Doom Eternal
8.1
Doom Eternal

Jeu de id Software et Bethesda Softworks (2020PlayStation 4)

Perfectly Balanced...As all FPS should be...

Malgré mes bons souvenirs sur Doom 2016, notamment l'une de mes plus grandes parties insomniaques de ces dernières années, je n'avais pas spécialement l'intention d'acheter cette suite, n'y voyant pas à première vue une grande différence avec le précédent reboot de cette franchise démoniaque.


Un confinement et une soudaine envie de taper sur des démons plus tard, je lance finalement Doom Eternal et les premières heures ont suffi pour démentir le préjugé que j’avais à son sujet puisqu'en dépit d'une moelle de gameplay identique à son prédécesseur, la structure du jeu est néanmoins assez distincte pour offrir une expérience relativement différente de Doom 2016, même si le cœur du Gameplay FPS reste lui inchangé.


Et quel gameplay, nom de dieu!


La frénésie du gameplay, déjà caractéristique de Doom 2016, a été transfigurée dans ce nouvel opus qui confère au joueur une mobilité à faire pâlir toute la concurrence. Et en dépit de cette nervosité décuplée, le jeu semble pourtant encore mieux équilibré que son prédécesseur, notamment dans la répartition des munitions incitant bien davantage à exploiter toutes les armes de notre arsenal au lieu du sempiternel Super Shotgun (qui reste néanmoins toujours mon arme préférée. ;) )


Le nouveau bestiaire qui nous fera obstacle semble d’ailleurs également obéir à cette logique d’équilibrage, en forçant le joueur à sortir de sa zone de confort et de changer d’armes à la volée pour contrer plus efficacement les nouveaux adversaires qui se dresseront devant la barbarie frénétique du Doom Slayer. Comme dans tout grand jeu vidéo, tout est affaire de choix dans Doom Eternal, non pas des dilemmes moraux qui se décident tandis que le temps suspend son envol mais des décisions instantanées, frénétiques, qui seront décisives dans la survie de notre personnage et dans l’anéantissement de nos adversaires.


C’est cet espèce d’équilibrage miraculeux entre la nervosité du gameplay et ces prises de décisions réfléchies, entre l’instantanéité des réactions du joueur et une réflexion pourtant globale sur la maîtrise du champ de bataille qui confère ce charme si particulier à Doom Eternal, cette adrénaline suffocante dont il est impératif de suivre le rythme, car les Démons ne font pas de cadeaux aux campeurs ou aux trainards, mais qu’il est également nécessaire de contrôler sous peine de céder à la panique face à un torrent d’adversaires toujours plus infernal.


Oui, je peux le dire sans crainte, Doom Eternal est le meilleur gameplay brut de FPS que j’ai vu dans ma vie de gamer (et à trente piges, je commence à en avoir vu quelques-uns) et en qui concerne la tension permanente de ces affrontements en arène, il commence à être difficile de voir ce qui pourrait bien être amélioré au milieu d’une telle maîtrise de violence débridée et de précision implacable.


Le niveau de difficulté UltraViolence correspondait d’ailleurs parfaitement à mon profil de joueur, offrant des affrontements difficiles et exigeants sans pour autant virer dans le pétage de câble intégral comme le boss final de Sekiro (même si les derniers niveaux se sont tout de même montrés récalcitrants).


En réalité, devant une telle effervescence d’adrénaline, il serait presque possible de se demander si le genre du FPS n’a pas atteint un point de non-retour tellement l’intensité des affrontements donne parfois l’impression de devoir reprendre son souffle, sous peine de ne plus pouvoir suivre ce rythme effréné. La nouvelle structure beaucoup plus Arcade de Doom Eternal, articulée autour de niveaux à l'ancienne, semble même se légitimer pour permettre au joueur de prendre des pauses bienvenues après des affrontements aussi endiablés.


Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas sur le plan de son gameplay brut que je trouverais quelque chose à redire au jeu. Et pour le reste, tout semble également se présenter sous les meilleurs auspices durant les premières heures de jeu :


  - Délaissant la précédente structure de Doom 2016, finalement relativement cohérente mais quelque peu redondante à la manière du premier Half Life, Doom Eternal est donc cette fois ci articulé en niveaux à l’ancienne, offrant ainsi beaucoup plus de diversité dans les environnements traversés.


  • C’est donc l’occasion pour la direction artistique de faire exploser sa créativité visuelle en essayant de conférer à chaque décor une tonalité unique. Malgré ses origines ancestrales dans le genre, la série est parvenue à rester fidèle à son héritage tout en créant un enrobage esthétique qui parvient à la distinguer immédiatement de la concurrence. Ainsi, le mélange de science et d’occultisme, déjà largement développé dans Doom 2016, est ici beaucoup plus approfondi, allant même jusqu’à devenir la thématique principale de plusieurs niveaux et de la Lore du jeu, illustrant fréquemment des laboratoires démoniaques à échelle apocalyptique.


Et avec ces titans dignes de Pacific Rim, le jeu semble plus que jamais assumer la démesure visuelle héritée du Métal, dont l’héritage sonore du genre était déjà évident à travers la superbe bande son de Mick Gordon, en proposant des panoramas dignes des environnements de Brutal Legend.



  • Profitant de cette nouvelle diversité, le jeu essaie également d’insuffler un peu plus d’exploration dans sa structure, quitte à prendre le risque de rompre le rythme effréné de la licence. Toutefois, l’équilibre semble également atteint à ce niveau là puisque l’exploration minimaliste est facilement récompensée et n’empiète pas réellement sur l’adrénaline insufflée par les affrontements.
    Bref, il fallait bien se rendre à l’évidence : les premières heures de Doom Eternal semblent bien signifier que le genre du FPS Brutal semble avoir trouver un nouveau porte étendard dont la sauvagerie et l’intensité jamais interrompue semblent hors d’atteinte de la concurrence.


Et pourtant…


Il y a quelque chose de pourri au Royaume des Démons.


Pourtant, c’est tout de même avec quelques réserves que le générique de fin fait son apparition et si je ne tarirais jamais assez d’éloges sur la réussite de son gameplay, j’ai tout de même davantage d’écueils à prononcer sur l’expérience de jeu dans sa globalité :



  • Le premier élément qui a commencé à malmener mes premières impressions enthousiastes s’est révélé assez inattendu puisqu’il consiste en une inégalité qualitative très prononcée entre les différents niveaux du jeu.


Cela était peut-être déjà un écueil qu’on pouvait adresser à Doom 2016 mais avec sa structure plus cohérente et sa progression ininterrompue, il était sans doute moins éloquent que la segmentation des niveaux opérés dans Doom Eternal.


En effet, je me suis surpris très rapidement à constater une différence de qualité assez éloquente entre les différents niveaux, qu’il s’agisse de l’inventivité de la direction artistique (qui délaisse parfois l’influence Métal pour lorgner vers l’Heroic Fantasy plus classique voir même n’est tout simplement pas inspirée par moments), la fluidité de l’exploration (certains niveaux se révélant assez maladroits dans leur manière de camoufler la linéarité du jeu et l’ouverture parfois hasardeuse de son Level Design) ou même l’inventivité globale de l’ensemble.


Tant que les actions du joueur sont limitées aux affrontements dans les arènes, il est difficile de prendre le jeu en défaut puisqu’il ne cessera jusqu’aux derniers chapitres d’enrichir son extraordinaire gameplay par un renouvellement du bestiaire et de nouvelles manières d’appréhender les échauffourées. Mais en ce qui concerne l’expérience globale en parcourant les niveaux, l’intensité est plus irrégulière et le sentiment global plus mitigé. Mais il s’agit en réalité d’un arbre qui cache la forêt d’un problème bien plus épineux.



  • A l’image de son prédécesseur, le jeu est malheureusement incapable d’occasionner des ruptures de ton prononcées et de proposer des séquences réellement marquantes en dehors des affrontements dans les arènes.


C’est probablement dans cet écueil que subsiste encore le plus l’aspect vieillot de la licence qui semble ne pas vouloir s’émanciper de certains stigmates de l’héritage du passé. C’est regrettable car tout semble pourtant propice pour que Doom ne soit pas simplement une affaire d’action indétrônable mais également de moments inoubliables.


Vous savez ces moments où un jeu prend le risque de lever le pied pour poser clairement les enjeux de son univers ? Ceux où les habitudes du joueur sont bousculées pour donner lieu à une toute nouvelle approche de l’environnement et des dangers aux alentours ? Avant de cumuler dans un crescendo épique qui marque la conclusion de cette aventure ? Ces moments qui font qu’Half Life 2 rime immédiatement avec Cité 17, Ravenholm et les Tripodes.


Plus récemment, même Titanfall 2 était parvenu à atteindre ces moments de grâce, en dépit d’une campagne solo bien plus courte que celle de ce Doom Eternal.


Mais Doom Eternal, tout ça, lui il s’en fout. C’est épique du début à la fin et les seules ruptures de rythme sont celles imposées par la narration et l’exploration mais non par de véritables partis pris qui voudraient bousculer le joueur dans ses habitudes.


Alors certes les derniers niveaux de Doom Eternal se démarquent par leur démesure épique, la beauté de leur direction artistique et leur difficulté plus prononcée mais au moment où le générique de fin, j’étais bien incapable de nommer un moment qui perdurera sans aucune hésitation dans ma mémoire de Gamer alors que de nombreux éléments semblaient pourtant avoir été mis en place pour avoir un final mémorable.


J’admets à ce titre avoir été particulièrement déçu par les affrontements contre les Boss qui semblent confondre intensité et longévité de l’affrontement. Sans atteindre les sommets du genre, les Boss de Doom 2016 avaient pourtant su marquer les esprits mais les principaux antagonistes de Doom Eternal font pâle figure en comparaison, en proposant des combats traînant excessivement en longueur et mettant de surcroît encore l’emphase sur les affrontements en arène au lieu d’un duel pur et simple contre le Doom Slayer. Comme si, à nouveau, la maîtrise absolue du gameplay Fast FPS était devenue une certaine restriction créative, empêchant les développeurs d’oser s’émanciper de leur propre formule, même le temps d’un affrontement contre un Boss.


La présence d’une aide spécifique proposée rapidement au joueur pour l’aider à surmonter les combats contre les Boss semble d’ailleurs indiquer que cet écueil était bien une réalité pour l’équipe de développement interne.



  • Enfin, l’emphase sur la narration se révèle contre-productive en alourdissant inutilement l’expérience de jeu, la faute à une tonalité étonnamment assez impersonnelle dans le traitement de son récit.


Nous sommes ici en présence d’un paradoxe étonnant. Alors que l’introduction de Doom 2016 était devenue culte pour sa manière de dégager sans scrupules la narration de son propos, Doom Eternal s’évertue pourtant à mettre en place une histoire beaucoup plus consistante, portée par un univers qui se voudrait bien plus cohérent qu’il ne le semblerait au premier abord. Et cela même alors que le jeu adopte pourtant une structure Arcade, encore moins réaliste et cohérente que celle de son prédécesseur, ce qui aurait logiquement dû l’inciter à délaisser d’autant plus toute surcharge narrative.


En soit, pourquoi pas. La Lore du jeu n’est d’ailleurs pas inintéressante même s’il faut se farcir des pages de Codex pour réellement en comprendre les tenants et aboutissements puisque la narration directe de Doom Eternal n’en explore que la surface. Mais le choix qui demeure en revanche plus surprenant réside dans le Premier Degré assez déconcertant de l’intrigue qui semble s’interdire toute forme d’excentricité et d’humour durant ses cinématiques. Alors je ne dis pas qu’il faille désormais sempiternellement virer dans l’insupportable humour cynique de Marvel mais on parle tout de même d’une invasion démoniaque à grande échelle durant laquelle notre Doom Slayer va exterminer des démons avec l’excentricité la plus totale. Je veux bien que le scénario tente ensuite d’aborder un vague complot cosmique et des guerres ancestrales impliquant les Makyrs (« Makers » hohoho parce qu’on va quand même pas parler directement d’anges et de la bible, faut pas déconner non plus.) mais la sobriété et la retenue de la mise en scène tranchent étonnamment avec la viscéralité perpétuelle de l’action en parallèle.


Une mise en scène qui de manière globale se révèle même plutôt médiocre puisqu’au-delà de cette étrange solennité, elle opère le choix très hasardeux de basculer l’action à la troisième personne, brisant régulièrement l’immersion du joueur par ses basculements hasardeux entre vue FPS et un point de vue plus extérieur.


Et si ces différents écueils énoncés pourraient paraître comme du chipotage, ils sont réellement pour ma part les défauts qui empêchent Doom Eternal d’atteindre le panthéon des FPS dans lequel il devrait pourtant logiquement régner en maître absolu.


Au final, que les diverses critiques précédemment mentionnées ne vous fassent tout de même pas perdre de vue l’essentiel : Doom Eternal a bel et bien le meilleur gameplay FPS de l’univers. Mais paradoxalement, il lui manque encore un brin de folie dans sa structure pour devenir une grande campagne solo, un brin d’excentricité épique pour devenir le meilleur FPS de tous les temps, celui devant lequel même Gordon devrait s’incliner. Ce sera peut-être pour la prochaine fois ou bien le périple sanguinaire du Doom Slayer s’arrêtera-t-il ici puisqu’il semble avoir atteint son apogée en matière d’affrontements véritablement infernaux.


En tout cas, une chose est sûre : s’il est encore trop tôt pour dire l’empreinte que Doom Eternal laissera dans son sillage, au-delà d’avoir été l’un des jeux les plus médiatisés et les plus appropriés en période de confinement, son gameplay, lui, restera bel et bien dans les annales.


Parce que c’est vrai, il faut bien le dire quand même. Quel putain de gameplay !

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le 10 avr. 2020

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Leon9000

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