Le chef, c'est Minsc maintenant ! Des épées pour tout le monde !

A sa sortie en 1998 Baldur's Gate opérait la réjuvénation du jeu de rôle sur ordinateur (déjà bien lancée avec Fallout je trouve mais le médfan a toujours joui d'une grande popularité) et à ce titre bien des défauts lui avaient été pardonnés, dont certains seront corrigés dans sa suite Shadows of Amn, considérablement meilleure.
Le principal atout du jeu était de mettre en évidence la dimension tactique du système AD&D (dont on ne rappellera jamais assez qu'il dérive fondamentalement du wargame et ne s'encombre pas d'un système de compétences) avec son respect scrupuleux des règles, une action en vue isométrique et une équipe pouvant monter à six personnages et, évidemment, le déroulement en temps réel avec pause. Sans doute son ambition (notamment en terme de contenu) était-elle également un deuxième atout à l'époque.


Que reste-t-il aujourd'hui de cette légende ?
A mon avis fort peu. A la même époque Fallout 2, sa propre suite Baldur's Gate 2 et Planescape: Torment ont placé la barre incomparablement plus haut. Et le moindre CRPG moderne, même médiocre, est bien plus agréable à jouer. Mieux écrit, plus dense et plus efficace en terme de gameplay (même si les systèmes modernes me semblent inutilement compliqués et pas toujours bien lisibles).
Beaucoup de choses sont devenues insupportables :
- le vide sidéral du jeu, avec ses immenses cartes à parcourir pour y rencontrer un rare PNJ qui n'a rien à faire là, avec une pauvre ligne de dialogue, et 3-4 rencontres. Auquel s'ajoute sa construction faussement ouverte alors que le jeu utilise en réalité des rencontres insurmontables comme barrières. A moins de suivre à la lettre - et sans prendre de chemin de traverse - les flèches de la trame principale (en général assez évidentes) on se retrouvera donc à souvent rétropédaler faute de pouvoir franchir un groupe de monstres, parfois isolé au milieu d'une zone qui semblait pourtant abordable.
- l'écriture particulièrement frustre, avec des quêtes et une narration souvent très sommaires et d'un intérêt pas toujours évident, des choix (et des dialogues) limités, et un monde très passif, qui attend sagement le joueur pour déclencher son petit script grossier et rarement cohérent avec l'environnement de jeu ;
- l'aléatoire d'AD&D, surtout à petit niveau, où une seule réussite critique fait souvent la différence entre une victoire ou un échec. Les tous premiers niveaux nos personnages n'ont que peu de points de vie (un mage décède sur une attaque) et un THAC0 vraiment faible (avec des combats qui durent sans que personne ne touche) ; il faut souvent rejouer une même rencontre en attendant d'obtenir un résultat opportun. Sans parler des jets de sauvegarde ratés contre des effets de masse ou de mort instantanée qui peuvent balayer une équipe. Le joueur devra ainsi consacrer un temps considérable à se préparer pour les rencontres difficiles, tricher sans vergogne avec le brouillard de guerre et, même ainsi, s'attendre à les rejouer encore et encore. Contrairement au jeu de rôle sur table ici pas de MJ pour composer avec les règles et maintenir à la fois la tension et l'intérêt.


Bref le jeu est finalement bien pauvre sur la partie roleplay et tout entier tourné vers ses combats à l'aléa considérable, d'autant que les premiers niveaux ne sont pas vraiment les plus passionnants dans le système AD&D. Points de vie réduits à peau de chagrin, THAC0 faible, des lanceurs de sorts aux possibilités très limitées (à la fois en terme de choix et de nombre de sorts), etc.
Et la version Enhanced ne fait absolument rien pour corriger ça, de même que le pathfinding désastreux et le micro-management excessif que je n'avais pas encore abordés. Pire elle aggrave les défauts du jeu en rajoutant du contenu qui n'apporte aucun intérêt et très mal intégré dans la trame principale et propose des aventures indépendantes sans réelle consistance. Alors que le problème de Baldur's Gate, surtout dans le contexte du jeu vidéo actuel, c'est d'être plein de vide et trop long / lent, avec 100+ heures de jeu pour boucler l'aventure, dont beaucoup consacrées à traverser des étendues vides, lancer des parchemins et boire des potions avant de rejouer une rencontre en espérant cette fois un résultat favorable.
L'aventure supplémentaire se veut plus moderne mais reste mal scriptée, superficielle, inconsistante et très mal écrite, et s'inscrit dans une fourchette étroite entre BG1 et BG2, avec pour résultat qu'en terme de progression il n'y a rien à en attendre. Jusqu'à sa conclusion abyssalement nulle et pourtant j'ai vu passer quelques mauvais MJ, mais aucun pour proposer un rebondissement de cet acabit. A ce niveau de médiocrité il faut chercher du côté d'Hollywood.
De mon point de vue la découverte de Baldur's Gate est aujourd'hui plus que dispensable, même en prévision de jouer sa suite, bien plus consistante et efficace au demeurant.

bunnypookah
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le 11 août 2021

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