Dans la longue lignée d’ersatzs qui ont découlé de la saga phare de FromSoftware, il est rare de voir les petits nouveaux s’aventurer dans des contrées aussi exotiques qu’ici. On a bien eu un peu de SF chez les allemands de Deck 13 avec The Surge (dont le deuxième volet est une véritable réussite), mais là aussi on restait dans une tonalité de désespoir.
Alors quand débarque de nulle part Another Crab’s Treasure, avec son univers cartoonesque et marin qui renvoie inévitablement à Bob l'Éponge, on est en droit d’être circonspect quant au public cible. Car après tout, on voit mal nos têtes blondes s’adonner au chemin de croix, ô combien gratifiant mais ô combien douloureux, auquel nous a abonné Miyazaki. Et pourtant, il y a un peu de cela dans le jeu de Aggro Crab. Une envie d’ouvrir plus largement la porte du genre aux néophytes. Un univers chatoyant donc, mais aussi des mécaniques simplifiées : plus de barre d’endurance, une arme unique que l’on améliorera progressivement, des patterns ennemis simplifiés (mais pas simplistes pour autant), des tutoriels qui nous tiennent la main, une navigation aisée grâce à une carte et du voyage rapide, une immersion dans ce monde qui abandonne le cryptique façon Souls, le choix de la difficulté (modifiable en cours de jeu), et quelques variations mécaniques simples à prendre en main, telles que cette coquille nous faisant office d’armure et se changeant à la volée. Ce qui n’empêche pas à cette aventure de proposer un challenge certain sur lesquels plus d’un se casseront les mandibules.
Another’s Crab Treasure est donc une proposition d’apparence enfantine et plus emprunte à la découverte. Mais derrière cette façade se cache une narration, travaillée, qui n’y va pas avec le dos de la cuillère dans ses thématiques. Pollution environnementale causée par l’homme (plus proche de l'autre Miyazaki), mainmise du capitalisme et exploitation du prolétariat, quête de vengeance sanguine, égoïsme forcené… Si ces sujets ne sont pas traités avec grande profondeur, la tonalité et le langage empruntés tranchent net avec l’esthétique colorée et relèvent d’une certaine idéologie bien ancrée chez les devs du studio de Seattle (ville du crabe). Un récit engagé donc, et pas forcément tendre avec ceux qu’il entend dénoncer.
Tout juste peut-on regretter une certaine approximation dans les hitboxs, ou certaines frustrations ressenties lorsque les ennemis nous enchaînent sans que l’on puisse réagir, les frames d’invincibilité entre deux coups étant trop courtes pour s’extirper de nombreuses situations. Quelques approximations de gameplay que relèveront évidemment les aficionados de la licence maître, habitués qu’ils sont à une jouabilité au cordeau, mais qui n'entache pas pour autant une aventure singulière et bien rythmée sur la grosse vingtaine d’heures qu’il faut pour en venir au 100%. De là à dire que j’en pince pour ce titre…