Il était une fois, une jeune fille aux joues roses et aux cheveux noirs comme l'ébène, attachés d'un ruban de soie, mais au regard triste et inquiet. Lana, pensionnaire de l'orphelinat de Bunny Hall, s'interroge sur la disparition de sa tendre amie, Carole. Plongée dans sa solitude, elle s'égare dans le monde de ses rêves, où des oiseaux bleus descendent pour elle de l'azur des cieux... jusqu'à ce qu'une lettre mystérieuse de son amie disparue vienne troubler ses songes, les faisant basculer dans un cauchemar éveillé. Alors, valait-il la peine de suivre le lapin dans son terrier ?


❤ À l'ouverture du chapitre, c'est un nouveau monde en couleur qui se dévoile, entièrement dessiné à la main et rappelant immédiatement l'esthétique des grands classiques Disney. D'ailleurs, le grain qui recouvre l'image renforce encore plus ce charme d'antan et éveille la nostalgie des vieilles VHS qui rythmaient nos visionnages. Le jeu apparait presque comme un film interactif tellement l'animation en est le cœur battant ; entre cinématiques enchantées et de belles animations pour les personnages et l'environnement, le tout en 2D, on est complètement plongé dans la magie de ce conte animé.

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❤ Voici alors venir les personnages principaux de cette histoire, aussi attachants que faillibles. Dans ce désir de rendre hommage à nos dessins animés de l'enfance, on y retrouve beaucoup d'archétypes de l'époque : Lana, l'orpheline isolée en quête non pas du grand amour mais de sa chère amie disparue ; Ms. Hinman, la professeure froide et stricte qui rappelle sans mal la marâtre ; Baesie et son rôle de mascotte drôle et attendrissante... Et pourtant, ce petit monde m'a procuré un sentiment familier et profondément réconfortant. Aussi, comme toute princesse déterminée, Lana va petit à petit évoluer, non sans trébucher, en s'ouvrant à son monde et en brisant ses illusions une à une. C'est vrai c'est étrange, de voir comme elle change sans même y penser.

❤ Une histoire éternelle qui touche de son aile un univers fantastique et énigmatique mais bien inscrit dans un contexte historique, à savoir le début du 20ème siècle, où certaines mentalités commencent enfin à se libérer. Le scénario en lui-même est très simple, mais ce sont tous les parallèles subtils entre rêves et réalités qui subliment l'ensemble. On côtoie des thématiques assez sombres (harcèlement, sexisme, solitude, etc...) mais la barrière entre cauchemar et réalité est parfois si fine que l'on se pose par moment la question, sommes nous éveillés ou non ? Il y a d'ailleurs pleins de petits détails qui se croisent et floutent encore plus cette frontière entre l'imaginaire et le vrai et sont laissés à la libre interprétation du joueur. Puis, il y a ces touches moins discrètes mais tout aussi parlantes ; Lana contrairement à Alice ne va pas suivre le lapin mais en devenir un elle même, symbolisant sa vulnérabilité face à un monde qu'elle n'accepte pas ; Carole citant constamment la citation de Moby Dick "Il y a quelque chose de glorieux et de gracieux dans le vent", vent qui emporte sa lettre au loin, et faisant inconsciemment avancer Lana vers sa destinée, et surtout la faisant grandir pour ne pas rester une enfant perdue dans son pays imaginaire. Et c'est là toute la force du jeu avec cette double lecture à la fois dans ce qu'il raconte mais également dans les symboles qu'il sème.

❤ "Oh toi mon rêve, écoute ma chanson", car en effet, les rêves de Lana sont remplis de mélodies symphoniques qui n'ont rien à envier aux compositions du studio aux grandes oreilles. Avec ses thèmes orchestraux puisant dans l'héritage du romantisme, les musiques accompagnent les péripéties de notre protagoniste avec une grande expressivité. Et pour pousser jusqu'au bout le clin d'oeil, le thème principal se voit repris dans une version plus pop dans les crédits de fin, bouclant la boucle avec élégance. Nos aventures sont également portées par les comédiens de doublage qui parviennent, à mon sens, à reproduire cette tonalité particulière de l'époque, entre le narrateur et sa théâtralité captivante ou bien l'intonation claire et chantante des personnages.


+/- Si l'on retrouve en effet la magie d'un Disney, le monde va vite basculer dans l'effroi. La balance entre l'aspect féérique et coloré de Corolla, et l'horreur gothique et obscure du cauchemar, parfois même tapie dans le monde réel, est particulièrement bien menée. Si le jeu ne fait pas particulièrement peur, il impose tout de même une certaine angoisse, nourrie par ses décors inquiétants et ses bruitages oppressants, et notre pauvre âme en perdition au milieu de tout ça. Mais avant tout, ce qui glisse comme une ombre noire, et transforme vos rêves en cauchemars, ce sont ces monstres de goudron, aux transformations troublantes et au design dérangeant, qui ne cesseront de vous poursuivre. J'y ai retrouvé un peu de Little Nightmares par moments, dans la façon de les mettre en scène et de souligner cette peur du grand et du difforme. En revanche, le jeu s'appuie un peu trop sur des jumpscares faciles qui finissent par perdre leur effet, et les phases de course-poursuite ne sont pas bien équilibrées : même en distançant notre poursuivant, se cacher dans la même pièce ne suffira pas à lui échapper. Cela oblige constamment à traverser des salles pour pouvoir se mettre à l'abri dans une autre pièce. Ajoutez à cela un pattern d'ennemis qui laisse peu de marge de manœuvre, et la peur se transforme alors vite en frustration.

+/- Profiter de l'animation c'est bien, mais pour un jeu, prendre les commandes c'est mieux ! Et niveau gameplay, on peut dire qu'il est assez varié... bien qu'il manque quand même d'une meilleure optimisation. Déjà, les énigmes sous forme de puzzles ne sont ni trop simples ni trop difficiles et jouent habilement avec les transformations de Lana et Baesie ce qui les rendent assez amusantes. Mais si au début on siffle en travaillant, la redondance des mécaniques et les nombreux allez-retours finissent par nous faire souffler en travaillant à la place. Les phases d'infiltration, quant à elles, instaurent une bonne tension à chaque apparition d'ennemi, mais souffrent d'une gestion maladroite de leurs déplacements et des poursuites. Puis, on retrouve un peu de légèreté et de renouveau avec le jeu de danse, mais il s'avère extrêmement simple et de ce fait, en devient presque trop long. Enfin, s'aventurer dans les rêves de Lana va demander un peu d'adresse au travers d'étapes de plateforme comme l'escalade, de l'équilibre.... et des sauts très imprécis qui m'ont valu beaucoup de chute. Une animation fluide certes, mais je ne peux donc pas en dire autant des contrôles.


✖ Si Lana semble avoir suspendu le temps, il en va de même pour plusieurs scènes non cinématiques, où les dialogues trainent un peu en longueur et où l'action du joueur est juste figée. Normalement, c'est Lana la dormeuse, mais ici, c'est notre patience qui commence à somnoler.

✖ On aimerait pouvoir poser notre marque-page sereinement dans ce conte, mais les sauvegardes ne sont pas bien ajustées. Les boîtes aux lettres (symboles de sauvegarde) sont parfois trop espacées dans les niveaux, et les auto saves manquent de clarté car il n'est pas toujours évident de savoir quand le jeu prend notre progression en compte.

✖ Quelques petits bugs surviennent pendant la partie, tant au niveau graphique que dans les actions effectuées par les personnages. Mais ils seront certainement corrigés avec le temps ; d'ailleurs au moment où j'écris ces lignes, un patch est déjà sorti, donc... aie confiance.


Ainsi s'achève notre histoire, ou plutôt ce rêve à la fois charmant mais pas toujours des plus plaisants. Malgré ces chemins parfois sinueux, on en ressort le cœur empreint d'une tendre nostalgie. Et si Disney nous enseignait que "rêver sa vie en couleur, c'est le secret du bonheur", finalement la morale de Bye Sweet Carole est plus nuancée ; il ne faut pas fermer totalement les yeux sur le monde si l'on veut atteindre ses rêves. L'air du vent qui emportait les lettres de Carole, fait s'envoler cette fois les peurs de Lana la poussant à tracer son propre chemin.

Elle vécut heureuse... ? Ca sera à elle d'en décider.

The End.

Miyakuli
7
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il y a 5 jours

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Miyakuli

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