie, l'aurait sûrement conduit sur le chemin des plus grandes légendes du jeu vidéo. Mais au lieu de ça, non : en s'engageant sur cette voie-là, Animal Well s'est clairement lancé, pour moi, dans un pari perdant.
Pourtant difficile de ne pas sentir l'esprit Tunic dans cette logique d'aventure en deux temps. D'abord on pense jouer à un jeu qui répond à un genre bien identifié et puis, au bout d'un moment, on se rend compte qu'il y a un autre jeu derrière le jeu ; une logique qui nous oblige à appréhender tout cet univers différemment. Ce genre de démarche, je suis d'accord pour dire que c'est de l'or en barre. Le souci, c'est que dans le cas d'Animal Well, le jeu derrière le jeu est beaucoup plus convenu et, surtout, il casse tout ce qui faisait jusqu'alors les forces du titre.
Finie l'aventure nerveuse et fluide nous amenant à naviguer à toute berzingue aux quatre coins de la carte. Désormais il convient de retourner chaque salle pour pratiquer de la vulgaire collectionnite, le tout à l'aide de nouveaux outils qui obligent clairement à refaire toutes les pièces dans l'espoir d'y dévoiler de nouveaux secrets. Ça devient fastidieux, répétitif et surtout long.
Et c'est là que s'est produit chez moi cette réaction paradoxale. Je n'ai jamais fait du « platinage » de jeu un objectif. Généralement, j'arrête de jouer sitôt j'estime que le jeu n'a plus rien à m'apporter. Or, dans le cas d'Animal Well, j'étais vraiment chaud après la première fin pour poncer la suit jusqu'au 100%. Mais sitôt passé quelques heures dans cette seconde phase que, brusquement, j'ai senti la possibilité d'un dégoût monter.
C'est que, dans cette seconde phase, le jeu invite d'abord à ratisser les collectibles qu'on rencontre depuis le début de notre partie, puis il refile de nouveaux outils ouvrant de nouveaux mystères, posant sur notre passage un nouveau type de collectible dont on ne connait pas encore la fonction. Et puis il y a ces salles dans lesquelles on se dit qu'il faut retourner mais sans plus trop savoir comment on y est déjà allé préalablement. Et puis on se souvient qu'il y a tout un réseau de raccourcis invisibles sur la carte et que c'était sûrement pour ça qu'à un moment donné on nous a refilé un crayon... Mais putain en fait il va falloir encore tout refaire. Quelle galère...
Du coup c'est con mais moi, j'ai arrêté la partie là. J'ai senti qu'à partir de maintenant, si je voulais insister pour avoir les 100%, j'allais devoir investir beaucoup pour obtenir peu. En conséquence j'ai préféré ne pas vouloir gâcher mon expérience. Je me suis arrêté avant que celle-ci ne se déprécie trop. (Et au regard de ce que j'ai lu après coup sur le reste de l'aventure, j'ai manifestement bien fait.)
Et c'est con, mais ça frustre. Ça frustre même doublement ! Parce que, à cause de cette deuxième couche de jeu, bah l'air de rien, on voit bien qu'il y a une partie de la narration du titre qui nous échappe. Et ça pique d'autant plus que ça nous rappelle à quel point, jusqu'à présent, on ne nous a rien raconté. Qui on est ? Qu'est-ce qu'on est ? Où sommes-nous ? Pourquoi était-il nécessaire de faire ce qu'on a fait ? Au bout du compte on n'en sait rien. Du coup le désir d'éléments supplémentaires donne envie de poursuivre mais d'un autre côté, la tournure prise par le jeu nous en dissuade. Vraiment rageant pour un titre de cette carrure.
Bref, tout ça pour dire que, oui, Animal Well est vraiment un jeu sympa ; ce genre de jeu qu'on a envie de recommander à tout son entourage. Mais d'un autre côté, Animal Well c'est aussi ce jeu qui a ce petit côté maladroit du jeu indé qui se prend les pieds dans sa propre générosité et qui, bien malgré lui, nous laisse sur un sentiment d'inachevé.
Malgré tout, l'un dans l'autre, je préfère un jeu comme celui-ci, qui alimente l'exploration menée actuellement par le JV sur le chemin de la percussion et d'immersion plutôt qu'un énième décalcomanie tiédasse d'un jeu déjà pratiqué vingt fois.
Donc oui, tenons-le-nous donc pour dit, le jeu vidéo indé se porte bien,
Et en cela, des jeux comme cet Animal Well n'y sont clairement pas pour rien.