C'est dur d'avoir un avis sur Death Stranding. C'est un jeu qui fait beaucoup de choses mal, genre vraiment mal, et qui a au final assez peu de qualités. Mais les qualités que le jeu a ont tellement d'ampleur, et nous marquent tellement plus qu'elles ne devraient, qu'on se retrouve a vraiment aimé un jeu parfois médiocre sans complètement comprendre pourquoi.


Je pense que c'est inutile aujourd'hui de l'expliquer, mais Death Stranding est un jeu où on marche. On marche beaucoup. Parfois on grimpe des rochers, parfois des échelles, parfois on descend une corde, parfois on peut faire maladroitement du skate ou faire l'erreur d'utiliser un véhicule sur autre chose qu'une route. Ici, le cœur du jeu, c'est le déplacement. C'est assez culoté, non pas parce qu'il serait le seul à le faire hein, (le déplacement est également le cœur de jeu de tous les Mario et autres plateformers) mais parce que le créateur du jeu est quand même quelqu'un qui avant nous faisait infiltrer des bases militaires et combattre des méchas au bazooka. Et je trouve que faire ce choix de design risqué dans l'industrie du triple A est assez bluffant.


Donc du coup on est une sorte de facteur tout terrain qui doit livrer des trucs et on se déplace, mais est-ce que c'est bien ? Non, mais surtout oui. Prenons l'exemple de Mario 64, où on se déplace pas mal aussi. Dans Mario 64, on peut sauter, faire un triple saut, faire un saut en longueur, sauter et rebondir sur les murs, faire un salto arrière, marcher, courir, plonger... Il y a vraiment toute une palette de mouvements à notre disposition pour nous laisser nous exprimer. Dans Death Stranding, on peut marcher, courir, retrouver son équilibre en martelant des gâchettes, grimper sur des trucs... et c'est à peu près tout. Le système de grimpe est archi mal foutu, ce qui là fout un peu mal dans un monde assez porté sur la verticalité. Les touches pour garder l'équilibre règle à peu près toutes les situations et nous ralentissent à peine, ce qui fait que c'est une option qu'on utilise un peu tout le temps plutôt que de manière réfléchie. Bref, n'espérez pas exprimer votre créativité dans ce jeu, parce que vous êtes super limité.


Mais alors comment ça se fait que c'est bien ?


Ce système de déplacement sur lequel je crache depuis tout à l'heure, il est vraiment super cool. Pourquoi ? Parce que dans Mario 64, les obstacles et la construction des niveaux sont un prétexte pour l'expression du joueur. Dans Death Stranding, c'est l'inverse. Le joueur, ou plutôt l'homme qu'on incarne, est un prétexte pour l'expression du monde. Parce que la star du jeu, c'est bel et bien l'univers, qui est fascinant à bien des égards. On explore un monde complètement en ruine pratiquement dépourvu de faune, la flore peine à se faire une place au milieu des rochers, et on est vraiment absorbés par les immenses espaces déchirés par les lacs et les chaînes de montagnes. Ce système de déplacement en apparence peu élaboré, parvient à nous mettre dans une transe qui nous met en osmose avec les terres que l'on traverse. L'immersion est d'autant plus forte que contrairement à d'autres jeux de déplacement, on subit réellement l'environnement sans pour autant que cela soit frustrant. Le système d'équilibre, aussi cassé soit-il, arrive en s'accouplant avec la richesse d'animations du porteur, à nous faire ressentir tout le poids de la charge qu'il porte. Sam se déplace lentement, il trébuche facilement, et il se ramasse s'il saute d'un tout petit peu trop haut. Cette fragilité de notre avatar, elle participe à nous faire nous sentir écrasé par l'immensité de ce monde épuré de tout.


Il est alors surprenant, que l'intelligence de cette simplicité ne parvienne pas à se retranscrire dans les autres aspects du jeu. L'interface réussit à être plus lourde que nos livraisons, et les menus sont absolument illisibles. Au bout d'un moment j'ai réussit à ignorer cette partie, mais au départ, je dois avouer que mes yeux saignaient. Il y a du texte, partout en tout petit qui vient inutilement densifier la charge d'information que l'on se prend dans la gueule. Les options que l'on utilise pour accepter et préparer nos livraisons sont le contraire d'intuitif. Et c'est pas que textuel, hein, parce que pour un jeu qui essaye de nous faire ressentir l'isolement et la douce solitude des grands espaces, putain mais qu'est-ce qu'il est bavard. Les gens nous parlent tout le temps et ne s'arrêtent jamais. Vous commencez à vous immergez et à être complètement pris par votre promenade, mais hop ! Voilà que Guillermo Del Toro vous appelle pour déverser sur vous un océan d'exposition, voilà que Troy Baker vient vous faire une mauvaise impression du joker, et voilà que Léa Seydoux sort d'un film où elle devait jouer une petite bourgeoise fille à papa qui chiale pour tout et rien pour venir jouer une petite bourgeoise fille à papa qui chiale pour tout et rien et qui ne la ferme jamais.


Mais je crois que ce blabla constant ne serait pas autant gênant si l'histoire n'était pas aussi mauvaise. Sérieusement, pourquoi est-ce qu'on laisse encore Hideo Kojima s'approcher d'un script ? Là vraiment, c'est honteux. Prenez la subtilité, écrabouillez là et jeter là dans un caniveau et vous obtenez le scénar de Death Stranding. le jeu a des choses à raconter, mais qu'est-ce qu'il les racontent mal ! Les thématiques nous sont étalé sur la gueule, les personnages, moins humains en chair et en os que symboles outils des thématiques, n'ont pas seulement l'indécence d'avoir la finesse d'une truelle, il faut en plus qu'ils nous expliquent leur symbolique dans des monologues risibles pour être sûr qu'on a compris. Il y a des gens vont en prison pour moins que ça, à ce niveau c'est criminel.


Le jeu est également incapable d'être laissé libre à interprétation. On vit dans un univers post apo (encore) où le monde des morts et celui des vivants sont plus proches que jamais, des forces paranormales rôdent dans les terres que l'on parcourt et Sam, le protagoniste, est incapable de mourir et se retrouve parfois sur une plage dans ses rêves. Tout ce mystique aurait je pense pu servir l'expérience si le jeu ne se sentait pas obligé d'expliquer absolument TOUT. Du coup, au lieu d'avoir un monde étrange qui nous questionne même une fois le jeu terminé, on a tout servi sur un plateau repas et forcément, on est déçu.


Non seulement, les personnages sont mauvais, non seulement les dialogues sont inexcusables, non seulement les explications ne sont pas pertinentes, mais il faut en plus que le jeu se trahisse en ajoutant à une expérience qui n'en avait pas besoin un antagoniste (Higgs) qui est une mauvaise blague, et des SEQUENCES DE TPS AAAAAAAAAAAH ! Pourquoi ? Mais pourquoi ? On est un livreur, pourquoi est-ce qu'on me fout une arme dans les mains ? Qu'est-ce qui justifie que Sam, homme auquel le jeu n'indique jamais la présence d'un passé militaire, doit être amené à vaincre Mads Mikkelsen (qui joue ici un vétéran) en lui vidant des chargeurs dans la gueule dans les séquences de jeu les plus nuls et inadéquates que j'ai vu dans ma vie.


Bref, ce jeu est un beau gâchis. On a un concept en or, une boucle de jeu exceptionnelle, un multijoueur excellent et parfaitement complémentaire à l'expérience dont je n'ai pas eu le temps de parler ici, mais il a fallu y rajouter des mécaniques et des niveaux qui n'avaient rien à y foutre et une histoire complètement à côté de la plaque. Le jeu aurait pu se contenter d'être bien plus linéaire dans son déroulé, avec une histoire beaucoup plus simple et une absence d'armes (on laisse à la rigueur le lance-bolas il est cool). Le jeu aurait pu se contenter d'être ça, mais il n'en a pas eu le courage.


Mais contextuellement, quand on voit ce qui sort dans le monde des grosses productions vidéoludiques, on a quand même quelque chose qui prend beaucoup plus de risques. Si vous avez le choix entre Death Stranding et God of War, jouez à Death Stranding.

Panineohm
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le 8 janv. 2023

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