Duck Hunt n'est pas un jeu. C’est un rituel d’initiation violent. Une épreuve spirituelle où t’es balancé dans un champ sans fin, avec pour seul outil un pistolet de l’apocalypse orange fluo, pour tirer sur des canards kamikazes qui poppent de l’herbe comme s’ils sortaient tout droit d’un cartoon soviétique. Et t’es là, debout devant ta télé cathodique, en slip à 10 ans, armé comme Rambo, prêt à plomber tout ce qui bat des ailes. Parce que chez Nintendo, on rigole pas avec la faune.
T’as trois secondes pour viser, tirer, et rater. Car tu vas rater. Tu vas rater tellement souvent que tu vas apprendre à détester non seulement les canards, mais aussi la vie, l’humanité, et surtout... ce chien. Ce putain de chien. Ce démon numérique sorti tout droit de l’enfer des mascottes ratées. Il rigole. Il RIGOLE. À chaque fois que tu rates, ce fils de beagle se redresse des hautes herbes, te regarde dans les yeux avec son petit museau d’innocence maléfique, et il se fout de ta gueule. C’est pas juste un rire. C’est le rire d’un esprit ancien. Le rire d’un être qui a vu des civilisations s’effondrer. C’est le Joker, mais avec des oreilles tombantes.
Et toi, tu continues. Parce que t’es accro. Parce que tu veux ces canards. Parce que le flingue te donne une illusion de pouvoir, alors qu’en vrai, la NES décide seule si tu touches ou pas. Oui, car Duck Hunt, c’est le plus grand mensonge technologique de tous les temps. On t’a fait croire que ce Zapper fonctionnait comme un sniper laser intergalactique ? Raté. En vrai, c’est de la magie noire 8-bit combinée à un écran qui clignote plus vite qu’une boîte de nuit bulgare. Tu tires, l’écran devient noir et blanc comme si le jeu faisait une crise d’épilepsie, et ensuite… le verdict tombe. T’as touché ou t’as merdé. Et le chien juge. Toujours.
Mais au fond, ce jeu, c’est pas une simulation de chasse. C’est une fable tragique sur la perte de l’innocence. Le canard, c’est ton rêve. Le flingue, c’est ta rage. Le chien ? Le système. Et toi, pauvre larve humaine, tu te débats dans ce champ sans fin, tel Sisyphe, éternellement condamné à faire feu dans le vide pendant que les canards rotent au-dessus de ta tête.
Et puis il y a ce mode "clay shooting", où tu tires sur des soucoupes de pixels qui filent à travers le ciel. Plus personne n’en parle de ce mode. Parce qu’il est là pour rappeler que tu peux même rater des trucs sans vie. Que même une assiette volante, tu peux la louper. Duck Hunt ne juge pas ton adresse. Il juge ton âme.
Alors oui, c’est culte. Oui, c’est mythique. Mais au fond, Duck Hunt est une simulation de l’échec pur. Une masterclass dans le “tiens, mange-toi ça dans ta fierté, gamin”. Un voyage introspectif où tu finis par parler à ton Zapper comme à un vieux pote de guerre : “Souviens-toi, 1989, niveau 12... trois canards échappés. Ce jour-là, j’ai compris que je ne serais jamais vétérinaire.”
Et pourtant, on y revient. Encore et encore. Parce qu’on est tous à la recherche de ce headshot parfait, ce tir divin, ce moment de grâce où tu descends les deux canards d’un seul coup et que, pendant une microseconde, ce chien reste silencieux. Il ne rigole pas. Il te regarde. Il te respecte.
Mais ça ne dure jamais longtemps. Car il reviendra. Avec son rire de hyène sous méthamphétamines. Pour te rappeler que dans Duck Hunt, le seul vrai gibier... c’est toi.