Cette année sera clairement celle qui fera le plus d’ombre aux grosses productions AAA. Avec un moteur Unreal Engine 5 sur le devant de la scène, des jeux moins ambitieux financièrement avec de la personnalité comme Split Fiction, Blue Prince, The Alters et… à l'instar d’Expedition 33, je vais dès à présent vous parler d’un jeu qui mérite un peu plus de “lumière”. River End Games, un studio suédois incarnant cette mouvance renforçant l’attrait pour des productions moins coûteuses, mais pas moins ambitieuses. Car l'équipe est en réalité un "melting-pot" ou un "kit" ? — d’anciens développeurs, notamment d’Electronic Arts (Battlefield, Mirror’s Edge, Unravel…), désirant réaliser ici une production plus intimiste et plus radicale dans leur proposition. Déjà un début d'expérience qui sent bon la boulette, l'écran titre prend vie sous nos yeux, offrant un style Belle Époque du début du XXe sur son thème musical qui me donne déjà envie de me mettre au piano. Passées les premières minutes, le temps d’enregistrer l’OST dans une playlist, il est temps de commencer…
…Par quelques détails techniques : Eriksholm est “sur le papier” un jeu d’aventure/infiltration entièrement solo utilisant la vue 3D isométrique, tournant sous l’Unreal Engine 5. Le poids plume pèse moins d’une vingtaine de gigas et tourne plutôt bien sans ralentissements. Restons sur l’UE5 et conjuguez-le avec une direction artistique au style scandinave très détaillée, et nous obtenons un résultat qui flatte la rétine et fourmille de détails. Malheureusement, j’aurais préféré avoir un niveau de zoom plus permissif, mais on comprend vite qu’on perdrait alors en qualité.
Petit point sur le gameplay : on délaisse la peinture jaune pour de la peinture blanche, hohoho… Eh bien, croyez-le ou non, mais c’est beaucoup plus digeste et plus en accord avec la direction artistique que le jaune fluo de Still Wakes the Deep. Avec, en plus, une mise en surbrillance des objets à récolter, on obtient une affordance simple et efficace. Le jeu n’est pas si difficile, on a ici un puzzle game plutôt qu’un véritable jeu d’infiltration. Ce point témoigne d’une construction très artificielle des niveaux, sans réelles libertés d’action. Dans Eriksholm, on ne laisse pas la place à l’imagination, on cherche, on retrouve un pattern, on l'exécute avec diverses variantes qui, il faut l’admettre, se diversifient bien au fil de l’histoire.
Parlons justement de l’histoire, elle passe principalement par l'écriture et la marmonarration des personnages, qui doivent sûrement être de la même famille qu’Atreus ou en lien spirituel avec Dollman, peut-être ? (Vous les avez ?) Ce qui marquera votre aventure, ce sont les cinématiques entre les personnages qui sont criantes de réalisme, en particulier dans la retranscription des émotions faciales… Les personnages sont vivants et vifs, autant dans leurs animations que dans leurs doublages. Malheureusement, elles sont trop rares et j’ai développé peu d’attachement aux personnages. La mise en scène reste pauvre, avec un maximum de 10 minutes de cinématiques pour un peu plus d’une dizaine d’heures de jeu… pour une aventure narrative, j’ai déjà vu mieux. J’imagine que pour un studio indépendant, la performance capture représente un coût énorme et il a fallu, je pense, faire des choix. Cela permet tout de même de voir de quoi le studio est capable techniquement ; espérons qu’ils poussent les curseurs à fond si le succès est au rendez-vous.
Pour résumer, Eriksholm est un jeu vidéo qui fait très “jeu vidéo”, il propose une technique très correcte mais générique malgré l’abondance de détails. Il est accessible, propose un gameplay de niche évolutif qui dévoile son plein potentiel une fois arrivé à la moitié du jeu. Par contre, il peine à nous immerger dans son intrigue, qui reste trop en surface, malgré des cinématiques et un doublage parfait ! Le plus triste, c’est que je pense que le jeu aurait pu s'en passer, car elles ne sont pas au service de l’histoire et le gameplay est aux antipodes de l’immersion. J’y vois surtout un petit clin d'œil de la part des développeurs : “T’as vu ? Nous gèrons !”
Enfin, je le recommande, car on ne côtoie pas ce style de gameplay tous les jours. Je le trouve 5 à 10 € trop cher pour ce qu’il propose : attendez une petite réduction pour vous laisser tenter, l’expérience reste tout de même bien sympathique.