Plus de trois mois après la sortie chaotique (c'est un euphémisme) de Cyberpunk 2077 est-il encore nécessaire de tirer sur l'ambulance ?
A mon sens oui, voilà pourquoi :
(Je tiens a préciser qu'il s'agit une fois de plus d'une dénonciation nécessaire des agissements cupides de CD Project et non d'une attaque à l'encontre des développeur.euses qui ont travaillé.es sur le jeu.)
Ayant profité de l'expérience Cyberpunk sur PS4 slim, j'ai donc pu constater par moi même l'étendue du foutage de gueule que sont les versions "old gen" du jeu.
Vous connaissez déjà le menu : framerate indécent, texture affreuses, bugs en tous genres et crashs permanents qui ont bien faillis avoir raison de ma détermination à aller au bout de l'aventure de V et Johnny Silverhand.
Pourtant, après 3 mois d'efforts (faut pas exagérer quand même) et deux énormes patchs incapables de sauver ce jeu à l'agonie, j'ai finalement eu raison de Cyberpunk 2077, enfin soulagé.e mais terriblement frustré.e.
Frustré.e par ce que quand même quel potentiel ! Quelle qualité narrative ! On s'attache et s'identifie terriblement à ces personnages, à leurs histoires et à leurs évolutions personnelles et morales.
On se projette si facilement dans cette ville de Night City affreusement crédible qu'elle en devient parfois même terrifiante.
Quelle meilleure opportunité que ce Cyberpunk 2077 pour proposer une vision politisée, puissante et amère sur les évolutions actuelles et futures de notre société ?
Autant d'éléments réussis qui réaffirment la place du jeu vidéo au cœur des œuvres culturelles qui s'adressent à nous, joueuses et joueurs en nous proposant plusieurs point de vues destinés à nourrir nos réflexions personnelles et morales.
Alors pourquoi faudrait-il encore tirer sur l'ambulance ?
Si Cyberpunk 2077, malgré son lot de problèmes techniques reste un jeu immersif, stimulant et intéressant, alors pourquoi ne pas pardonner à CD Project ses erreurs d'optimisation et de communication ?
Eh bien par ce que ce ne sont pas des erreurs, ce sont des choix. Des choix cyniques et immoraux décidés par les dirigeants du studio polonais.
Comment peut-on à travers un jeu vidéo, inviter les joueur.euses à remettre en question les pratiques capitalistes, ultra libérales et inégalitaires d'un société dominé par les méga corporations quand l'on se comporte soi-même comme l'entreprise fictive d'Arosaka ?
Quelle crédibilité peut-on encore accorder aux messages puissants adressés par le jeu quand le studio qui l'a développé utilise un marketing agressif et mensonger ?
Comment adhérer aux valeurs morales qui nous sont proposées lorsque l'on apprend que CD Project n'en n'a aucune et ne cherche que le profit et la rentabilité ?
Tel est le paradoxe Cyberpunk, un jeu au principes contredits par la politique économique de son propre studio.
Ce modèle de production qui tend à se généraliser a notre dépend n'a aucune limite... si ce n'est la nôtre, celle que nous lui imposons comme l'ont fait des milliers de personnes à la sortie du jeu.
Il aura fallu attendre un scandale médiatique et populaire pour mettre la pression sur les grandes entreprises du jeu vidéo.
S'insurger contre CD Project et contre ce modèle de société, c'est le peu de pouvoir que nous avons encore pour influencer le monde du jeu vidéo, pour essayer de le rendre un peu plus juste, un peu plus équitable.
Cyberpunk 2077 restera une oeuvre majeure, pour ses défauts bien sûr, mais aussi pour ses qualités certaines de narration et surtout pour sa dimension symbolique, celle d'une société à la croisée des chemins.