Assassin's Creed
6.7
Assassin's Creed

Jeu de Ubisoft Montréal et Ubisoft (2007Xbox 360)

Il m'était impossible de m'attaquer à un nouveau jeu qui m'aurait inévitablement paru fade après avoir terminé Blood and Wine. L'envie de m'attaquer à la trilogie remasterisée Assassin's Creed consacrée à Ezio me titillait depuis un moment, cela me semblait un bon compromis. Et tant qu'à faire, pourquoi ne pas tout reprendre au début et commencer par le premier opus de la série ? Je ne sais pas encore jusqu'à quel niveau j'arriverai à binge player les Assassin's Creed, au mieux je pense parvenir jusqu'au III que je n'ai jamais réussi à terminer une deuxième fois, malgré deux tentatives avortées (il y a pourtant de bons éléments dans le III, entre Haytham, Boston, les environnements hivernaux... mais AC III, c’est aussi Connor le héros sans charisme et une aventure au rythme peu maîtrisé, pas de bol). Avancer plus encore me semble peu probable, j'avais apprécié le pillage de galions mais je ne me vois pas rejouer à Black Flag et à son scénario inconsistant, quant à relancer Unity, l'idée me fait frémir d'avance...


Je vais profiter de cette rétrospective Assassin’s Creed pour mettre en forme une critique pour chaque épisode (ce qui me permettra de faire quelque chose des notes éparses qui traîne en divers recoins de mon ordinateur par la même occasion).


Assassin's Creed premier du nom donc. Clairement, je ne suis pas sûre que j'y rejouerai une fois ce run achevé, les univers modélisés ont atteint un niveau de crédibilité bien supérieur dans les derniers opus qui rendent le monde de ce premier épisode assez fade aujourd'hui, malgré quelques coups d'éclats sporadiques. Si cela reste regardable, on n'y projette plus les mêmes choses à présent. A l'époque de sa sortie, Assassin's Creed faisait fantasmer pour ce qu'il proposait mais surtout pour ce qu'il laissait imaginer comme potentialités restant à réaliser. Son royaume à arpenter, ses villes grouillantes de vie permettant de reconstituer des pans entiers de mondes disparus – où le fantasme ultime du constructeur de Légo historien – m'ont laissé des souvenirs impérissables. Aujourd'hui les promesses ont été concrétisées, et bien réalisées : on peut adresser beaucoup de reproches à Ubisoft dans la gestion de sa saga, mais le level-design et les univers créés sont assez remarquables depuis les débuts, ce dont Origins et son monde ouvert constituent pour le moment l’achèvement. Alors forcément, l'impact visuel du premier Assassin's Creed s'est amoindri, même si la découverte de certains lieux conserve encore une force bien présente. S'il ne fallait retenir qu'un moment, ce serait la découverte de Damas, qui me chamboule toujours un petit peu, quoi qu'il arrive. Mais je garde aussi la grande mosquée des Omeyyades, la cathédrale de Saint Jean d'Acre et son château fort, le dôme du Rocher, le quartier riche de Jérusalem, le bazar de Damas... En fait je m’aperçois que je rêve d'un jeu qui mette à l'honneur l'architecture islamique avec des graphismes actuels et une belle direction artistique, il y a un tel potentiel graphique, si peu exploité…


Le gros problème de ce premier Assassin’s Creed n’est cependant pas son monde un peu vide, qui a vieilli mais dont on peut faire abstraction. Non, la purge qui tue le plaisir de jeu est la répétitivité extrême du titre. Pas seulement dans le faible nombre de missions proposées, répétées ad nauseam, mais aussi dans le schéma narratif qui implique de retourner quasiment systématiquement à Masyaf pour faire un compte-rendu au maître des assassins, de subir la même phrase du maître d’arme pour s’entraîner à la pratique de la nouvelle capacité récupérée (tes apprentis ne progressent donc pas de tout le jeu et ne savent toujours pas manier une épée, peut-être faut-il s’interroger sur tes compétences pédagogiques gars ?) Et ensuite c’est parti pour reprendre le même raccourci à travers Masyaf, le même chemin pour rejoindre le royaume, le même chemin à travers la ville pour se rendre au bureau des assassins… Le tout en devant supporter les cris des mendiantes qui sont malades et qui crèvent de faim, mais enfin, vous ne comprenez pas, elles sont pauvres ; les hérauts qui répètent la même phrase en boucle, que Salah ad-Din soit loué, et son nom, exalté et glorifié soit-il… Car c’est bien pour notre survie que nous luttons, et si Richard venait à prendre Jaffa, alors plus rien ne pourrait l’arrêter, blablabla…


J’avais toujours trouvé le jeu un peu répétitif, mais jamais ça ne m’avait choquée à ce point, et je poussais le jusque-boutisme jusqu’à accomplir toutes les enquêtes et tous les objectifs (sauf les drapeaux, il ne faut pas charrier non plus). J’ai cette fois développé une approche beaucoup plus minimaliste en n’accomplissant que les objectifs strictement nécessaires pour lancer un assassinat et c’est bien mieux comme ça : j’ai pu retourner le jeu à sa sortie, je me contente très bien aujourd’hui d’une approche plus succincte (et plus analytique).


Revenir sur ce premier Assassin’s Creed m’aura permis de démystifier la vision que j’en avais : il me semblait que cet épisode fondateur était aussi le plus "pur" avec un concept sans concession, où système narratif et ludique se rejoignaient parfaitement. C’est vrai, à une exception près : comment expliquer qu’Al Mualim ait pu priver Altaïr de ses compétences ? Je conçois qu’on puisse déchoir un assassin de son rang et le priver de ses armes, mais lui retirer les savoirs qu’il a acquis me semble plus délicat… C’est la petite incohérence qui vient se glisser dans une mécanique bien huilée, le reste du dispositif ludique est complètement légitimé par le concept de l’animus, ce qui reste une belle trouvaille. Alors bien sûr, il faut accepter la lenteur des scènes du présent qui coupent parfois l’action mais l’ensemble demeure solide et cohérent, et je trouve astucieux de laisser le choix au joueur de réaliser sa propre enquête pour mieux cerner les intentions et les enjeux du conflit entre les deux camps à un moment où l’on en savait encore si peu et où cet affrontement millénaire ne semblait pas si redondant. On peut d’ailleurs vraiment passer à côté de ces éléments puisque pour l’anecdote, j’ai découvert seulement maintenant qu’on pouvait accéder à la salle de conférence après avoir terminé le jeu et que de nouveaux emails étaient disponibles sur l’ordinateur de Lucy, dont un message codé annonçant le début d’Assassin’s Creed II… Manque de chance, j’ai omis de voler le stylo de Vidic lors de ce run (enfin plus exactement Desmond n’a pas voulu s’en saisir, haerm), je n’ai pas pu profiter complètement de ma trouvaille.


Autre révélation : au détour d’une phrase de Vidic, on apprend que les avancées technologiques et conceptuelles des derniers siècles ont été inventées par Abstergo et ses prédécesseurs. Plus précisément, elles n’ont pas été inventées mais confiées par ceux qui nous ont précédé. Avant même que ses membres ne soient formalisés par la fin surprenante d’Assassin’s Creed II (coup de génie ou abus de substances illicites ?), la Première Civilisation était donc déjà pensée. Et mon illusion de s’envoler : non cet épisode n’évitait pas complètement de s’embourber dans une histoire abracadabrantesque et ne se focalisait pas uniquement sur la théorie des souvenirs de nos ancêtres transmis par les gênes, postulat plausible et fonctionnant sur la simple base d’une explication scientifique. J’aurais préféré que la mythologie d’Assassin’s Creed ne soit pas développée avec tout l’aspect fantastique apporté depuis, mais il y avait peu de chance que nous évitions ce mind fuck si cela avait été imaginé depuis le début…


Le premier épisode est difficile à rejouer, je sais qu’il peut être rédhibitoire, je garde néanmoins en mémoire la forte impression qu’il m’avait faite, il avait su me scotcher et m’avait happée au point de passer au-dessus de ses sérieux défauts (mais qui ont participé probablement au sentiment de proximité avec le jeu). Il faut se remettre en contexte, la série n’avait pas encore de dizaines d’itérations, tout autant de DLC et d’épisodes bis ni une flopée de produits dérivés vendus au nom de connections transmédias. La relation du joueur à la série n’était pas entachée par la publicité à outrance, le marketing dégoulinant et la compromission aux désirs du plus grand nombre en dépit d’ambitions initiales toutes autres. L’ambiance du premier Assassin’s Creed est unique, mon imagination était sans cesse titillée aidée par tout ce qui était suggéré sans être montré, je voyais prendre forme des mondes disparus que je complétais à loisir, c’était fascinant. Le gameplay était en accord avec la narration, l’histoire contée se faisait sans grande démonstration, en impliquant fortement le joueur, mais avec une intelligence participant à créer l’attraction.


On le sait aujourd’hui, cet épisode est un projet ambitieux qui a été largement amputé (mais qu’on se rassure, chez Ubisoft, rien ne se perd, tout se transforme, certains concepts seront intégrés jusqu’à Assassin’s Creed III). Avec le recul, on regrettera qu’il n’en reste plus que cette structure austère qui, malgré de bonnes idées (l’insinuation du doute, le refus du manichéisme – dont on se débarrassera dès le deuxième épisode où les templiers = les gros méchants), ne présente plus un énorme intérêt ludique aujourd’hui. Néanmoins, vu de 2007, la présentation d’un open world historique était inédite et transcendait les défauts du jeu. A présent, à moins de ne vouloir se placer dans une perspective analytique pour comprendre l’évolution de la série, jouer à cet épisode ne relève certainement pas de l’indispensable. L’expérience ne sera quoi qu’il en soit pas extrêmement chronophage, suivre l’histoire ne prendra qu’une petite dizaine d’heures.


Juillet 2018

Nocturne
7
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le 4 avr. 2022

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Nocturne

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