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Un Visual Novel inégal, servi avec une sauce RPG savoureuse.

Mes débuts sur Citizen Sleeper ont été laborieux : déjà, on doit choisir une classe alors qu’on ne connait strictement rien du jeu, qu’on ne comprend pas ce qu’est un « dormeur », et encore moins des « cryos ». Et oui, les vieux RPG faisaient ça, mais ils étaient vendus avec des manuels de 200 pages qui permettaient d’éclairer le choix. Du coup j’ai choisi au pif, et heureusement ça n’a eu quasiment aucun impact sur la suite du jeu, puisqu’on on va progresser de la même manière dans l’arbre de compétence quelle que soit notre classe.


Ensuite j’ai trouvé l’interface franchement pas accueillante : on se déplace sur la carte avec la molette de la souris (mais au secours quoi !), ils y a des jauges de partout, et on est noyé sous une douche d’information sur les actions, leurs modalités et leurs options. J’ai eu l’impression de lire le manuel de ma nouvelle machine à laver tellement c’était pas organique, et en plus le jeu en rajoute une couche en me disant qu’il y a un « risque de perte de cryos » si je fais une action. Mais nom de Zeus, je sais toujours pas ce que c’est qu’un cryo moi hein !


En plus c’est très bavard (normal quoi, c’est un visual novel), du coup on a beaucoup beaucoup de choses à ingérer sur l’univers, les protagonistes, les règles du jeu, la compréhension de l’interface, bref c’est un poil aride. Les jauges stylisées c’est sympa, mais j’aurais préféré comprendre du premier coup d’œil à quoi elles servent on va dire. Heureusement la musique est excellente et pose une ambiance sonore impeccable. Le style graphique des illustrations est, quant à lui, particulier... en gros, j’ai détesté, j’ai trouvé les personnages moches et leurs tenues grotesques, mais bon, les goûts et les couleurs comme on dit...


Le système de jeu, qui nous voit tirer une série de dés à six faces en début de journée, dés qu’on va pouvoir attribuer à différentes actions de notre choix, est vraiment cool. Bon ok, ma première journée j’ai tiré 1-2-1-6, donc j’ai su que j’allais foirer quasiment tout, mais par la suite le jeu trouve des manières d’exploiter les dés faibles, et ça c’est cool. En plus je suis très client de la structure RPG avec son cycle action-récompense-déblocage de nouveau truc, donc côté gameplay, une fois que j’avais compris comment les choses fonctionnaient, ça me plaisait beaucoup.


Mais un visual novel ne vaut réellement que par la qualité de son écriture, et pouaaaah, y’a beaucoup de choses à redire ce ce côté-là :

Le discours politique est du niveau collège : j’ai beau être un gauchiste de service, le discours non-nuancé à base de « les grosses corpos c’est pas bien » « à bas l’oppression » « les riches sont vraiment trop méchants », ça manque quand même de subtilité. Non pas que ça ne corresponde pas à des idées que j’ai, mais j’attends d’une œuvre de fiction qu’elle avance ses idées de manière bien moins frontale.

Là on vient de m’expliquer qu’il y a des réfugiés qui voudraient pouvoir accéder à la station spatiale, parce qu’ils vivent dans des conditions atroces, et une des trois réponses possibles c’est « Les pauvres, ils sont bien à plaindre ». Mais sérieusement, qui balance des tirades aussi plates ? Je joue toujours les paladins dans les jeux vidéos, mais là il m’en a coûté, j’ai eu l’impression d’avoir un QI de 20 en choisissant cette réponse... (et je l’ai testée, elle n’était pas ironique comme je le craignais, c’était effectivement la réponse de style paladin).

Les pronoms inclusifs sont utilisés n’importe comment : tout le récit adopte un point de vue interne à notre personnage, sauf quand celui-ci voit une personne non-binaire, qui est directement désignée par un « iel », ce qui fait zéro sens puisqu’on n’a aucune information sur cette personne. Je comprends l’importance de respecter les pronoms des personnes, mais il faut que le pronom en question soit porté à notre connaissance d’abord. Là le jeu mélange point de vue omniscient et point de vue interne, et c’est horrible à lire !

Y’a aussi un espèce de kink pour la nourriture dans le jeu, avec des descriptions beaucoup trop longues sur le goût des champignons, des descriptions de saveurs dont j’avais rien à péter, et des métaphores ridicules. « Vos capteurs gustatif explosent aussitôt comme un réacteur à fusion » est une vraie citation du jeu, qui m’a bien fait rigolé, mais n’a pas réussi à me faire toucher du doigt l’extase que mon personnage semblait ressentir...


Mais je serais d’une mauvaise foi certaine si je prétendais que le jeu ne m’a jamais ému. Certaines scènes, certains moments, sont touchants et bien écrits. J’ai pas versé ma petite larme, mais presque. Le problème, c’est que d’autres se veulent touchants et bien écrits, et tombent complètement à plat. Et être face à une scène qui se veut émouvante mais qui tombe à plat, c’est sans doute le pire truc qui puisse arriver dans une œuvre de fiction.


Donc voilà, porté par le gameplay intéressant, et par les quelques pépites d’écritures qui surnageaient, j’ai oscillé entre lassitude et intérêt certain pour l’histoire, et fini par voir le bout du jeu.

Et si j’aurais bien du mal à le recommander, j’espère croiser un système similaire à ses dés dans un autre jeu, parce que ça c’était cool.


12/20


Jopopoe
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