Assassin's Creed: Unity par Antevre

À l'origine, avant d'écrire cette critique, je voulais essayer les missions en coopération, histoire de faire un tour de tout ce que le jeu propose... mais désolé, j'en peux plus. Je veux plus jouer à ce truc, s'il vous plait. Je veux bien torcher la campagne en dlc, mais après je veux plus en entendre parler.

Dans Unity, vous incarnez un assassin en plein Révolution française nommé Arno qui assassine les méchants templiers. Voilà voilà. Et puis il veut pécho son amie d'enfance mais en fait elle est chez les templiers du coup c'est pas évident.

C'est tout ce que j'ai retenu du truc. La narration est confuse, l'histoire est peu intéressante, et le scénario est totalement quelconque de bout en bout. Le personnage principal n'est absolument pas attachant et n'a aucune personnalité. Tout cela est d'autant plus rageant que le contexte historique choisi possédait un énorme potentiel pour un Assassin's Creed réussi. Je veux dire, dans Unity, les assassins sont pratiquement royalistes et les templiers révolutionnaires, à l'exact opposé de presque tout le reste de la série. Dans tout le premier épisode, Altaïr assassine des despotes éclairés, des templiers qui usent de leur pouvoir pour manipuler les autres "pour leur bien". C'est exactement le contraire ici, assez inexplicablement. Et y a quasiment pas de vrais questionnements sur la révolution, sur la gouvernance, les références à l'Histoire se bornant à quelques "clins d'oeil" (un Napoléon Bonaparte par-ci, un marquis de Sade par-là).

Pour rester plus ou moins dans le scénario, l'épisode introduit une étrange et apparemment absurde innovation par rapport à la série : vous vous souvenez qu'auparavant lorsqu'une cible était éliminée, le héros recueillait ses dernières paroles, qui justifiaient ou éclaircissaient leur comportement et leur tempérament. Bah ici, ils se sont dit fuck it chez Ubisoft. On va dire que les assassins peuvent lire la mémoire de leurs victimes pour trouver des indices. Donc ces derniers moments iconiques de la série sont remplacés par des flashbacks où Arno découvre généralement sa prochaine victime, parce que voilà, comme ça on doit pas se casser la tête à écrire un scénario cohérent. Merci beaucoup, c'était un des derniers trucs qui faisaient le charme des AC. Surtout que bon, à la base c'était une façon d'honorer la vie d'un adversaire défait, montrer une forme de respect, du coup la transition est plutôt brutale.

Mais c'est pas le seul élément traditionnel qui a été éliminé, comme par exemple la faculté de cacher les corps (C'EST POUR LES TAPETTES) ou la notoriété (ON S'EN FOUT ON EST DES OUFS). Deux éléments pourtant essentiels, pour un jeu d'infiltration en open world...

Parlons-en, de l'infiltration. Si elle a été largement revue notamment au niveau de la maniabilité, elle est complètement sabotée par une ia proprement infâme. Par exemple, dans les précédents opus, si vous aviez été repérés dans une zone, les gardes étaient en alertes, ce qui les poussait notamment à fouiller les planques avoisinantes à votre recherche, et gare au petit malin qui était caché dans une botte de foin, celle-ci était bien vite percée d'un coup d'épée... Ici, FOIN DE TOUT CELA (AHAH merci à tous, merci à tous, je sais, je suis formidable). L'ia ne va pas se méfier des endroits dangereux, ce qui veut dire que vous pouvez par exemple vous cacher derrière une porte, et assassiner chaque ennemi qui veut la passer. Pire encore, si quelqu'un voit son allié se faire assassiner dans l'embrasure d'une porte, alerté, il va se précipiter sans défenses dans cette même embrasure, et subir le même sort. J'ai déjà fait ce coup à une garnison entière. Bonjour le réalisme et l'immersion franchement.

Dans le même ordre d'idée, le parkour a été complètement revu. Maintenant, une touche permet de passer en mode course, et une fois en mode course un bouton permet de faire du parkour vers le haut et une autre vers le bas. Outre le fait que ça casse un peu l'intérêt du truc (il est pratiquement impossible de se tromper et de se blesser), le pathfinding est assez foireux, et il se dégage de l'ensemble une vraie impression de fausseté, notamment due au fait qu'il y a très peu d'animations, ce qui fait qu'Arno fait très souvent des mouvements qui ne sont pas du tout crédibles par rapport à ce qu'il est censé faire. Beaucoup d'anciennes animations ont été virées pour faire place à d'autres beaucoup plus simplistes. Au passage, la vitesse de déplacement ne semble pas du tout raccord avec les animations de marche et de course, franchement le mec il court comme un malade pour avancer à la vitesse d'un jogging, c'est assez ridicule (ce qui n'est pas aidé non plus par le très faible nombre d'images par seconde, mais j'y reviendrai).

Au rayon des innovations, nous avons aussi droit à des missions d'assassinat revisitées, histoire de donner l'illusion d'une multiplicité d'approches. L'intention est louable, et ça fait illusion pendant un temps (dans les premières missions en particulier, comme celle de Notre Dame), mais très vite on déchante : déjà les objectifs secondaires sont très souvent quasiment obligatoires pour avancer ou au contraire n'apportent pas grand chose. Ensuite, au début on te fait croire que tu dois enquêter, qu'il faut fouiller habilement la zone pour trouver des opportunités, mais en fait non, généralement dès le début de la mission on te montre en gros plan les chemins et objectifs secondaires, en gros plan, pour être sûr que tu les rates pas. Du coup, les missions ne demandent pas vraiment de doigté ou de recherche. En réalité, l'approche est très dirigiste, et ne s'assume même pas comme telle. Notons d'ailleurs qu'en réalité les objectifs secondaires sont presque toujours au nombre de deux, l'un qui crée une opportunité de diversion (pour faire sortir de sa cachette une cible par exemple), l'autre d'infiltration (pour ouvrir une porte). Du coup, si au début ça a l'air bien, très vite on se rend compte que c'est très artificiel. Enfin, notons que les missions ne demandent absolument plus d'être réellement discret. Si vous flinguez la moitié des gardes sur place, votre cible NE FUIRA PAS. Si elle vous trouve, elle vous attaque, et sinon, bah elle tourne en rond. Logique. On sent l'enjeu de la discrétion.

Je dois absolument vous parler de l'aspect RPG, et croyez-moi, y a de quoi dire. Déjà, pour tout ce qui s'achète dans ce jeu, sachez que vous pouvez recourir à des micro-transactions. OUI. Vous avez pas assez de "points d'expérience" (ça s'appelle pas comme ça mais c'est des points qu'on chope en tuant des ennemis de façon spectaculaire, parce que dans ASSASSIN'S CREED, on sent directement le concept de "je fonce dans le tas et je bourrine les touches pour faire des exécutions en combat"... oui, l'infiltration ne rapporte quasi pas de ces points, le combat si) ? Pas de souci si tu allonges la monnaie! Il y a du coup pas vraiment de leveling, mais plutôt des incitations discrètes mais omniprésentes à l'achat, tant les points à dépenser se gagnent lentement. Notez d'ailleurs, petit détail amusant mais lourd de signification, que les points gagnés en jouant et les points achetés ne sont pas la même devise, dès lors impossible de les combiner pour acheter quoi que ce soit.

En outre le système de compétences semble avoir été pensé surtout pour le coopératif. En effet, passées les premières compétences plutôt essentielles, beaucoup de celles qui suivent ne servent qu'en multijoueur. Et puis y en a d'autres qui ont juste pas de sens, comme la compétence de déguisement. Mécanisme intéressant dans un jeu d'infiltration, non ? Ben... ça dépend de comment c'est fait. Et ici c'est mal fait. C'est-à-dire que le système est très simple : ciblez un personnage du jeu, ennemi ou civil, appuyez sur une touche, et paf, instantanément vous revêtez son apparence pour quelques secondes. LO. GIQUE. Ce n'est pas réaliste, ce n'est pas raccord avec le gameplay, ce n'est pas agréable à jouer, et c'est un mécanisme qui permet juste de passer vite fait entre deux gardes pour pas se casser la tête à trouver une route alternative.

Restons encore dans le gameplay, y en a encore ! Si les combats n'ont jamais été la valeur forte de Assassin's Creed (pas très dynamiques, mauvaise ia, beaucoup trop faciles), on franchit encore une étape ici. Les combats sont encore moins intéressants qu'avant, beaucoup plus confus et beaucoup moins techniques, tout repose encore et toujours sur le contre. Alors vous avez des flingues et des gadgets, ouais, mais le jeu réagit très mal à ça, il lui faut des plombes pour reconnaitre que vous avez appuyé sur la touche correspondante, ce qui est horrible, vraiment, parce que du coup vous vous faites massacrer et vous essayer de survivre pendant que vous matraquez la touche pour lancer un fumigène qui ne vient jamais, et vous mourrez très souvent en explosant cette putain de touche à la con. Du coup, les gros groupes sont pratiquement impossibles à gérer à moins de balancer direct les techniques malhonnêtes : commencer directement à sortir les fumigènes et assassiner un max de gens dans la fumée, et recommencer avant qu'elle ne se dissipe complètement. Ca c'est du putain de combat.

Abordons maintenant l'aspect technique si vous le voulez bien. C'est un fait connu, mais Assassin's Creed Unity est un jeu dont les finitions sont pourries, ce qui casse tout. Parce que ouais, les dévs ont fait un gros travail pour animer les rues de Paris, il faut le leur laisser... mais vu que vous rencontrez des bugs graphiques presque tout le temps, bah forcément ça rend moins bien, ça casse souvent complètement l'immersion. Et puisque je parle de ces animations, il y a malgré tout une grosse impression de statisme, beaucoup plus que dans les épisodes précédents selon moi. il y a un gros manque d'interactions entre les pnj, et entre les pnj et le joueur (par opposition par exemple au tout premier opus où on se faisait bousculer presque trop souvent et où les mendiants étaient vraiment envahissants). Dans Unity, on a l'impression de se promener dans un tableau : les scènes créées sont belles, mais c'est juste ça, des scènes, une toile de fond peu convaincante, très artificielle.

Mais j'en reviens au technique après cette légère digression, et cette fois parlons de l'optimisation INFÂME du jeu. Il tourne très mal, même sur des configurations récentes, ce qui fait que personnellement je ne crois pas avoir atteint les 30 fps une seule fois, tout au plus les 25. Pire encore, le jeu a été tellement mal fini que les menus eux-mêmes font baisser drastiquement les fps, perso je tombais souvent en-dessous des 10. Par conséquent, on a même pas envie de jeter un oeil à l'encyclopédie, ou aux statistiques, tant c'est inutilement laborieux. Je n'ai jamais vraiment réalisé pourquoi on utilisait le mot cancer pour désigner les animations ou jeux qui avaient très peu d'images par seconde... mais je m'en suis fait une bien meilleure idée avec les menus de Unity, c'est intolérable. Dans le même ordre d'idée, les chargements sont interminables.

Vous savez, en fait je suis très sincèrement triste, parce qu'il y a de bonnes choses dans Unity, c'est vrai. Il y a des tentatives manifestes de réactualiser le gameplay, des nouveaux types de missions, plein de contenu (mais vraiment, il y a des kilos de quêtes annexes qui sont bien mieux scénarisées d'ailleurs que la quête principale et qui s'appuient énormément sur les fonds historique et littéraire de l'époque), une Paris très joliment modélisée (vraiment les graphismes des décors sont bluffants), et d'ailleurs beaucoup plus de bâtiments dont on peut visiter l'intérieur, un mode coopératif dont on rêve depuis longtemps... Mais le scénario est calamiteux et tout ce qui concerne le travail en détail du moteur de jeu et du gameplay est mauvais, voire inexistant, en plus de ne pas être optimisé du tout. Tout ces traits sont des symptômes accablants d'un jeu dont la sortie a été rushée, pour lequel on a refusé de faire les efforts nécessaires pour en faire un peu plus qu'une publicité à vendre aux joueurs naïfs (dont je fais partie).

Je suis triste aussi parce qu'Assassin's Creed, c'est une série en laquelle je crois. Je trouve que se promener dans les villes du passé en sautant de toit en toit, si c'est servi par un jeu décent, c'est vraiment super chouette. Mais il faut toujours se battre contre des défauts inexcusables, relevant avant tout d'un mépris à peine caché de l'éditeur envers les joueurs, et ce malgré des équipes créatives qui ont à l'évidence des idées (pas toujours parfaites, certes, mais souvent intéressantes).

Je continue à espérer... mais après avoir subi Revelations, et maintenant celui-ci, un troisième épisode vraiment mauvais risque fort de me dégoûter à jamais de cette licence (les épisodes intermédiaires que j'ai fait, le III et Black Flag, je les ai appréciés suffisamment que pour passer outre leurs défauts).