Je vais essayer de faire synthétique, bien entendu mon feedback est à contre-courant - je questionne ce positionnement minoritaire, lié sans doute à mon expérience, mes goûts, mon humeur et mes envies du moment... Nous sommes une minorité plus ou moins silencieuse dans ce cas, et rares sont les personnes dans mon entourage à l’avoir a-do-ré sans réserves. Accrochez-vous : le CRPG et les jeux isos, c'est mon kink. Bioware/Black Isle, c'est ma jeunesse. Et pourtant (ou par conséquent?) je n’ai pas vraiment aimé Baldur’s Gate 3 – et si les 2 premiers n’étaient pas parmi mes jeux de cœurs, je n’aurai probablement pas dépassé l’acte 2.
1) Du gameplay - un moteur inadapté et du lancé de dé en pagaille
- Des combats au tour par tour tactiques et sympa s’ils ne dépassent pas les 10 ennemis…
- … parce qu’au-delà c’est la punition : interminable et punitif pour rien, il faut tricher pour avancer. A entendre que 20 boîtes d'ennemis viennent s'ajouter à ma barre d'initiative parce que j'ai raté un test d'observation, c'est sanctionné d'un soupir immédiat parce que je sais que je vais subir ce combat au moins 1 ou 2 fois, avant de comprendre comment LE CONTOURNER (et non le résoudre par son système).
- D’autant que la lisibilité des scènes est absente, plus encore lorsqu’il y a plus d’un étage à mettre en scène (spoiler : c’est le cas de la plupart des cartes), et que la caméra va passer d’un perso à l’autre, passer entre les murs, ne rien afficher de pertinent pour la planification tactique.
- Le pathfinding est grotesque (dès qu'il y a des sauts, de la verticalité, c'est compliqué).
- C’est l’empire du mis-click : le décor fourmille de détails, tout est clicable, mais la souris sert autant à sélectionner qu’à bouger la caméra. Quel enfer.
- L’inventaire est un désastre. Heureusement ils ont implémentés une recherche par mots pour s’y retrouver. Revoir les options d’armes de nos persos est un enfer (bis) - heureusement on passe notre temps à trouver des armes légendaires qui finissent à 90% au grenier (le prix d'avoir autant de combos de personnage disponibles dans le jeu?).
- Heureusement de nombreux mods vont permettre de profiter de la vue caméra de la version gamepad sans l’horrible menu circulaire…
- Graphiquement le jeu est relativement beau (il est surtout très détaillé), avec une direction artistique un peu fluo, et certains costumes sont assez ridicules si on prend 2 minutes pour prendre du recul (conferrant un look très Power Rangers). Dès l’acte 3 on comprend que techniquement c’est n’importe quoi et que ce studio n'a pas le talent de ses ambitions : toutes les textures des niveaux sont chargées en permanence, même sur une bête de course il faut attendre 3 minutes de plus pour que tout soit bien en mémoire.
- Nid de bugs, à part Deadly Premonition, c’est le jeu le plus buggé auquel j’ai joué dans cette décennie (en moyenne un bug significatif - collision, pathfinding, texture manquante, détection, déclenchement manquant, etc. par session de jeu), et chaque patch pèse des dizaines et dizaines de Go. Ils "reshippent" le jeu à chaque fois au complet en somme.
- Probablement le moins capable des moteurs Iso que j’ai pu utiliser jusque-là (je me suis relancé Pathfinder et Shadow Tactics… le confort est incomparable).
2) De la narration - pas mon jeu de rôle
J’ai souvent entendu : jamais on n’a été aussi proche d’une table de jeu de rôle. Celles que je fuis : où on décide d’un dialogue sur un jet de dé optimisé, où l’issue de ce dialogue est irrévocable. Celles où on a la liberté de coucher avec tous les persos sans raisons (et en échange, tout le monde cherche à te violer), et où on te laisse marcher sur le lore et le jeu des autres joueurs en te laissant interpréter n’importe quoi.
- 80% des persos sont excessifs, l’écriture est « beauf », tourne autour du cul ou des égos mal placés. L’humour m’a laissé de marbre.
- Les rescapés des 2 premiers opus sont des musées, ils n’ont pas d’arcs et on ignore leur nature profonde (je ne suis même pas sûr que Minsc évoque Dynahéir).
- Les maps sont grandes et l’exploration en monde ouvert permet une certaine dynamique, mais on perd complètement l’aspect voyage (qui était déjà moins réussi dans le 2) et parcours de ces contrées.
- Je ne retrouve pas le souffle d'aventure des BG1&2, probablement parce que BG3 tourne autour des psychoses d'individus plus qu'autour d'une grande fresque collective dans laquelle on s'inscrit. La grande fresque épique existe, mais manque de mise en contexte et de mise à l'échelle principalement parce qu'on est dans le registre de l'épique dès la première seconde (on commence avec des demi-dieux ayant couchés avec des dieux pour finir en héro de la ville), et que les cartes et leurs agencements ne procurent pas de sensation de voyage. Ni de cohérence d'ailleurs. On ne comprend pas trop où nous sommes sur une carte du monde, où nous allons, cela fait très jeux vidéos. La présence d’une méga-map pour se situer dans un tout n’aurait pas été du luxe. L’absence de ces voyages donne l’impression que l’acte 1 se situe dans 10km² où tout ce monde cohabite dans la même cuisine sans vraiment que ça ait d’incidence.
- Les 3 actes ont chacun un ton différent et sont indépendants, comme développés par 3 personnes distinctes.
- L’acte 1 ouvre toutes les intrigues, se parcourt de bien des manières et sans déplaisir (7/10)
- L’acte 2 est crépusculaire après la parenthèse du monastère. Tristounet, avec quelques twists d'intrigues, 1 donjon qui est sans doute le meilleur du jeu (temple de Shar) et qui se termine sur une fin plutôt épique un peu bourrine pour une fin d'acte. (6.5/10)
- L'acte 3 est un ballon bien gonflé par les 2 actes précédents et qui se dégonfle assez vite. On part vite sur une enquête excitante mais dont l'issue ne fait rapidement pas trop de doute, on comprend vite qu'il faut récupérer les 2 autres pierres et cloturer les quêtes annexes pour récupérer des alliés. Mais la clôture de ces quêtes est souvent décevante : un donjon court et mal foutu, un combat indigeste et c'est tout. Le plus emblématique dans le genre est le manoir vampire. On s'attend à cette rencontre depuis le début du jeu, on espère un grand moment du jeu, mais il est expédié en 4 salles, 2 dialogues et un combat pas trop mal au demeurant. La carte de l'acte 3 est grande, mais le moteur est incapable de gérer ça correctement (le chargement des textures est un grand moment d'attente malgré ma bête de course) et l'organisation de la ville est difficile à lire. (5/10)
- La grande qualité de ce jeu est sa modularité (on a pas mal de liberté dans l'approche pour aborder et résoudre un problème). Il m'a procuré irrégulièrement de bons moments (et souvent entre deux blagues type « un nain enc$$ un orc », surtout grâce à la diversité des possibilités de résolution. Il y a bien des fulgurances et pas mal de situations intéressantes grâce au système de jeu et notre imagination... et j’ai trouvé la fin assez réussie. La trame principale ne casse pas 3 pattes à un canard, mais le personnage de « L’empereur » est une réussite, même si ce qu’on va nous proposer était fort prévisible. Quelques bons points donc, mais il est très loin du niveau qu’on veut bien lui donner.
- Le clou dans son cercueil, pour ma part, a été de relancer The Witcher 3 autour de Mars, étant en train de lire les livres : il me restait des miettes de quêtes à parcourir, mais elles étaient toutes très au-dessus de n’importe quelle trame majeure de BG3 en terme d’écriture et surtout de mise en scène, et que son world-building, son gameplay étaient au niveau de la technique, avec une ambition cohérente.
Fin de ce chapitre – ENFIN
Je pense qu'un autre studio avec un moteur plus adapté au genre et une narration moins "over the top" et folle peut faire bien mieux. Merci d'avoir aidé le genre (il y aura du budget pour le 4 et d’autres CRPGs du genre dans les mois à venir !), mais content que Larian s’arrête là sur cette saga.