Le plus dur n’est pas de trouver son chemin, mais de trouver ce qui le lie à notre quête

Le Prey d’Arkane studios a été une claque pour moi. Au-delà de son excellent aspect survival, il m’a révélé l’existence d’un genre informe, dont j’ignorais alors le nom : l’immersive sim.


Pour prolonger la découverte d’Arkane, au lieu de foncer vers Dishonored, j’ai préféré revenir à la source, vers leur premier jeu, Arx Fatalis.


Bref résumé de son univers : le jeu se déroule dans un monde souterrain où sont contraints de vivre ensemble différentes races : humains, trolls, gobelins, rats, nains, etc. Malheureusement la paix, déjà bien fragile, est menacée par l’arrivée d’un démon, qu’une secte cherche à invoquer. À vous de mener l’enquête.


Visuellement, on croirait une sorte de Morrowind. Graphismes, et game feel, c’est tout comme. Rien d’étonnant puisque les deux jeux sont sortis la même année (2002). Je m’attendais alors à trouver le même genre de gameplay. En vérité, pas du tout. On trouve déjà ici une formule atypique propre à Arkane.


Je note alors cette phrase sur la page wikipédia de l'immersive sim.



Les immersive sims invitent le joueur à trouver sa voie au fil des
niveaux et en complétant les quêtes, sans imposer les moyens par
lesquels y parvenir.



Concernant Arx Fatalis, c’est peu de le dire. Non seulement le jeu n’impose pas de moyens, mais il ne les donne pas. Autant vous prévenir de suite : ça passe ou ça casse. Quelque part, Prey faisait un peu la même chose, ce qui explique en partie pourquoi il a bidé. Mais Arx a une approche bien plus radicale, qui serait impensable aujourd’hui. Il ne vous suggère aucune approche, ne vous montre même pas les outils que vous avez à disposition. Par exemple, moi, j’ai mis un certain temps à comprendre comment récupérer des pierres précieuses, et à qui les revendre.


J’ai aussi appris tardivement qu’il était possible, atteint un certain niveau de magie, d’exploser des portes avec nos boules de feu, nous donnant ainsi un nouvel outil pour explorer. Un joueur non curieux serait tout à fait capable de survoler des éléments de gameplay pourtant fondamentaux. Mais un joueur non curieux n’irait de toute façon pas bien loin dans le jeu.


Oubliez d’ailleurs les réponses à choix multiple. Il n’y a pas de role play ici. En revanche, tout se construit sur la curiosité et la perspicacité du joueur. Vous allez vous retrouver souvent face à un ordre de mission simple : trouver tel objet. Ensuite, démerdez-vous. Vous ne saurez même pas où commencer vos recherches, à qui vous adresser. Les pnj ne vous donneront pas d’indices. Le level design labyrinthique vous invitera naturellement à pousser l’exploration, au risque de tatonner longtemps, de tourner des heures sans rien trouver.


La solution en fait c’est votre perspicacité. Souvenez-vous de ce qu’a évoqué tel gobelin. Commencez à chercher par là-bas. Faites le tour de l’endroit, vous finirez par trouver un item qui, ma foi, doit bien servir à quelque chose. Soulevez les objets du décor, regardez là, sous ce coussin, un code secret ! Bref, tout le jeu est comme ça. Arx Fatalis c’est ça. Enquêtes et énigmes. Presque une sorte de point & click dans sa philosophie.


Pour ce qui est du gameplay, c’est pareil. Le jeu se construit sur un ensemble de systèmes. Alchimie, forge, cuisine, tout demande un temps de compréhension. Mais le plus cité, car le plus inventif est celui de magie. Mais là encore, comprendre son fonctionnement n’est pas chose aisée. Le jeu n’explique rien. Il faut comprendre le rôle des parchemins, puis des runes, comprendre que les deux sont nécessaires, ainsi qu’un certain niveau de magie, puis enfin comprendre comment mémoriser temporairement les sorts. Le didacticiel qui est censé vous expliquer cela tient en une phrase en début de jeu, que dalle quoi. En fait, on finit par piger le truc par soi-même, en essayant.


Tout le reste suit la même logique. Les quêtes secondaires sont de véritables mystères. Le plus dur n’est pas de les mener, mais de les trouver. Certains indices ici et là vous ouvrent des pistes, vous font comprendre qu’il y a éventuellement une chose à faire avec tel objet, tel personnage. J’en ai fini quelques-unes, j’en ai deviné d’autres que j’aurais aimé mener jusqu’au bout, et je pense que j’en ai survolé beaucoup.


Et l’exploration, eh bien, tout repose naturellement sur elle. La cité d’Arx est un dédale complexe qu’on intègre peu à peu, avec ses raccourcis et ses impasses. Il faut nécessairement se perdre pour finir par trouver ce qu’on cherchait. Certaines voies sont tout de même assez vicieuses. Je pense à la zone appelée “la faille”, nécessaire pour la quête principale, mais dont le chemin qui y mène est une corniche en hauteur partiellement maquillée par un mur. La configuration m’a laissé penser qu’il n’y avait rien ici, surtout que c’était une zone dans laquelle je n’aurais jamais pensé revenir à un tel niveau du jeu. En revanche, d’autres zones font de l’exploration une chose gratifiante. La découverte des forges naines est un grand moment par exemple. À force de s’enfoncer dans les entrailles de la terre, on finit par y atterrir, comme dans un endroit caché de tout, qui nous réserve d'ailleurs une belle surprise.


Bref, c’est un jeu compliqué. Souvent maladroit. Je ne vais pas le cacher : j’ai fait appel à des soluces trois fois durant ma partie. Trois fois, ce n’est rien du tout quand on voit le nombre de topics de joueurs désœuvrés. C’est que le jeu n’est, à mon avis, pas assez aidant. En revanche, je pense sincèrement qu’Arx Fatalis est idéal à faire une deuxième fois. Maintenant que je comprends ses systèmes, que j’ai intégré sa logique, une autre partie ne peut être que meilleure.

-Alive-
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le 13 nov. 2020

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