Une surprise, assurément... une bonne surprise.

A l’origine, j’avais terminé le jeu aux alentours de sa sortie, mais la disponibilité récente de l’édition Director’s Cut m’a donné envie de relancer une partie. J’en ai donc profité pour relire ma critique et la réécrire, autant pour modifier la forme que le fond. Mais commençons d’abord par découvrir le prologue.

Dans un futur relativement proche, dans un monde où les prothèses mécaniques et les implants crâniens sont devenus un véritable phénomène de société, permettant non seulement aux blessés de guerre de retrouver une vie correcte, mais poussant également les gens indemnes vers une course à la performance, vous incarnez Adam Jansen, responsable de la sécurité au sein d’une entreprise effectuant des recherches sur cette technologie à la fois révolutionnaire et lourde de conséquences. L’atmosphère générale est aux émeutes et aux conflits virulents opposant ceux qui choisissent de remplacer une ou plusieurs parties de leurs corps par des membres mécaniques, à ceux qui refusent ces augmentations, que ce soit par refus d’être assujetti à vie à une drogue coûteuse et produite par une poignée d’entreprises, ou pour des raisons religieuses ou éthiques. C’est dans ce contexte délicat qu’Adam doit assurer la sécurité des employés de Sarif Industries, alors qu’une poignée de ses chercheurs s’apprête à rendre publique une découverte révolutionnaire. Malheureusement, les choses tournent plutôt mal, et à votre réveil, vous voilà littéralement transformé en machine à tuer.

Deus Ex : Human Revolution est la première réalisation d’Eidos Montréal, qui a tenté de rassurer les fans du premier opus en faisant attention à ne pas suivre le mauvais exemple du deuxième titre. Dans l’ensemble, s’il y a plusieurs points cruciaux que je trouve ratés, et certaines décisions qui ne me plaisent pas vraiment (et que je vais développer plus tard), je pense qu’ils sont parvenus à respecter l’esprit du jeu original, en conservant les points forts de sa jouabilité tout en améliorant certaines de ses faiblesses.

On retrouve donc un FPS avec des combats dynamiques, des niveaux favorisant l’infiltration avec des conduits de ventilation, des passerelles, et la capacité de pirater les systèmes de sécurité (caméras, tourelles, robots, faisceaux et alarmes, verrouillages…) et de la planque de corps, des dialogues à choix multiples, quelques missions secondaires, une montagne de livres électroniques et de courriels à lire, un inventaire à cases, un armement varié (létal ou non) que l’on peut améliorer avec des accessoires, et, bien sûr, des augmentations, aussi variées que nombreuses et régies par un système d’expérience classique mais plutôt bien fichu.

Il y a cependant quelques points qui me chiffonnent.

Pour commencer, la conception des niveaux facilitent souvent beaucoup les choses lorsqu’il s’agit de s’infiltrer : les conduits de ventilation sont vraiment très nombreux ou trop accommodants, les terminaux de sécurité ne sont jamais très loin des tourelles qu’ils contrôlent, les trous présents entre les patrouilles ennemies se repèrent vraiment facilement, notre radar embarqué est surpuissant et, comble du comble, il y a même parfois des passerelles placées juste au bon endroit, alors qu’elles n’ont aucune raison logique d’être là. Enfin, le système de couverture à la troisième personne (ainsi que l’utilisation des échelles) brise l’immersion bien comme il faut et facilite d’autant plus l’infiltration.

Et pour rester sur le même sujet, je trouve aussi que la conception de ces niveaux a tendance à être trop linéaire. Nos choix se limitent souvent à emprunter le hall principal ou à déambuler dans les conduits de ventilation, pour arriver d’un point A à un point B. Il manque à ce Deus Ex des niveaux aussi ouverts que Liberty Island, l’aéroport de Lebedev ou encore la Cathédrale, où quatre voire cinq approches distinctes différentes étaient envisageables pour traverser les lignes ennemies.

Les boss constituent l’une de mes déceptions. Ils doivent obligatoirement être tués pour faire avancer l’histoire. Si l’édition Director’s Cut adoucit les affrontements pour les joueurs ayant fait le choix de l’infiltration plutôt que celui de la baston (en ajoutant des tourelles ou des robots à pirater, par exemple), j’aurais préféré avoir la possibilité de les épargner, ou même de les éviter, purement et simplement. Le scénario de Deus Ex était lui aussi linéaire, mais permettait quelques nuances vis-à-vis de certains personnages que ce nouvel opus ne permet pas. Bon, il faut dire aussi qu’en matière de méchants moches et méchants, on peut difficilement trouver pire.

Et puisque je parle de méchants, j’aimerais aborder le sujet qui fâche : le scénario. Je ne peux m’empêcher de faire une comparaison avec le premier titre. Ne lisez pas les deux prochains paragraphes si vous ne voulez pas vous gâcher la surprise.

Pour rappel, l’histoire de Deus Ex se déroulait dans un contexte où une épidémie (appelée la Peste Grise) ravageait le monde. Nous incarnions J.C. Denton, un agent de l’UNATCO, une division de l’ONU notamment chargée de gérer la répartition non-équitable de l’Ambroisie, le seul antidote contre la Peste Grise et réservé aux plus riches. Au fil des premières missions que l’on nous confiait, on se rendait compte qu’il y avait anguille sous roche, et que les « terroristes » qu’on nous ordonnait de réduire au silence constituaient la menace la plus visible mais absolument pas la moins légitime, puisqu’un groupement armé et servant des intérêts privés, le MJ12, effectuait en secret des recherches de pointe en faisant fi de l’éthique et d’un bon nombre de lois. Puis vient la révélation de la trahison de Paul Denton envers l’UNATCO, notre arrestation, et notre réveil dans une prison haute sécurité du MJ12 qui débouche sur… le bunker de l’UNATCO.

Le scénario de cet opus reprend une bonne partie des thèmes présents dans Deus Ex : les preuves d’une conspiration mondiale impliquant les organismes publics et les Illuminatis, le contrôle par la richesse, la manipulation de l’information, le contrôle de nos propres corps par une minorité grâce à la technologie, la mafia en opposition aux pouvoirs officiels pour le bien-être commun… la différence, c’est qu’Human Revolution se sert de tous ces éléments de façon maladroite, comme si ces derniers avaient été piochés au hasard pour être déversés sur un plan de travail, puis reliés à la va-vite. Je pense qu’il y avait largement de quoi faire avec les guerres privées entre entreprises de pointe pour éviter de nous ressortir le coup du complot, surtout si c’était pour l’introduire de cette façon-là. Mais le plus gros problème de ce scénario, c’est surtout, SURTOUT, son niveau, qui régresse progressivement jusqu’à arriver au niveau de celui d’un film de série Z. Je n’affirme pas que celui de Deus Ex n’était pas manichéen ou qu’il était parfait, mais il était plausible, laissait les choses se mettre en place et prenait garde à ne pas franchir la fine limite entre « envisageable » et « parfaitement grotesque ». Et pour conclure ce petit musée des horreurs, Eidos nous propose une fin à trois interrupteurs, littéralement. Décevant. Ils manquaient peut-être de temps, mais l’édition DC ne modifie absolument pas cet aspect.

J’aime ce jeu. Je n’adhère pas à fond à la direction artistique, mais je dois reconnaître qu’elle est particulièrement soignée, et je trouve la bande son sublime, autant pour le fait que son compositeur ait cherché à s’éloigner un peu du modèle de référence que pour sa qualité à proprement parler, mais je ne peux pas pardonner ce scénario catapulté, bordélique et grotesque.
On sent que les développeurs d’Eidos Montréal ont autant cherché à réaliser un bon jeu qu’à réaliser quelque chose s’inscrivant dans l’esprit de Deus Ex. Les références au premier titre sont aussi nombreuses que plaisantes, et je compte sur eux pour nous sortir une suite avec une histoire plus crédible et davantage de lieux explorables (voir Montréal et une ville Européenne n’aurait pas été du luxe).

Créée

le 3 janv. 2014

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Makks

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