BioShock Infinite
7.5
BioShock Infinite

Jeu de Irrational Games et 2K Games (2013PlayStation 3)

J'ai bien aimé ce jeu. Plus, à dire vrai, que son grand frère, le premier Bioschock. Je sais bien que je commets une espèce de blasphème aux yeux de certains, mais tant pis. Les deux titres ont pour eux d'être visuellement inspirés. Les villes soumises à notre exploration sont, à chaque fois, magnifiques et leur concept respectif est fascinant, même si j'ai une légère préférence pour le monde aérien au détriment de l'aquatique.


L'exploration est un peu plus intéressante dans le premier Bioschock, car plus ouverte. Infinite, lui, n'est rien d'autre qu'une gigantesque visite guidée, mais nous y reviendrons. L'expérience n'est cependant pas radicalement différente. Dans les deux jeux, le joueur consciencieux doit passer la moitié de son temps à fouiller absolument tout et n'importe quoi. Cet élément de gameplay, loin d'être anodin, parasite l'expérience du jeu. "Bon, je suis sûr de n'avoir rien oublié ? Allez, je refais un tour." Le joueur, rendu parano, appuie frénétiquement sur la même touche, collé à chaque élément de décor. Sa récompense ? Des objets parfois sortis de tout contexte, des ananas dans des tiroirs ou de l'argent dans des poubelles.


Au niveau du gameplay, cependant, Infinite récolte mon adhésion. C'est un peu mieux qu'avant. Les sensations apportées par les gunfights sont plus généreuses. Le rail aérien, s'il n'est pas un élément essentiel du gameplay, procure une bonne dose de fun. Le piratage insupportablement répétitif du premier Bioschock a été remplacé par un simple pouvoir à lancer. Tout est plus fluide, rien ne devant enrayer la jolie visite guidée à laquelle on nous convie.


Reste le scénario. Pour moi, le premier n'en avait pratiquement pas. Il y avait un superbe background, et il nous appartenait de le découvrir pour donner du sens à nos pénibles quêtes fedex. Le héros d'Infinite, lui, parle ! Le jeu en devient immédiatement plus vivant, particulièrement lorsque nous sommes rejoint par Elisabeth, l'un des meilleurs personnages secondaires que j'ai vu depuis longtemps dans un jeu. Utile, mignonne, drôle et juste bavarde ce qu'il faut, elle contribue à enrichir l'expérience du joueur. Elle représente aussi notre but, l'essence du scénario. Le scénario qui a tant fait couler d'encre à l'époque.


Cette histoire a du sens, mais un sens éminemment ludique, ce qui tombe bien vu le média. Il faut aimer les casse-tête constitués par les dimensions parallèles, et le surgissement de twists plus ou moins improbables. Toute la narration est là, dans cette joyeuse manipulation de nos attentes et de nos croyances, dans l'éclatement d'une vérité-puzzle qu'il appartient au joueur de reconstituer. Et il faut dire que, à quelques incohérences attendues près, le projet tient la route, un zeste de poésie en sus. Le reste, l'histoire vécue au premier degré, est effectivement beaucoup plus anecdotique.


Les plus gros clichés de la satire politique et religieuse répondent présent. Par quoi commencer ? Peut-être par le leader de la ville, à la fois président et prophète auto-proclamé. Et comment présente-t-on les religieux dans une œuvre qui veut les critiquer sans trop se casser la tête ? On les faaaaaaaiiit tout le teeeeeeeeemps parler fooooort, et ont leur fait diiiiiiiiiiire certains moooooooots en trainant comme dans une mauvaiiiiiiise pièce de théâââââtre ! Bon Dieu que cet effet est cliché ! Le leader religieux fou... La religion définie uniquement comme vecteur de manipulation. Quand on sait qu'on doit écouter des tas d'enregistrements de cette voix, autant vous dire qu'il faut être motivé.


En plus d'être fou, ce brave Prophète est raciste. Va-t-on avoir droit à une critique sociale intéressante de l'Amérique du début du vingtième siècle ? Non, encore une bonne dose d'exagération, à coup de Noirs terrorisés à l'idée de fumer une cigarette dans un coin tranquille, la tête toujours baissée comme les esclaves qu'ils ne sont plus, en tout cas si j'en crois mes livres d'Histoire. Ne parlons pas des toilettes transformées en champ de bataille pour excréments... alors que des hommes de ménage Noirs trainent dans le coin. Qu'est-ce qui les empêche de nettoyer leurs propres chiottes ? Certainement le vilain Prophète raciste.


Terminons cette subtile critique sociale par la question des pauvres. Tous rassemblés dans leur bidonville, situé forcément à un niveau inférieur, peuplé de pantins maigrichons qui tirent la gueule à tous les coins de rue. Manque plus que la rengaine déchirante d'un violon et je verse ma petite larme.


Vu que toutes ces zones sont peuplées de personnages qui balancent une ou deux phrases avant de s'immobiliser, impossible pour moi de ne pas me sentir embarqué dans une attraction à la Pirates des Caraïbes. Chose amusante, le gameplay du jeu est justement expliqué au joueur via une fête foraine en début de partie. Et puis, le rail aérien dont je parlais plus haut et qui ressemble foutrement à une espèce de montagne russe... Tiens, tiens. Et si tout cela avait sa part de sens aussi ?


Infinite est une gigantesque visite guidée, disais-je. Le premier niveau de son scénario nous fait traverser de façon dirigiste des décors dont les thèmes sont presque parodiques, comme je viens de l'expliquer. Tout cela sonne comme un prétexte pour s'envoyer en l'air et tirer sur des cibles de foire. Le message du jeu m’apparait clairement: "Tu joues à un jeu vidéo". C'est comme si Infinite s'arrachait la peau devant nous pour dévoiler sa mécanique, aussi grossière que fun (excepté ces satanés fouilles). L'expérience se désigne elle-même comme artificielle.


Au deuxième niveau de narration nous avons donc cette superposition dimensionnelle qui finit également en une métaphore des choix, pauvres et illusoires, offerts par les jeux vidéo. Car la seule chose qui change finalement entre les parties des joueurs, c'est évidemment leur façon de jouer. Le rappel de cette évidence permet de replacer le gameplay comme unique préoccupation - ou du moins principale préoccupation - du média. Le reste n'est que decorum nécessaire à la mise en place ludique.


Infinite nous indique ainsi que les joueurs comme moi qui fustigeaient le premier Bioschock de n'être qu'un vaste background sans véritable scénario avaient tort et que, finalement, en croyant avoir autre chose avec cet Infinite, ils se sont encore trompés.


J'ai donc apprécié ce jeu parce que je l'ai trouvé assez fun, plutôt joli, amusant dans ses rebondissements, et aussi parce que j'ai été charmé par ses deux personnages principaux. Et même si je ne suis pas vraiment d'accord avec son message profond - le seul à creuser dans toute cette interminable farandole scénaristique - il m'a permis de me moquer de mes attentes prétentieuses et de retrouver l'âme d'un marmot perdu dans une fête foraine.

Amrit
7
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le 27 déc. 2017

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