Cruelty Squad
7.7
Cruelty Squad

Jeu de Consumer Softproducts (2021PC)

Les jeux d’assassins n'ont définitivement pas la cote. Si le Père 47 nous a gâté ces dernières années avec la trilogie HITMAN d'excellente qualité précédé par les deux qualitatifs Dishonored, la famille des simulations de tueurs à gages n'est hélas pas très prolifique (Certains diront que la licence Assassin's Creed est encore bien vivace, à ceux-ci je répondrai : AH)


C'est alors que vient Cruelty Squad. Un jeu qui vous met dans la peau d'un assassin vivant dans un futur dystopique où les corporations font la loi et dans lequel la vie ne vaut guère que cinq cent dollars.


Première chose qui frappe à l'esprit : Cruelty Squad est laid. Porteur d'une esthétique tout droit sortie d'un prototype raté de jeu vidéo des années 90. L'environnement est ultra-pixelisé, avec des tons ultra saturés, une coloration presque aléatoire et très criarde, des textures au hasard (On sent notamment l'influence de certains jeux comme LSD Dream Simulator au travers de la direction artistique et du concept en général). Cette laideur, Cruelty Squad l'assume parfaitement, l'idée étant de peindre un monde repoussant, que ce soit par les graphismes du jeu, les nombreux ennemis ou son futur. Je vous invite à ce titre à contempler le visage de monsieur tout le monde qui ressemble à une sorte de chirurgie ratée associée à une forme de possession démoniaque.


Cruelty Squad fait le pari d'être une expérience plutôt...cryptique sur de nombreux points, notamment en termes de prise en main. Oubliez le classique R pour recharger, maintenant il faut utiliser la souris en faisant glisser le clic droit. SHIFT est pour zoomer, C pour changer d'arme... Sans doute cette attribution des touches un choix personnel des développeurs. Typiquement il s'agit d'un des nombreux aspects qui en rebuteront plus d'un, même si on finit par s'y habituer à cette prise en main quelque peu cryptique.


Cryptique : c'est l'adjectif, mélioratif ou péjoratif selon tout à chacun, qui convient le mieux pour décrire Cruelty Squad. Que ce soit dans la prise en main, l'interface, les ennemis, les graphismes l'environnement, le monde dans lequel votre personnage évolue et même les prérequis pour "terminer" le jeu, tout semble venir d'une autre dimension, aux règles et à la logique semblable à la nôtre mais ô combien distordue.


Toutefois, Cruelty Squad ne contente pas de se reposer sur un vernis superficiel de pourriture qui consiste à écœurer juste pour le principe. Il y a de la chair bien garnie et biomécanique derrière la peau rance.


Le jeu se veut assez difficile : deux armes au maximum avant de partir en mission, des munitions (souvent) limitées, pas de système de carte et quatre emplacements pour des implants aux prix parfois élevés et difficiles à trouver : Cruelty Squad s'annonce dès le début comme un jeu plutôt rebutant et hardi. Les ennemis sont nombreux, votre santé fond comme la neige au soleil, et il n'existe aucun point de sauvegarde : trop de balles dans le buffet et c'est retour à la case départ, que vous soyez à deux doigts de la sortie ou bien au tout début de la mission.

Cependant, point d'éponges à balles, ou tout du moins pas en difficulté "normale" pour la plupart des ennemis ; une rafale bien placée, c'est-à-dire dans la tête suffit à les coucher, chose très appréciable et qui évite de créer une difficulté artificielle. Le fait que l'on soit aussi vulnérable que la plupart des ennemis (Dans la majorité des cas tout du moins) oblige à réfléchir où l'on met les pieds, chose à laquelle les niveaux s'accordent très bien en permettant aussi bien une approche frontale que l'infiltration dans la plupart des cas. C'est personnellement quelque chose qui m'a beaucoup plu, pas moyen d'abuser d'un système de sauvegarde ou de retourner en arrière : le moindre faux-pas peut signifier la mort et oblige à planifier un minimum ses actions.


On ne pourra pas non plus enlever au jeu une certaine volonté d'offrir au joueur de quoi se faire plaisir. Cruelty Squad est relativement généreux en termes de contenu : une quinzaine de missions parfois difficiles, même en difficulté "normale" sans compter tous les modules dont vous pourrez vous équiper : implants pour sauter plus haut et plus loin, pour se faire discret, rapetisser, transporter plus de munitions, donner des super coups de pied, détecter les ennemis...Jusqu'à quatre implants peuvent être utilisés en même temps, offrant au joueur une certaine re-jouabilité et lui permettant de massacrer son prochain de façon très variée. Ce n'est d'ailleurs pas tout d'offrir au joueur une rangée d'armes allant du pistolet classique au gaz corrosif en passant les mitrailleuses lourdes et les fusils d'assaut. Si Cruelty Squad ne propose pas une panoplie d'arme à la hauteur de son univers inquiétant, la sensation de tir est bien retranscrite : chaque impact de balle se fait sentir et à aucun moment le joueur n'a l'impression de tirer dans un sac à patate : un coup de magnum et c'est la cible qui explose en morceau.


Certains attribueront à Cruelty Squad un sens caché et la lecture de certains ouvrages pour "comprendre" le jeu. Je vous le dis tout de suite ; Cruelty Squad s'apprécie comme un FPS barré. L'univers dystopique est moins présent pour donner un propos que de poser un contexte destiné à renforcer la sensation de dégoût que le jeu cherche à instaurer. Des analyses peuvent être faites, des parallèles peuvent être creusés : aucun n'est nécessaire pour pleinement apprécier le jeu.


Si j'ai trouvé Cruelty Squad très prenant, je ne peux hélas pas ignorer quelques défauts.

En point négatif, l'intelligence artificielle est calamiteuse. On n'est plus sur le domaine de l'accident mais de la catastrophe industrielle : il suffit que les ennemis vous remarquent pour perdre complétement leurs moyens et tourner en rond comme des idiots avant de vous tirer dessus. Leur réaction est très imprévisible, et oscille entre la débilité, la passivité et l'acharnement. Des efforts auraient été bienvenus pour rendre les PnJ hostiles un peu plus intéressants et moins mécaniques, qui plus contribuent à augmenter la difficulté déjà bien corsée. Cela n'est pas arrangé par le fait qu'on a parfois l'impression que certains ennemis ont subi une ablation des oreilles et des yeux tandis que d'autres ont la vision d'un oiseau de proie.

On note aussi que la conception des niveaux baisse en qualité au fur et à mesure de la progression du jeu. Si les premières missions sont très efficaces, les niveaux secrets sont eux très hétérogènes en termes de qualité et témoignent d'un certain essoufflement. De façon générale, c'est le concept du jeu qui finit par s’essouffler une fois les missions principales terminées, Cruelty Squad donnant beaucoup d'outils mais pas assez de matière sur laquelle les faire travailler. On reste cependant toujours pantois devant les environnements, les concepts et le monde résolument troublant de celui-ci. Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise après avoir acquis un lance-flammes que je pouvais m'en servir pour griller la chair de mes ennemis et la manger, ou d'apprendre que trois dieux malfaisants en forme de boules vivent à côté de ma maison récemment acquise.


Cruelty Squad est un OVNI dans son genre. Hideux, étrange, inquiétant, volontairement confus. Si je trouve qu'il lui manque un peu de hauteur pour se hisser comme un excellent jeu, il n'en reste pas moins une expérience qui vaut le détour, pourvu qu'on s'habitue à ses mécaniques.

The_Singe
6
Écrit par

Créée

le 2 juil. 2023

Critique lue 29 fois

The_Singe

Écrit par

Critique lue 29 fois

D'autres avis sur Cruelty Squad

Cruelty Squad
JulietteBidon
2

Critique de Cruelty Squad par JulietteBidon

le jeu mérite sans doute une meilleure note mais il y a un moment où il faut arrêter de se complaire dans toujours la même bouillabaisse de petits fétiches cyberschtroumpf hypercapitalistes marre à...

le 27 juil. 2021

1 j'aime

6

Cruelty Squad
Choupit
10

Critique de Cruelty Squad par Choupit

Cyberpunk en fond et en forme, pas pour les âmes sensibles mais une expérience vraiment unique.

le 5 juin 2023

Cruelty Squad
diegowar
4

Critique de Cruelty Squad par diegowar

Je suis un grand amateur de FPS old-school, donc quand j'ai vu que celui-ci avait l'air d'en être un, et assez bien noté par tout le monde, forcément j'ai foncé sans me renseigner plus que ça.Manque...

le 7 nov. 2022

Du même critique

Graveyard Keeper
The_Singe
4

La repompe funèbre

Un Stardew Valley où au lieu d'une vie de paysan, le joueur mène celle d'un gardien de cimetière. Comme pas mal de productions indépendantes, le concept est relativement original et l'ambiance est...

le 21 oct. 2018

8 j'aime

4

Far Cry 3
The_Singe
5

Je t'ai déjà donné la définition du mot "surjouer" ?

Far Cry 3 a eut les éloges de la presse vidéo-ludique il y a quelques années. Et il illustre le fait que à peu près n'importe quel titre AAA peut avoir une bonne note pourvu qu'il ne chie pas trop...

le 9 déc. 2017

3 j'aime

3

Gaston Lagaffe
The_Singe
2

M'enfin c'est de la merde !

Gaston Lagaffe ou "on fait encore une adaptation pourrie d'une bande-dessinée française qui finira en prime-time durant les vacances d'été sur TF1" est une de ces comédies qui ont la finesse d'un...

le 20 avr. 2018

1 j'aime